dimanche 20 octobre 2024

[Tripier, Perrine] Conque

 



 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Conque

Auteur : Perrine TRIPIER

Parution : 2024 (Gallimard)

Pages : 208

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

« CONQUE : nom féminin, coquille en spirale servant d’instrument depuis des millénaires. Coquillage berceau et tombeau, où se niche, caché, le grain de sable. »
Quelque part dans un pays battu par le vent du large, Martabée, historienne de renom, est mandatée par l’Empereur sur un chantier archéologique qui vient de mettre au jour les vestiges des Morgondes, guerriers-marins millénaires, dont seuls les bardes avaient gardé la trace. Martabée est chargée de les étudier afin de redorer le roman national. Pour entremêler sa gloire à celle du pays, Martabée excave des héros et des mythes, avec émerveillement. Mais quelque chose murmure sous le sable froid. Un appel sourd, dissonant, qu’elle devra choisir de suivre ou d’ignorer. Lorsque la lucidité prendra le pas sur l’ivresse et sur la vanité, qui choisira de voir, et qui s’aveuglera encore ? Fable politique et poétique, ce deuxième roman de Perrine Tripier allie le mystère à la contemplation. Dans cette Conque s’enroulent des énigmes, portées par un souffle épique.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :   

Perrine Tripier a publié en 2023, à l’âge de vingt-quatre ans, Les guerres précieuses, unanimement salué par la critique.

 

 

Avis:   

Après son magnifique et émouvant premier roman Les guerres précieuses, Perrine Tripier poursuit son investigation de l’emprise du passé, non plus sur une narratrice enfermée dans les vestiges de son enfance, mais sur une société mythifiant son Histoire pour asseoir sa grandeur.

Dans un pays sans nom aux technologies très actuelles, des fouilles archéologiques ont mis au jour les vestiges d’une antique civilisation tournée vers la mer, dont on n’avait jusqu’ici conservé que la seule mémoire d’une geste héroïque. Ravi de cette occasion de renforcer le prestige national au travers de ces glorieux ancêtres, des guerriers capables, sur leurs frêles esquifs, de se mesurer aux océans et aux gigantesques baleines, l’Empereur en même temps soucieux de détourner l’attention de dépenses somptuaires de plus en plus contestées réquisitionne l’historienne et professeur d’université Martabée Gaeldish pour qu’elle se fasse le chantre, sous son contrôle bienveillant, de l’immense portée de cette découverte. Afin qu’elle puisse publier ses bulletins d’information dans les meilleures conditions, il lui donne les pleins pouvoirs sur le chantier de fouille et l’ensevelit sous les cadeaux princiers.

Flattée et elle-même enthousiasmée, la scientifique étouffe sa gêne face aux intrusions dirigistes et souvent ridicules du monarque pour se consacrer à ses nouvelles tâches. Tout va pour le mieux, jusqu’à ce que, donnant soudain corps au malaise jusqu’ici imprécis et insidieux persistant à infiltrer le texte en même temps que l’esprit de Martabée, l’avancement des fouilles finisse par dévoiler un visage inattendu et pour le moins ignominieux des tant fantasmés Morgondes. Le dilemme est cruel pour l’historienne. Aura-t-elle le courage de publier la vérité, elle qui a désormais tout à perdre, en plus de son indépendance ?

Toujours aussi envoûtante et sensorielle, la plume de Perrine Tripier excelle à suggérer atmosphères et sensations. D’un côté la minéralité des vestiges, de l’autre les variations de la lumière, du vent et de la mer, viennent refléter la diffraction entre l’effrayante pesanteur de la réalité historique et l’immatérialité du temps et de la mémoire. Ecrire l’Histoire est un pouvoir, de l’Histoire l’on ne retient toujours que ce que l’on veut bien, son récit est indissociable du regard et de l’interprétation de l’auteur. Alors, à l’ère post-vérité où les leaders politiques usent du langage et de l’émotion davantage que des faits et de l’argumentation, ce conte imaginaire pointe l‘instrumentalisation politique des mythes, dans un jeu de pouvoir trouble et violent évoquant aussi bien les grandes dictatures que le nouveau storystelling idéologique à l’américaine.

Aussi dérangeante que somptueusement écrite, une fable dont l’imaginaire renvoie aux réalités passées et contemporaines des manipulations politiques de la mémoire collective. (4/5)

 

 

Citations :

Ça dort comme une gemme enfouie, dont l’eau sourde est pailletée d’ombre. Dans le brouillard vert de ses profondeurs, elle fait miroiter des rivages boréals. Tant que ça dort, ça ne peut pas faire de mal. Tant que ça dort, ça ne mord pas. Cristallisé dans une émeraude, le vieux monde se tait.


Sur le pas de la porte, on regardait les collines se velouter de vert vif. Les murets de pierre moutonnaient de mousse humide, minuscules forêts spongieuses accrochées à flanc de granit. Les vallonnements verdoyants se bossuaient avec bonhomie. Le ciel gris abaissait ses brumes à hauteur d’homme. C’était du nuage câlin, du brouillard caressant, qui perlait l’air des mortels en écharpes cotonneuses. Le ciel disait « vois, je suis là », et baignait les prés, les bêtes et les hommes à foison. On sentait à tout instant les paquets de gouttes fraîches nous bécoter les joues, comme une vieille tante heureuse de notre retour nous saluerait avec empressement.

 

 

Du même auteur sur ce blog :

 
 

 


 

vendredi 18 octobre 2024

[Cingal, Grégory] Les derniers sur la liste

 


 

 

Coup de coeur 💓

 

Titre : Les derniers sur la liste

Auteur : Grégory CINGAL

Parution : 2024 (Grasset)

Pages : 320

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Août 1944. Trente-sept officiers de renseignement alliés pénètrent au Block 17 du camp de Buchenwald. Parmi eux, le commandant Forest Yeo-Thomas, envoyé spécial de Churchill auprès des chefs intérieurs de la Résistance  ; le capitaine Harry Peulevé, chef du réseau SOE Author basé en Corrèze  ; le lieutenant Stéphane Hessel, agent des services secrets de la France libre.
Trois semaines après leur arrivée, le chef de block reçoit une première liste d’hommes à exécuter. Avec la complicité de la résistance clandestine du camp, elle-même divisée en factions rivales, ces trois officiers vont mettre au point un plan d’évasion aussi incertain que risqué  : prendre l’identité des cobayes d’un block voisin, sacrifiés pour la mise au point d’un vaccin contre le typhus.
 
Voici le roman vrai de la mission de sauvetage la plus spectaculaire de l’histoire des camps. En neuf parties composées de courts fragments, et avec une économie de moyens et une maestria impressionnantes, Grégory Cingal nous plonge dans l’univers concentrationnaire et ses logiques d’alliances et de luttes pour la survie.
D’un souffle tour à tour glacial et lumineux, haletant et minutieux, il suit les jours tissés d’attentes d’angoisses, d’espoir et de courage d’une poignée d’hommes qui, parmi les triangles verts et les triangles rouges, les médecins SS et les kapos corrompus, tentent de sauver leurs peaux. Un conte macabre, une histoire d’amitié née dans la cendre et le sang, un chef d’œuvre de style et de détails que seule la passion d’un auteur happé par son sujet pouvaient ainsi sublimer en un époustouflant roman.  

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :  

Grégory Cingal est archiviste et traducteur. Il a travaillé pendant vingt-trois ans à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet. Auteur aux éditions Finitude de deux récits autobiographiques, Ma nuit entre tes cils (2016) et Le revers de mes rêves (2017), il a également publié plusieurs recueils critiques consacrés à des écrivains engagés dans les tumultes du XXe siècle (David Rousset, Dwight Macdonald, Jacques-Bernard Brunius).

 

 

Avis :

Les derniers sur la liste sont trois officiers de renseignement alliés, qui, déportés à Buchenwald, vont s’appuyer sur la résistance clandestine du camp pour élaborer un plan d’évasion spectaculaire. Grégory Cingal raconte leur incroyable épopée dans un roman haletant qui, fort d’une documentation minutieuse, colle fidèlement à la réalité historique.

Ils sont trente-sept officiers, pour la plupart membres des services secrets britanniques soutenant les mouvements de résistance, à débarquer par convoi spécial à Buchenwald, à l’été 1944. Une grande partie très vite exécutée, leur plus haut gradé Forest Yeo-Thomas entreprend un combat contre la montre pour tenter de sauver les derniers.

Le plan d’évasion consiste à leur faire prendre l’identité de malades morts au bloc où une poignée de spécialistes juifs et non-juifs, eux aussi prisonniers, sont chargés, entre autres abominations expérimentales, de la mise au point d’un vaccin contre le typhus. Ces hommes, parmi lesquels l’entomologiste et résistant franco-russe Alfred Balachowsky, sabotent en réalité leur tâche en livrant depuis un an de faux vaccins à l’armée allemande. Ils acceptent de prendre d'autres risques encore avec cette évasion, qui, pour espérer réussir, devra se limiter à trois hommes. Ce sera Forest Yeo-Thomas, l’agent britannique Harry Peulevé et l’agent des Forces françaises libres Stéphane Hessel.

« La fiction est plus craintive que la réalité, elle se tient coite sous la griffe du vraisemblable. » Le récit qui n’invente rien et signale même les lacunes dans les archives qu’il se garde bien de combler, nous entraîne, sur l’atroce fond de souffrances du camp où fleurissent aussi bien de formidables solidarités que de sordides jeux de pouvoir jusqu’entre les prisonniers – les triangles rouges et verts, respectivement les communistes et les « droit commun », se battent pour les rôles de kapos et tiennent la dragée haute aux étoiles jaunes, aux triangles roses des homosexuels ou encore marron des tziganes –, dans les méandres des manipulations et des jeux d’influence de ceux qui, dirigeants du camp sentant la déroute arriver ou déportés organisant leur survie, voire une forme de résistance, calculent les risques et les chances qui leur feront gagner ou perdre leur va-tout. Aux pires abominations répond un courage inouï et c’est dans une cascade de circonstances insensées, pourtant authentiques, que se déroule cette histoire.

D’une richesse historique réservant bien des découvertes au lecteur, ce roman construit fidèlement sur la base de faits véridiques méconnus se lit en un long souffle de suspense éberlué, pour un formidable hommage à ces hommes qui, jusqu’au bout, dans les circonstances les plus terribles, ont résisté avec un courage exceptionnel. Les héros existent parfois en chair et en os. Coup de coeur. (5/5)

 

 

Citations :

Ainsi commence l’une des opérations de mystification les plus prodigieuses (et les plus méconnues) de la Seconde Guerre mondiale. Pendant une année entière, au nez et à la barbe de leurs gardiens, une poignée de scientifiques juifs et non juifs, prisonniers d’un camp de concentration ultra-surveillé, vont au péril de leur vie alimenter l’armée allemande de centaines de litres de faux vaccin. Sans que personne, à Berlin comme à l’intérieur du camp, sur le front militaire comme à l’arrière, découvre la supercherie. Ce fut le secret le mieux gardé de Buchenwald.
 

La fiction est plus craintive que la réalité, elle se tient coite sous la griffe du vraisemblable.
 
 
Certains, pourtant, parvenaient à prendre le maquis toutes les nuits. Ils puisaient dans leur vie nocturne une force qu’ils opposaient à la démence du jour, en rapportaient des images enchanteresses qui faisaient écran au froid, à la faim, aux coups. Le camp à leurs yeux n’était qu’une féerie noire, un simulacre piteux qui se consumait chaque nuit dans le brasier inaliénable de leurs rêves. Leur espérance de vie n’était pas plus garantie que les autres, mais au moins se payaient-ils le luxe de succomber le sourire aux lèvres.
 

Le procès à huis clos de Karl Otto Koch dévoila un invraisemblable système de racket organisé. Prélevant leur munificente part aussi bien sur les marchandises destinées à la troupe SS que sur la nourriture allouée aux détenus, Koch et sa garde rapprochée avaient vécu comme des satrapes couverts d’or et de diamants. Dans les salons lambrissés de leurs somptueuses villas, au soleil de leurs terrasses d’où ils admiraient la vue plongeante sur les vallées de conifères, festins et beuveries se succédaient dans une ronde endiablée. La porcherie de Buchenwald entretenait trois cents têtes à leur usage exclusif. On les appelait « les cochons de la Kommandantur ». Une fauconnerie, un zoo et un manège avaient été aménagés en un temps record avec le sang et la sueur des détenus. Argent, cuivre, bronze, fers forgés et bois précieux avaient été détournés en masse des usines d’armement pour être confectionnés en objets de luxe dans des ateliers clandestins. Heinrich Himmler avait reçu un soir de Noël une superbe garniture de bureau en marbre vert, cadeau princier de son dévoué Lagerkommandant. Quant à l’or systématiquement arraché aux bouches des morts et des malades, Koch en avait recyclé une modeste part dans une montre à gousset, sur laquelle il eut le bon goût de graver les dates de naissance de ses enfants.
 

Disparu au Goulag en 1938, Ossip Mandelstam disait que la poésie était « de l’air volé ». Une manière de respirer. De filtrer à pleins poumons les miasmes de l’oppression. C’était comme si j’avais sur moi de l’opium, dira plus tard Stéphane.
 

mercredi 16 octobre 2024

[Talaouit, Vincent - Nicolas, Bernard] Ils ont failli me tuer

 



 

J'ai aimé

 

Titre : Ils ont failli me tuer

Auteur : Vincent TALAOUIT
                Bernard NICOLAS

Parution : 2010 (Flammarion)

Pages : 300

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Que s’est-il passé au sein de France Télécom Orange, fleuron de la technologie française, pour que des dizaines de ses salariés choisissent de mourir ? Vincent Talaouit peut répondre à cette question. Durant treize ans, il a travaillé au sein de cette grande entreprise. Jeune ingénieur, il intègre une filiale du groupe en 1996 et vit avec passion cette entrée dans le monde du travail. Il se dit qu’il va pouvoir assouvir son appétit de connaître et d’inventer. Mais, en 2004, tout bascule. Vincent voit peu à peu fondre les effectifs de son service sans comprendre, puisque la hiérarchie ne donne aucune explication. Il saura plus tard que, dans une stratégie purement financière, usant de méthodes de management d’une dureté rare, les responsables de France Télécom Orange ont planifié la suppression de 22 000 emplois en trois ans. Parce qu’il a failli mourir, Vincent Talaouit raconte ce qu’il a subi des années durant dans une entreprise à laquelle il était si fier d’appartenir.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :   

Vincent Talaouit est né en 1972. C’est son premier livre.
Bernard Nicolas, journaliste-réalisateur indépendant, auteur de nombreux documentaires d’investigation, a déjà publié plusieurs ouvrages dont Un juge assassiné (Flammarion, 2006), avec Élisabeth Borrel.

 

 

Avis:   

En 2005, France Télécom déploie un programme de redressement incluant la suppression de 22 000 emplois en trois ans : pour que cela ne coûte rien, pas de licenciements, mais un plan managérial visant à dégrader les conditions de travail et à pousser psychologiquement les salariés au départ volontaire. Sur le terrain, les opérations sont si violentes qu’elles déclenchent une vague de suicides – 35 en 2008 et 2009. Suite au dépôt de plainte de deux syndicats, une enquête est ouverte qui aboutit à un procès et, en 2019, à la condamnation de la société et de ses dirigeants à la peine maximale prévue en matière de harcèlement moral. Orange ouvre alors une commission de réparation en charge d’indemniser les victimes.

Lorsqu’en 2010 Vincent Talaouit publie son livre, l’action en justice ne fait encore que commencer. Ingénieur passionné par les innovations particulièrement disruptives dans ce secteur d’activité, il s’est longtemps refusé à se sentir concerné par les incitations au départ. Jusqu’à ce que, malgré son acharnement à poursuivre son travail, on lui fasse comprendre de plus en plus clairement qu’il n’occupe en réalité plus aucun poste officiel chez France Télécom, qu’il est temps pour lui d’en « faire son deuil » comme le lui signifient lettres recommandées et convocations en entretiens, d’ailleurs aucune place pour lui n’est prévue dans les nouveaux locaux et le voilà seul, sans bureau ni matériel, à se rendre jour après jour dans un bâtiment déserté transformé en chantier.

Son récit décrit son parcours de « work-addict » et son incapacité à décrocher de ses missions malgré tous les signes l’annonçant désormais persona non grata. Enfermé dans l’incompréhension et le déni, lui qui avait sans doute toutes les armes et le bagage pour rebondir ailleurs, préfère croire au malentendu et obtempère à tout, ce qui lui fera déclarer bien plus tard, deux ans en fait après son plongeon dans une dépression peuplée d’idées noires : « C’est seulement aujourd’hui, avec le recul, que je réalise ma soumission à la règle du jeu : jamais je n’ai songé à refuser de me rendre à l’une de ces convocations. (…) Ayant toujours été un bon petit soldat, comme on me donne un ordre, j’obéis. » C’est ainsi que, non sans sidération, le lecteur ne découvre pas seulement des pratiques managériales inhumaines, abusives et condamnables, mais aussi l’étrange soumission qui les accompagne.

L’on assiste dans l’histoire que nous conte Vincent Talaouit au déploiement d’un processus totalitaire, un univers impersonnel et déshumanisé de violence où le mal devient banal – les bourreaux d’ailleurs souvent eux-mêmes victimes – et la soumission si bien la règle que plus personne ne réagit, comme face à une fatalité. Par peur, chacun subit dans le silence et la solitude, espérant, comme l’auteur, passer au travers des mailles du filet, alors que, vu de l’extérieur, tout semble évidemment insupportable et perdu d’avance. Et c’est bien l’aperçu de ce schéma général, au-delà du cas particulier inévitablement partial d’une manière ou d’une autre ici, qui fait aussi l’intérêt de ce livre.
 
Devenue un symbole de la souffrance au travail, l’affaire France Télécom a conduit en France à des actions générales de prévention des risques psychosociaux et à une meilleure prise en compte des situations de harcèlement moral. Ces dernières restent toujours très difficiles à prouver et les cas de souffrance au travail de plus en plus nombreux. (3,5/5)

 

 

Citations :

C’est seulement aujourd’hui, avec le recul, que le réalise ma soumission à la règle du jeu : jamais je n’ai songé à refuser de me rendre à l’une de ces convocations (…) Ayant toujours été un bon petit soldat, comme on me donne un ordre, j’obéis.


L’objectif présenté dans ces brochures n’est pas discuté et, d’ailleurs, il pourrait servir plusieurs objectifs.                                   
Ce n’est pas un ordre qui va être donné, c’est là toute la nuance.                                    
Le but, il faut le masquer, le dissimuler : et ce but, c’est de faire partir le salarié. Il s’agit donc d’un document destiné à présenter les méthodes qui permettent au manager d’apprendre à manier la relation qu’il devra développer avec les salariés.                                    
A priori, on peut penser que les gens auxquels on va dire de prendre la porte n’ont pas envie de s’en aller. Donc il faut les manipuler, afin qu’ils admettent peu à peu l’idée de ce départ et qu’ils finissent par participer à leur propre départ. C’est là l’enjeu. On va faire quelque chose qui n’est pas rien, faire partir 22 000 personnes, et que cela se passe sans remous.                                    
C’est très particulier d’amener les gens à être consentants. Il faut les manipuler afin qu’ils acceptent de partir, il faut donc des manipulateurs. Les manipulateurs seront formés et accepteront de mettre leur énergie, leur imagination, au service d’une stratégie mise en place par leur direction.                                    
On a donc entraîné une grande quantité de managers dans des actions très discutables d’un point de vue moral. Bien sûr, rien de tout cela n’est formulé de cette manière.                              
Afin d’être efficace, la manipulation doit d’abord s’appliquer aux managers, afin qu’ensuite ils puissent manipuler leurs subordonnés, et le tout sans remous. C’est pour cela que tout est “euphémisé”, que tout est allé très vite, comme si on prenait le personnel de vitesse pour éviter le moindre mouvement social.


 

lundi 14 octobre 2024

[Lambert, Emmanuelle] Aucun respect

 


 

 

J'ai aimé

 

Titre : Aucun respect

Auteur : Emmanuelle LAMBERT

Parution : 2024 (Stock)

Pages : 225

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Une jeune femme idéaliste comme on peut l'être à vingt ans arrive à Paris à la fin des années 1990. On la suit dans sa découverte d'un milieu intellectuel qui a tout d'une caste d'hommes.
Elle y rencontre l'écrivain Alain Robbe-Grillet, imposant «  Pape du Nouveau Roman », et son épouse Catherine, maîtresse-star de cérémonies sadomasochistes. Ils incarnent une certaine idée de la littérature et de la liberté sexuelle. Toutes choses auxquelles l'héroïne s'affronte tant bien que mal.
Raconté avec impertinence depuis aujourd’hui, son apprentissage, d’une drôlerie irrésistible, est un conte contemporain. Sa leçon est que la liberté s’exerce dans le jeu avec les autorités établies. Et sa morale, qu’il ne faut jamais sous-estimer les jeunes femmes.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :  

Emmanuelle Lambert est l’autrice de romans et d'essais, parmi lesquels Giono, furioso (Stock, 2019 ; prix Femina essai), Le Garçon de mon père (Stock, 2021) et Sidonie Gabrielle Colette (Gallimard, 2022).

 

 

Avis :

Quinze ans après son premier livre, Mon grand écrivain, consacré à sa relation avec Alain Robbe-Grillet, Emmanuelle Lambert se souvient de ses débuts, déjà au contact du chef de file du Nouveau Roman, dans un récit initiatique très autobiographique qui, avec la prise de distance d’une narration à la troisième personne, interroge avec humour la place des femmes, en général et dans la sphère intellectuelle en particulier.

Nous sommes dans les années 1990. Jeune doctorante, la narratrice entame un stage chez un tout neuf et encore modeste institut qui finira par l’embaucher et par devenir une vénérable institution, et en lequel l’on n’a aucun mal à reconnaître l’IMEC, l’Institut mémoires de l’édition contemporaine, où l’auteur fut en charge des archives d’Alain Robbe-Grillet et de la préparation d’une exposition consacrée à l’écrivain et cinéaste.

Sans expérience encore mais d’autant plus prédisposée aux étonnements, la jeune femme, globalement cantonnée – parce que débutante, mais aussi parce que le mot intellectuel ne se conjugue alors guère qu’au masculin – aux tâches les plus fastidieuses et poussiéreuses de l’épluchage des archives, ronge son frein en ouvrant de grands yeux, sa déférence et son admiration pour un entourage plus âgé et expérimenté aux prises avec les ébahissements d’une lucidité dont le piquant ne se départira pourtant jamais d’un irréductible fond d’affection.

S’ensuit une galerie de portraits plein de dérision, incluant aussi bien « le Chef » que le couple Robbe-Grillet dont, à force d’inventaires et de chronologies. elle se retrouve à pénétrer la peu conventionnelle intimité, dans son Château de Normandie. Entre elle, maîtresse de cérémonie sadomasochiste, et lui dont les romans se sont peu à peu tournés vers l’érotisme jusqu’à mettre en scène inceste et pédophilie, c’est a posteriori pour la narratrice l’occasion de constater le chemin parcouru entre l’époque de ses débuts, où il ne lui fut pas si facile de trouver sa place et d’affirmer sa liberté d’être et de penser – et alors en s’attirant des commentaires du genre : « Tout de même, les filles, aujourd’hui, vous n’avez aucun respect » –, et la société de l’après #MeToo.

Irrévérencieux mais poli et dans l’ensemble fort correctement dans l’air du temps, ce texte finement ciselé autour d’une expérience somme toute très sage et bourgeoise, dans l’entre-soi d’un milieu qui admet peut-être désormais mieux les femmes mais reste profondément élitiste et codifié, a beau jouer la dérision et l’impertinence, l’on ne parvient pas vraiment à croire au vernis d’insoumission posé avec tant d’application sur ses pages. Malgré leur talent certain, c’est donc un ennui relatif qui s’empare du lecteur, frustré côté âme et tripes. (3,5/5)

 

 

Citations :

« La domination, cocotte, ça se traduit dans le langage. Ou plus précisément – grand sourire – dans le bien entendu, le tacite, l’implicite. L’ironie. » (…)
Gaby avait raison. Leur aisance à se mouvoir, à regarder et à entrer en relation prenait corps dans la désinvolture de leur prise de parole. Les sous-entendus permettaient à leur groupe de s’agréger. Dans ces conversations, un ensemble de réalités concrètes revenait sans cesse, comme s’il avait été naturel que tout le monde en fût familier. Comme si cela avait été ça, la réalité commune : les vacances au soleil, les vacances au ski, les voyages linguistiques, la résidence secondaire, les maisons de famille, les ascendants plus ou moins célèbres, le réseau, les stages, les découvertes, la culture historique/littéraire/musicale, ou plutôt, une certaine culture. Une culture autorisée. C’était un mille-feuille complexe, où chaque couche avait une couche supérieure, où le raffinement de ce qui allait de soi était sans cesse relégable par quelqu’un de plus brillant, de plus à l’aise, de plus informé et, surtout, de moins accessible.
 

En classe préparatoire, son premier contact avec les livres d’Alain Robbe-Grillet avait été pour le moins indirect. On lui avait en effet conseillé de les connaître, mais de ne surtout pas les lire. Robbe-Grillet ne bénéficiait cependant pas d’un régime particulier. Le secret était qu’il valait mieux ne pas lire les livres, pour avoir le temps d’apprendre à en parler. (…)
« En littérature, tu lis les ré-su-més. Après tu apprends par cœur le début, la fin, et une ou deux citations au milieu. Ça te fait de quoi écrire dessus. Et voilà. C’est complètement con, on est d’accord, mais faut pas s’attarder. Faut être efficace. T’auras jamais le moindre concours si tu veux tout lire. On ne lit pas vraiment, ici. On engrange pour les disserts du concours, c’est tout. » Pause. « En fait, personne ne lit. »
 

Parmi les passages obligés, à apprendre par cœur pour les recycler, il y avait des extraits de Flaubert. On s’extasiait sur le « Il voyagea » de L’Éducation sentimentale. L’ellipse ! L’audace ! On recyclait volontiers du Céline, la première phrase de Voyage au bout de la nuit. Il y avait aussi le tout début d’À la recherche du temps perdu de Proust (dire : « La Recherche »), son passé composé, son adverbe. À ce compte vous deveniez vite expert en premières phrases, et la littérature, un océan de commencements.
 
 
Si l’on traite l’autre d’ingrat, c’est parce que, l’autre étant parti, on désire continuer, malgré tout, à recevoir. Cela n’arrive pas. L’autre ne fournit plus. On se sent floué, comme si l’on n’avait pas tiré profit de ce que la personne avait donné en retour : l’amour inconditionnel de l’enfant, stupéfiant chez les petits êtres maltraités, prompts à protéger, excuser l’adulte, désireux de mendier une forme d’affection chez la main qui les rudoie ; la force de travail de l’employé, le plus souvent considérée comme un détail de peu d’importance comparée à la grâce qu’on lui fait de l’embaucher ; le corps de l’autre, disponible, toujours prêt, comme s’il était possible de jouir, comme ça, facilement, sans effort, quand on veut, comme on veut, comme si c’était facile ou naturel. Comme si cela allait de soi.
Si en face (ou plutôt : en dessous) ça se rebiffe, on peut tout couper. Le soin, l’attention. L’emploi. La protection. On a l’autre en son pouvoir. Ce sont des rapports asymétriques.
Cet état de fait est encadré par la loi : autorité parentale, droit du travail, mariage, pacs ou prostitution. Mais à l’intérieur de ce cadre, la domination est un caméléon qui prend les couleurs de la respectabilité. Le patron qui cherche le bien-être maximal des salariés existe sans doute quelque part. Le parent qui traite son enfant autrement que comme l’un de ses biens, aussi. Le mari, la femme, l’amant et la maîtresse, conscients de leurs intérêts réciproques, heureux de l’épanouissement de l’autre, on en connaît. Quand on creuse, quand on gratte à la surface des entreprises, des familles et des couples, c’est pourtant rarement ce qu’on trouve. À la fin, c’est toujours l’aigle qui, depuis les hauteurs, fondra sur le mulot. Certes parce qu’il est un aigle, l’autre un mulot, et que c’est leur nature – appliqué à des humains, c’est l’essence même du discours autoritaire, Il y a les forts, il y a les faibles, il n’y a pas d’égalité, taisez-vous à la fin. Mais on peut aussi penser qu’à la différence de nature, il faut ajouter celle de position. L’aigle plane dans les hauteurs. Le mulot, pour toujours, traîne en bas.
Si l’on a vraiment donné, on n’exige rien. Voilà ce qui sépare l’amour, l’affection, l’admiration, le désir, déployés entre personnes qui se reconnaissent, de l’avidité, du calcul et de la prédation, circulant de haut en bas. Et surtout, si l’on a donné, c’est d’abord parce qu’on pouvait le faire.
Il faut se méfier des gens qui traitent les autres d’ingrats.


On ne peut plus rien dire » est une phrase qu’on dit beaucoup depuis que les femmes ont commencé à l’ouvrir. Non à parler, en tête à tête, en petit comité, en réunion dans des endroits autorisés, à s’épuiser à parler quand personne, au fond, ne voulait entendre, non. Non à parler, mais à l’ouvrir, au beau milieu des années 2010, en nombre, par ricochets ou par répliques sismiques de mots carambolés sur les réseaux sociaux.
Ce patchwork a couvert l’espace public, donnant corps à une abstraction, la récurrence incalculable, débordante, cataclysmique des violences sexuelles. Une évidence est alors apparue. Il y avait autant d’abus pour une raison simple, qui était qu’on pouvait les commettre. Qu’on y était autorisé, légitime, sinon encouragé. C’est un système courant sur plusieurs générations et sur plusieurs continents. Les premières victimes en sont les femmes. Avec elles, les enfants, proies d’une pédocriminalité qui prend souvent, et dans des proportions vertigineuses, la forme de l’inceste.
Lorsqu’on dit qu’on ne peut plus rien dire, peut-être croit-on sincèrement que cet accès nouveau à une parole qu’on ne peut plus ignorer, cette déchirure au cœur du silence, se sont faits sur le dos de la liberté d’expression. Qu’on ne peut plus rien dire parce que d’autres parlent. Comme s’il y avait un quota de parole publique disponible, la foule des silencieux ne pouvant s’exprimer qu’à la condition d’une réduction drastique de la parole des bavards.
Or ce que signifiaient les femmes, c’est que même ce que le droit interdisait, la coutume le tolérait, qui disait : les enfants vous appartiennent ; ce qui se passe dans les familles ne nous regarde pas ; et quant aux femmes, majeures, mineures : open bar. Prenant la parole en nombre, elles ont dévoilé la vérité statistique. Ce qu’on croyait être la déviance était en réalité la norme. 


Après #MeToo, on lui a souvent demandé si Robbe-Grillet n’aurait pas des problèmes, aujourd’hui. Elle est convaincue que non seulement il en aurait, mais qu’il en tirerait une sorte de gloire non-conformiste.
Elle est peut-être injuste, peut-être qu’aujourd’hui il ne publierait pas son dernier livre, demanderait à Catherine de le détruire après sa mort.
Peut-être aurait-il compris que son anomalie fantasmatique n’était, au fond, que l’expression maximalisée d’une saloperie ordinaire.
Après tout, il s’y connaissait en statistiques.
On ne saura pas.


En fermant la porte, elle avait jeté un dernier regard à la pièce. Le fauteuil. La lampe ancienne. Deux ou trois tableaux qu’il aimait. Et une très grande bibliothèque, face à laquelle était installé son lit de souffrance. Le meuble de bois occupait un mur entier. Pourtant, on n’y avait installé qu’une toute petite part de ses livres. Ils avaient si bien envahi son appartement qu’on aurait pu croire non que le Chef possédait des livres, mais que ces derniers l’autorisaient à vivre parmi eux. Sur les rayonnages, certains ouvrages étaient présentés « en frontal », avec de belles couvertures, les catalogues qu’il avait supervisés, les volumes qu’il avait publiés. Ils veillaient sur les dernières années du Chef. Pendant ses longues journées alitées, il pouvait encore, en les embrassant du regard, frôler en esprit les plus purs objets de son amour.


 

samedi 12 octobre 2024

[Morgiève, Richard] La fête des mères

 





J'ai aimé

 

Titre : La fête des mères

Auteur : Richard MORGIEVE

Parution :  2023 (Joëlle Losfeld, Gallimard)

Pages : 432

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :

Une famille de la haute bourgeoisie versaillaise dans les années soixante : la vipère parfumée à L’Heure Bleue, c’est la mère. Le père banquier est absent, les quatre frères se détestent. Ou bien ils s’aiment un peu, beaucoup. Ils ont faim car la mère ne veut pas qu’ils mangent. Ils ne sentent pas bon car elle leur interdit l’eau chaude, et puis à peu près tout, sauf la confession. Jacques se rebelle. Il refuse de faire sa communion solennelle et tombe gravement malade. Il veut vivre. Ce n’est pas si facile. Il faut se battre contre la maladie, contre le sort. Il faut garder l’espoir, attendre l’amour qui guérit tout. Pour accomplir ce miracle, Jacques a deux talismans : un trèfle à cinq feuilles et une graine de haricot. Quarante ans plus tard, il raconte son histoire.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Richard Morgiève est l’auteur de trente et un romans et de trois pièces de théâtre publiés aux Éditions Ramsay, Robert Laffont, Calmann-Lévy, Carnets Nord, entre autres. En 1995, Joëlle Losfeld reprend Un petit homme de dos, qui est un véritable succès. Elle a depuis publié Mon petit garçon, Bébé-Jo, La demoiselle aux crottes de nez, Mondial cafard, Les hommes, Le Cherokee – prix Mystère de la critique 2020 et Grand Prix de littérature policière 2019 – et Cimetière d’étoiles.

 

 

Avis :

Se fondant dans la voix et la vie d’une relation de jeunesse pour un roman d’inspiration autobiographique, Richard Morgiève s’y lance plus que jamais à la poursuite de ses propres fantômes, taraudé qu’il est par cette question, lui qui perdit sa mère à sept ans et son père à treize : comment se construire sur une enfance dévastée ?

L’écrivain avait d’abord refusé, avant d’imposer ses conditions. Cette biographie qu’on lui demandait, il en ferait librement un roman. Son narrateur s’appellerait Jacques Bauchot, c’est sous ce pseudonyme que paraîtrait le livre. En 2015, ce fut chose faite : La fête des mères parut une première fois, mais demeura confidentielle. Remanié, le roman renaît huit ans plus tard sous la signature de Richard, un Richard dont on ne sait plus s’il s’est fait Jacques, ou si c’est Jacques qui est entré en lui.

Ce Jacques de papier grandit à Versailles dans les années 1960, dans une famille bourgeoise dont l’obsession de tenir son rang masque une intimité toxique et destructrice. Entre l’absence d’un père banquier et la beauté glacée d’une mère castratrice, inaccessible et inflexible, qui entend les dresser à la dure, le garçon et ses trois frères oscillent longtemps entre attachement et exécration dans un pourrissement de rancoeurs et de jalousies, se transformant peu à peu en adolescents, puis en hommes dévorés par le mal-être jusqu’à la névrose, la maladie et pis encore, contraints de fuir pour tenter de se construire, loin, mal, douloureusement, et bientôt tragiquement.

L’écrivain dont la vie s’est durement bâtie autour du trou noir qui a englouti son enfance trouve ici un double bouleversant, une extension de lui-même qu’il investit des fulgurances de l’écriture avec laquelle, d’un livre à l’autre, il fouille ses plaies – seule façon pour lui de ne pas succomber. Sa poésie noire, zébrée de crudité et d’ironie, est cruellement désenchantée, dérangeante jusqu’au vertige, brutale dans sa lucidité sans filtre. Elle accompagne une réflexion profonde, essentielle, obsessionnelle, sur l’identité, la filiation et la prédestination, montrant à quel point le soi est finalement une résultante environnementale, le produit d’un héritage et d’une éducation dont on ne se libère jamais, surtout lorsqu’ils pèsent comme des boulets.

Singulier, voire déstabilisant, dans sa manière presque provocante de raconter entre violence et sentiment, crûment, ce livre de toute évidence écrit avec les tripes, comme en réponse à une injonction vitale, celle qui vous fait chercher la lumière dans les ténèbres, ne peut qu’impressionner par son travail de fouille, maîtrisé, intelligent, d’une thématique aussi essentielle pour l’auteur que pour son narrateur. (3,5/5)

 

 

Citations :

(…) c’était la première fois que je mentais comme si j’avais compris à mon insu que pour savoir, il fallait d’abord mentir, avancer un argument fallacieux, contestable, comme une première arche jetée sur l’abîme. Les mensonges renvoyaient forcément des échos, il fallait les entendre, les interpréter.

J'étais perdu de mère.

Sans le rêve, on ferait comment pour supporter notre existence ?

J’aurais voulu me rapprocher de lui, qu’on puisse échanger nos secrets et peines mais je voyais bien que c’était impossible, autant pour lui que pour moi. Marcillac était noir et ses parents blancs et moi blanc avec des parents blancs, le secret de Marcillac était lié à la couleur et moi… Moi mon secret était invisible, c’était le secret de mes parents qui m’enfermait dans son silence.

Il avait un visage si étroit que dans sa meurtrière, on distinguait à peine deux yeux compressés et un nez écrasé par les tempes. Je le plaignais d’être dans cette prison, de face il avait l’air d’être de profil. J’imaginais que son cerveau avait fini par prendre la forme de son crâne, que c’était cette torture qui poussait Smith à se réfugier dans le sommeil. Échapper à sa face d’angle mort devait être un réflexe de survie.

— J’ai tout fait pour tenir mon rang, a-t-elle dit, et je continue. C’est dérisoire, je le sais. Je mène une vie inutile, je le suis. Je suis dépassée par tout ce que je n’ai pas fait, aurais pu faire…
Elle m’a dévisagé avec une acuité qui m’a fait peur :
— J’ai tout fait pour être n’importe qui. Je mourrai n’importe quoi, c’est absurde tout ça.

Maman était le starter qui faisait marcher notre moteur à plein régime, elle nous épuisait et nous maintenait dans sa vie. C’était elle notre destinée, on se destinait tous à elle, on était tous son négatif sur lequel elle filmait son drame personnel. Sans elle pas de nous, pas de moi. Je la regardais et j’ai vu le pire survenir sur son profil de Cléopâtre. Bien sûr, forcément ! Forcément, un jour, je la verrais morte et je serais libre. Mais de quoi ?

Je me trompais, mon histoire c’était impossible. On était toujours dans une autre histoire, écrite par d’autres. Une autre histoire qui annihilait la nôtre, qui nous captait, nous utilisait, puis nous laissait… Seuls, délaissés par les histoires et les êtres, tout seuls le long de la route.

Elle a ouvert la boîte et les yeux emplis de diamants, elle a bouclé autour de son cou la belle rivière de larmes.
 
Nous les Bauchot étions les coucous des enfers, nous sortions nos faces de carême tous les quarts d’heure pour claironner la marche du temps vers le néant… Enfin le nôtre, notre néant de poche. Si j’avais dû faire un bilan, à cet instant, j’aurais dit que je n’allais pas si mal que ça. Je prenais moins de médicaments, vivais un peu mieux. J’aurais pu réintégrer Hoche, mais ne voulais pas. Je préférais rester isolé, pour me préparer, un jour, à affronter la comédie humaine que je savais féroce, j’avais payé pour le savoir.

— Est-ce qu’on a le droit de s’aimer ?
— Mais oui ! C’est indispensable, sinon…
— Tu t’aimes ?
J’étais coincé, on a ri ensemble, c’était peut-être un peu factice, mais tous les deux nous avions vu arriver le danger. Si on avait poursuivi, il aurait fallu aborder le sujet : notre solitude d’être. Ce qui était impossible car elle était incluse dans notre condition d’être. C’était certainement pourquoi on avait besoin de l’œil de Dieu, la fiction divine nous permettait de supporter l’immense silence aveugle qui prenait la place du placenta dès que nous jaillissions dans le monde.

Après les camps, le métier d'humain était devenu presque impossible.

Le problème, avec le langage, c'était qu'il dénaturait toujours la pensée, il nous dénaturait tout court.

Il n'y a pas d'éternité pour l'amour mais des romans pour le raconter.


 

jeudi 10 octobre 2024

[Taïa, Abdellah] Le Bastion des Larmes

 




 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Le Bastion des Larmes

Auteur : Abdellah TAÏA

Parution : 2024 (Julliard)

Pages : 224

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

À la mort de sa mère, Youssef, un professeur marocain exilé en France depuis un quart de siècle, revient à Salé, sa ville natale, à la demande de ses sœurs, pour liquider l’héritage familial. En lui, c’est tout un passé qui ressurgit, où se mêlent inextricablement souffrances et bonheur de vivre.
À travers lui, les voix du passé résonnent et l’interpellent, dont celle de Najib, son ami et amant de jeunesse au destin tragique, happé par le trafic de drogue et la corruption d’un colonel de l’armée du roi Hassan II. À mesure que Youssef s’enfonce dans les ruelles de la ville actuelle, un monde perdu reprend forme, guetté par la misère et la violence, où la différence, sexuelle, sociale, se paie au prix fort. Frontière ultime de ce roman splendide, le Bastion des Larmes, nom donné aux remparts de la vieille ville, à l’ombre desquels Youssef a jadis fait une promesse à Najib. « Notre passé… notre grande fiction », médite Youssef, tandis qu’il s’apprête à entrer pleinement dans son héritage, celui d’une enfance terrible, d’un amour absolu, aussi, pour ses sœurs magnifiques et sa mère disparue.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Abdellah Taïa est né à Rabat (Maroc) en 1973. Il a publié aux Éditions du Seuil plusieurs romans, traduits dans de nombreuses langues, notamment Une mélancolie arabeLe Jour du roi (Prix de Flore 2010) et Vivre à ta lumièreLe Bastion des Larmes est son premier livre aux Éditions Julliard.

 

 

Avis :

Après bien des années d’atermoiement et d’insistance de ses six sœurs restées sur place, Youssef, professeur exilé en France depuis plusieurs décennies, se décide enfin à revenir à Salé, la ville marocaine de son enfance, pour solder l’héritage de leur mère morte. Là-bas l’attendent les souvenirs d’une jeunesse douloureuse, humiliée et violée parce que trop différente et efféminée, et qui ne cesse de le hanter à travers la voix fantomatique de Najib, son premier amour perdu. Ce dernier est quant à lui déjà revenu à Salé. Devenu gros bonnet de la drogue sous la protection d’un colonel de l’armée du roi Hassan II, un homme suffisamment puissant pour s’affranchir des lois et pour vivre sans dommage son homosexualité, il a, pour sa part, décidé de s’y venger de ses anciens tortionnaires en les rendant dépendants de ses largesses. Une revanche personnelle qui ne change rien au terrible sort communément réservé aux homosexuels dans un pays qui les criminalise toujours…

Il y a bien sûr beaucoup de l’auteur dans ce récit, lui l’homosexuel que la société marocaine ne veut pas voir et qu’à travers ses personnages, il sort de sa réclusion en le plaçant au centre de ses romans. Prolongement de lui-même, Youssef se fait la voix des minorités LGBT bafouées dans son pays, mais aussi celle des femmes – Abdellah Taïa a huit soeurs aînées qui, après leur mère, lui ont appris à inventer la liberté quand elle manque – et de tous ceux qui se retrouvent laminés par le pouvoir d’autrui. Transgressif, parfois cru, son livre est un geste politique, un acte de révolte contre la violence sociale. On y découvre une société marocaine paradoxale, empreinte d’un rigorisme moral et religieux n’empêchant aucunement, ni la corruption de faire florès, ni les puissants de favoriser, ouvertement et en toute impunité, des intérêts personnels aussi immoraux qu’illégaux. Malheur aux faibles et sans défense : « Les femmes ne devraient jamais se marier. Le mariage, c’est la mort instantanée. » Et personne ne penserait à s'y insurger contre le viol systémique des garçons trop féminins.

Si certaines scènes sont effroyables, elles sont le strict reflet d’une réalité insupportablement ordinaire contre laquelle l’auteur a décidé de se battre à coups de mots, parce que, pour que les choses changent, il faut d’abord qu’il y ait prise de conscience, et que sans les victimes pour se révolter et oser crier la vérité, cela n’adviendra jamais. Cette rébellion, il l’inscrit jusque dans le titre du roman, en référence à l’histoire de sa ville, Salé, et aux vestiges encore visibles de la muraille construite après le raid meurtrier des Castillans en 1260. Une ville que son personnage n’évoque qu’avec effroi, mais aussi avec beaucoup d’amour. Car, au final, c’est bien l’amour, de sa mère, de ses sœurs, et celui qu’il ressent pour les autres victimes – Najib ou ce petit garçon abusé au hammam – qui le préservent du désespoir en lui redonnant l’estime de lui-même et la force de résister.

Un livre douloureux, magnifique et cruel, où la colère et la révolte finissent par trouver l’amour en réponse à l’hypocrisie et à la haine homophobe qui plombent la société marocaine. (4/5)

 

 

Citation :

Les femmes ne devraient jamais se marier. Le mariage, c’est la mort instantanée.


 

mardi 8 octobre 2024

[Norek, Olivier] Les guerriers de l'hiver

 



 

Coup de coeur

 

Titre : Les guerriers de l'hiver

Auteur : Olivier NOREK

Parution : 2024 (Michel Lafon)

Pages : 448

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

« Je suis certain que nous avons réveillé leur satané Sisu.
– Je ne parle pas leur langue, camarade.
– Et je ne pourrais te traduire ce mot, car il n’a d’équivalent nulle part ailleurs. Le Sisu est l’âme de la Finlande. Il dit le courage, la force intérieure, la ténacité, la résistance, la détermination… Une vie austère, dans un environnement hostile, a forgé leur mental d’un acier qui nous résiste aujourd’hui. »

Imaginez un pays minuscule.
Imaginez-en un autre, gigantesque.
Imaginez maintenant qu’ils s’affrontent.
Au cœur du plus mordant de ses hivers, au cœur de la guerre la plus meurtrière de son histoire, un peuple se dresse contre l'ennemi, et parmi ses soldats naît une légende. La légende de Simo, la Mort Blanche.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :   

Engagé dans l'humanitaire pendant la guerre en ex-Yougoslavie, puis capitaine de police à la section Enquête et Recherche de la police judiciaire du 93 pendant dix-huit ans, OLIVIER NOREK est l'auteur de la trilogie du capitaine Coste (Code 93, Territoires et Surtensions) et du bouleversant roman social Entre deux mondes, largement salués par la critique, lauréats de nombreux prix littéraires et traduits dans près de dix pays. 

 

 

Avis :

Auteur de polars et de thrillers sociaux à succès, l’ancien militaire et capitaine de police Olivier Norek met cette fois la fluidité de sa plume et ses talents de scénariste au service d’un impressionnant et immersif roman historique dont les résonances avec l’actualité tintent comme un avertissement.

Nous sommes fin novembre 1939, lorsque la seconde guerre mondiale ressemble encore à une « drôle de guerre ». Pour protéger la ville frontalière de Léningrad du risque d’invasion allemande et faute d’un accord sur la création d’une zone tampon en territoire finlandais, Staline décide d’envahir son voisin par la force, convaincu de ne faire qu’une bouchée de ce petit pays. Pourtant, malgré la supériorité écrasante des forces soviétiques, le conflit entendu comme une question de semaines s’enlise entre tranchées et guérilla, la résistance aussi bien militaire que civile des Finlandais galvanisés bloquant l’avancée d’une armée ennemie mal préparée et trop sûre d’elle. Et c’est toute une saison de neige et de glace, par des températures atteignant les moins cinquante degrés, que dure ce qu’on appelle bientôt la Guerre d’Hiver, entre une « nation ogre de cent soixante et onze millions d’habitants » et un Petit Poucet de « trois millions et demi d’âmes ».

Suivant les mois du conflit au rythme des victoires et des défaites, Olivier Norek nous immerge dans l’inhumaine absurdité de cette guerre – l’URSS ne réussira jamais à pénétrer de plus d’une quinzaine de kilomètres à l’intérieur de la Finlande, sacrifiant pour cela des centaines de milliers d’hommes dans des opérations particulièrement inconséquentes et insensées – en un enchaînement de tableaux dantesques et saisissants, en tout point fidèles à la vérité historique. Nourri d’une documentation aussi minutieuse que colossale, son récit prend vie avec naturel et réalisme, et c’est la peur au ventre et la chair transie que l’on avance aux côtés des protagonistes, tous réels mais plus extraordinaires que bien des personnages de fiction.

Ainsi en est-il de l’héroïque Simo Häyhä, considéré comme le meilleur sniper de tous les temps. Surnommé par les Soviétiques « La Mort Blanche » tant il sème la mort et la terreur au bout de son invisible lunette, il n’était pourtant à l’origine qu’un jeune homme épris de nature et de forêts qui excellait à la chasse. Son portrait, comme celui d’autres hommes et femmes sortis de la vie civile pour défendre leur pays avec la dernière énergie, rend hommage à tous ces Finlandais qui, partis « se battre contre des monstres », n’ont finalement découvert « à [leurs] pieds que des hommes », envoyés au carnage avec une glaçante inconséquence.

Cette guerre qui, véritable aveu de faiblesse soviétique, changea peut-être le cours de l’Histoire en convainquant Hitler d’ouvrir le front de l’Est, est pourtant aujourd’hui largement oubliée, sa mémoire désastreuse notamment effacée des manuels scolaires russes. Elle entre forcément en écho avec la guerre contemporaine en Ukraine, autre petit pays largement sous-estimé par son géant de voisin à la préparation fort incertaine.

Des enquêtes policières à l’investigation historique, Olivier Norek réussit avec brio le changement de registre. En tout point véridique, son récit de guerre sur l’âpre fond de l’hiver nordique est tout aussi édifiant que passionnant, son imprégnation historique n’ayant d’égale que la puissance de sa narration. Une lecture glaçante au propre comme au figuré, qui a bien des raisons de se retrouver dans la sélection de plusieurs prix littéraires. Coup de coeur. (5/5)

 

 

Citations :

– Ne connais-tu pas la nouvelle ? poursuivit Sadovski. Le général Habarov a reçu par radio l’information qu’un contrôleur de la Stavka allait venir sur le front pour chercher à comprendre notre inefficacité. Il sera là demain, par le train de ravitaillement.
– Et qu’as-tu commandé au ravitaillement ?
– Des armes et des munitions, comme chacune des deux cent quarante autres unités, j’imagine.
– Nous en avons déjà pour plusieurs guerres, objecta le militaire. As-tu au moins demandé des vêtements chauds et de la nourriture ?
– Que crois-tu ? Que j’allais me plaindre ? Dire au Kremlin que nous avons froid et faim ? Souligner discrètement que nous sommes arrivés mal préparés ? Non merci. Par contre, j’ai demandé des portraits de Staline. Chaque unité doit en arborer un par respect pour notre Chef suprême, et il nous en manque.
– Une telle requête aura bel effet dans ton dossier. Mais sur le terrain…
– Je crains davantage Celui pour qui l’on se bat, que ceux contre qui on se bat. Et tu devrais aussi.


Depuis le début du conflit, la constante peur de l’échec – qui se soldait inévitablement par une balle dans la tête – inhibait toute initiative des officiers et plaçait l’idéologie et l’obéissance au-dessus de la tactique ou des réalités du terrain.


Ukrainiens, Roumains, Géorgiens, Mongols, Turcs, Azéris, Kazakhs, Tadjiks, Uzbeks, Biélorusses, Arméniens… Aucun n’avait souhaité partir en guerre. Tous avaient été enrôlés de force. Et forcer un homme revient à fabriquer un insoumis.


La Finlande avait en stock autant de bombes pour toute la guerre que la Russie pouvait en envoyer en une seule journée. Mais pour arriver à ce résultat, Staline avait imposé à ses usines un tel rendement qu’elles étaient incapables de suivre, et pour ne pas subir sa colère, elles livraient des obus dont un tiers étaient sous-chargés en explosifs ou mal assemblés. À commander par la terreur, Staline provoquait ses propres déboires.


– Il y a quelque chose que je crois, et quelque chose dont je suis certain, répondit Timochenko. Je crois que cette guerre a unifié la Finlande comme jamais avant, et si elle est devenue une forteresse, nous en avons été le ciment. Et je suis certain que nous avons réveillé leur satané Sisu.
– Je ne parle pas leur langue, camarade, s’excusa Molotov.
– Et je ne peux te traduire ce mot. Il n’a d’équivalent nulle part ailleurs. Le Sisu est l’âme de la Finlande. L’état d’esprit d’un peuple qui vit dans une nature sauvage, par un froid mordant, avec un ensoleillement rare. Une vie austère, dans un environnement hostile, a forgé leur mental d’un acier qui nous résiste aujourd’hui. Je te dirais que cela parle aussi de leur courage, mais il manquerait encore beaucoup de mots pour définir ce qu’est le Sisu. Il faudrait y ajouter, l’obstination, le cran, la force intérieure, la ténacité, la résistance, la détermination, la volonté… Et le caractère pour le moins complexe qui va avec, puisqu’ils sont aussi froids et sauvages que le cœur de leurs forêts.
 
 
Devant eux, de la glace, émergeaient des piques et des pointes, comme le fond tapissé d’un immense piège à ours. Viktor avança d’un pas méfiant, fusil dressé en avant, prêt à tirer, avança encore, jusqu’à comprendre. Ils marchèrent alors dans un silence respectueux, à travers ce cimetière de soldats russes, pris la veille dans l’eau gelée puis figés avant même de sombrer, et dont les bras, les canons des fusils, les baïonnettes, les bâtons et les skis, le haut du corps parfois, hérissaient la surface du golfe comme des herbes folles de chair, de bois et de métal. Morts avec eux émergeaient aussi les têtes des chevaux, la crinière en une vague noire immobile scintillante de cristaux de neige, l’écume ivoire de leur dernier effort glacée aux commissures de leurs lèvres.
Ici et là, collés sous la surface de la glace, on distinguait enfin les visages blancs de ceux qui avaient coulé à pic dans l’eau bleu glacier puis tenté de remonter avant d’être bloqués par un plafond transparent, bouches ouvertes en une dernière respiration. Sans états d’âme, il fallait marcher sur eux pour progresser.


Pourtant, si la Russie et la Finlande avaient, semble-t-il, gagné pour l’une, capitulé pour l’autre, la réalité était totalement inverse. Une nation ogre de cent soixante et onze millions d’habitants n’avait pas réussi à dominer un pays pacifique de trois millions et demi d’âmes, ni à avancer de plus de quinze kilomètres dans les terres convoitées. Une fausse défaite devenait une victoire honteuse pour Staline (…).


La laborieuse victoire russe attira l’attention d’Adolf Hitler, comme le sang d’une bête blessée allèche le prédateur. Le projet initial de l’armée allemande était de régler le front de l’Ouest et, seulement après, de fondre sur la Russie. Mais face aux piètres résultats de l’armée Rouge sur la Finlande, elle modifia ses plans et lança sur l’Union soviétique affaiblie près de quatre millions de ses soldats dans la plus grande invasion de l’Histoire militaire, sous le nom d’opération Barbarossa…
Sans le courage de Simo, sans le Sisu, cette âme de feu et de glace, personne ne peut imaginer ce que l’Europe ou le monde seraient aujourd’hui, ni les puissances aux pouvoirs.
Personne, aujourd’hui, ne sait réellement ce que l’on doit aux soldats finlandais de la Guerre d’Hiver.


Si ces événements ont bientôt un siècle, ils nous renvoient à l’Histoire actuelle et nous mettent en garde.
La guerre survient souvent par surprise, et il faut toujours un premier mort sur notre sol pour y croire vraiment.

 

 

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