mercredi 19 novembre 2025

[Bouysse, Franck] Entre toutes

 



 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Entre toutes

Auteur : Franck BOUYSSE

Parution : 2025 (Albin Michel)

Pages : 288

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Marie est née en 1912 dans une ferme de Corrèze. Elle n’en partira jamais.
Franck Bouysse, une fois n’est pas coutume, livre avec une pudeur saisissante l’histoire de sa famille et prouve ici qu’il est aussi talentueux dans le récit de l’intime que dans la fresque romanesque. C’est beau et déchirant, c’est plein d’allégresse et de tragique : c’est la vie comme elle va.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Franck Bouysse est né et vit en Corrèze. Il a publié une quinzaine de romans couronnés par de nombreux prix, dont Grossir le ciel (La Manufacture de livres, 2014 ; Prix SNCF du polar, Prix Michel Lebrun, Prix Lire en poche…), Plateau (La Manufacture de livres, 2016), Glaise (La Manufacture de livres, 2017 ; Prix des lecteurs de la Foire du livre de Brive), Né d’aucune femme (La Manufacture de livres, 2019 ; Prix des libraires, Prix Babelio, Grand prix des lectrices de Elle…), Buveurs de vent (Albin Michel, 2020 ; Prix Giono) et Fenêtre sur terre (Phébus, 2021).
En 2022, avec Été brûlant à Saint-Allaire, il écrit son premier scénario original de bande dessinée pour le dessinateur Daniel Casanave.

 

Avis :

Puisant pour la première fois dans une veine autobiographique, Franck Bouysse ressuscite avec une délicatesse presque sacrée la vie de Marie, sa grand-mère née en 1912 dans une ferme corrézienne. Offert comme une confidence murmurée, ce roman déploie une émotion contenue qui imprègne le récit d’une lumière douce et durable.

Délaissant les tensions dramatiques de ses précédents romans, l’auteur explore une voie plus intime, qui embrasse la lenteur du quotidien et la densité du réel dans ses détails les plus fins. Ancré dans une temporalité étirée où les gestes et les silences pèsent plus que les mots, il esquisse les contours d’un monde rural sur le point de disparaître.

Marie, figure centrale, se tient droite, enracinée dans sa terre, affrontant les bourrasques des guerres et des deuils comme elle accueille le passage des saisons. Elle incarne la dignité des vies modestes, celles qui traversent le monde sans bruit, avec la fatalité tranquille de qui n’a aucune prise sur les événements. Franck Bouysse la dépeint avec une tendresse profonde, construisant une figure humble et rayonnante, gardienne silencieuse d’un quotidien fait de gestes simples. 

À travers elle, c’est tout un siècle qui se dessine en creux. Les grandes mutations historiques résonnent dans le stoïcisme de ses silences et l’endurance de son corps. Cette tension entre l’intime et le collectif donne forme à une mémoire souterraine. Car, en Marie – « entre toutes »  – affleurent les visages de ses semblables, femmes vouées au soin des autres et à l’effacement de soi, mais qui ont pourtant porté le monde sur leurs épaules, dans le silence du devoir. Franck Bouysse leur rend justice avec la force tranquille de la littérature quand elle sait voir l’invisible, lui conférant même une aura mariale au travers de son prénom et du titre, référence explicite à l’Ave Maria.

Acte d’amour filial et hommage pudique à une génération reléguée dans l’ombre, le récit célèbre en Marie l’archétype d’une humanité discrète et essentielle. Dans cette traversée d’un siècle, chacun retrouve l’écho d’une mémoire commune. Marie est toutes les femmes, une présence universelle dont nous sommes les légataires, un fil qui relie les générations par le coeur.

Habile à jouer de tous les registres, Franck Bouysse offre ainsi un livre comme un geste de gratitude, une offrande discrète à ces femmes silencieuses, à qui nous devons la force de nos racines. Dans ce récit, l’ordinaire devient matière universelle, pour le plus grand bonheur du lecteur, invité à reconnaître dans le silence d’une femme toute la grandeur du monde. Elégiaque et méditatif, un livre intemporel. (4/5)

 

 

Citation : 

Nous sommes capables de cartographier le génome humain, d’identifier les anomalies, mais nous ne sommes pas en mesure d’évaluer quelle part du vécu de nos aïeuls nous imprègne réellement, ce bruit de fond dans nos cellules qui rôde comme un fantôme. Qu’est-ce qui se perd et se conserve dans le grand délayage héréditaire ? Qu’est-ce qui s’endort ? Qu’est-ce qui disparaît à jamais ?

 

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H
 
 




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