dimanche 3 mars 2019

[Decoin, Didier] La route de l'aéroport






Coup de coeur 💓

 

Titre : La route de l'aéroport

Auteur : Didier DECOIN

Editeur : Fayard

Parution : 1997

Pages : 144









Présentation de l'éditeur :

Karim a trouvé le moyen de vivre riche et heureux avec Natalia : gagner un pays en guerre, acheter une voiture, et faire le taxi pour les reporters. Cinq dollars par journaliste et par minute de trajet, tarif un peu cher mais comprenant les risques d'embuscades et de rafales perdues...
En attendant, il faut quitter Cherbourg. Qui dira l'utilité d'une balle de ping-pong pour voler une Honda groseille sur le parking de la zone portuaire?
Reste le plus difficile : rejoindre un bon petit conflit bien rentable.
Prix Goncourt 1977 pour John l'Enfer, Didier Decoin, secrétaire général de l'Académie Goncourt, est l'auteur d'une oeuvre considérable. On peut citer, parmi ses plus grands succès, Abraham de Brooklyn, La Femme de chambre du Titanic et La Promeneuse d'oiseaux.
 

 

Avis :

J'ai dévoré ce court récit en une soirée. 
Un couple de très jeunes gens un peu paumés et sans le sou rêve de faire fortune en faisant le taxi sur la dangereuse route de l'aéroport d'un pays en guerre. L'histoire habilement menée jusqu'à sa chute inattendue m'a fait penser aux nouvelles de Stefan Zweig, tellement fasciné par le destin et les coups du sort qui frappent ses héros. Le style est un régal : quel bonheur de lire un texte merveilleusement écrit. Didier Decoin peint ses récits comme un impressionniste qui réussit en quelques touches à recréer une ambiance parfaite. Ses tableaux sont aussi odorants, à cause de son obsession des odeurs, et musicaux, grâce au rythme des phrases. 

A force de visiter Cherbourg en sa compagnie, il faudra bien que j'y aille un jour :
En fondant, la neige avait transformé Cherbourg en une sorte de grand poisson ruisselant, une raie immense dont une aile palpitait en s'arrondissant jusqu'aux faubourgs de Tourlaville, une autre jusqu'à ceux d'Equeurdreville  et d'Hainneville. La queue de la bête s'évasait vers la gauche par la rue Louis-Lansonneur, vers la droite par la rue Lucet, tandis que les jetées du Homet et des Flamands lui faisaient, au nord, une petite gueule dentue. Sur la pierre pâle des anciens hôtels d'armateurs, les feux clignotants de la place Napoléon et de l'avenue Cessart jetaient des rougeurs de branchies. Les ardoises des toitures scintillaient comme des écailles. Le bassin du commerce et celui de l'avant-port donnaient au poisson une ligne de corps lisse et longue, une échine de chair huileuse, irisée de petits frissons silencieux qui faisaient palpiter l'eau noire. De cette ville étalée, de ce vaste animal endormi, montait une odeur de mouillure acide, de goémon froid, de bois humides et de métaux mordus par le sel, à laquelle se mêlaient par bouffées les vapeurs safranées, d'ail et de pain grillé, s'échappant des brasseries - car c'était l'heure des soupes de poisson d'après-cinéma.

Je ne me lasse décidément pas de cet auteur, c'est ma grande rencontre de l'année, voire depuis plusieurs années. Mon plus grand plaisir serait, au fil de mes lectures et de mes compte-rendus, de vous avoir donné envie de le lire et relire aussi. C'est mon dix-neuvième livre de Didier Decoin, et je viens enfin de recevoir ma dernière commande : quatre autres m'attendent donc encore. (5/5)

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