jeudi 27 novembre 2025

[Bellivier, Reine] La hideuse

 




 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : La hideuse

Auteur : Reine BELLIVIER

Parution : 2025 (Christian Bourgois)

Pages : 198 

 

  

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

À la fin des années 1950, dans un bourg des Deux-Sèvres, Marguerite, mariée et mère de trois enfants, quitte le domicile familial et disparaît sans un mot. Des années plus tard, sa fille enquête pour comprendre les raisons et les circonstances de cet événement qui a marqué sa vie. De la vérité, elle n’a que les bribes qu’on a bien voulu lui confier. Certes, il y aurait eu un autre homme, plus aisé que son père, que sa mère aurait rejoint sur la côte. Mais est-ce bien seulement cela, son histoire ? Et comment vivre libre après avoir tout abandonné ? À partir d’indices littéraires – de Virginia Woolf à Emil Ferris –, de journaux intimes et de ses propres souvenirs, la narratrice se plonge dans la condition féminine de l’après-guerre pour retracer l’histoire de Marguerite. Au fur et à mesure, émerge une figure de femme et de mère à l’identité complexe, tour à tour sombre et lumineuse. Une femme dont les rêves, plus vastes que l’horizon étroit de son foyer et de son milieu social, ouvriront à sa fille de nouvelles voies.

Reine Bellivier livre un premier roman poignant sous la forme d’une enquête, qui révèle combien le désir impétueux de liberté peut bouleverser des vies en apparence minuscules.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Reine Bellivier est née en 1982 et vit à Nantes. Son enfance a été marquée par le bocage des Pays de la Loire et plusieurs longs séjours à l’étranger. Après des études de lettres, elle coordonne des projets éditoriaux en indépendante. La Hideuse est son premier roman.

 

 

Avis :

Ce premier roman d’inspiration autobiographique retrace la disparition de Marguerite, mère de famille des années 1950, qui quitte un jour son foyer sans un mot. Ce départ ouvre une brèche dans la mémoire familiale que la narratrice – sa fille – explore avec une délicatesse poignante. Reine Bellivier transforme un épisode intime en une fiction sensible, mêlant souvenirs, journaux intimes et élans imaginaires, dans un geste de réparation et de réconciliation avec l’absence.

Le récit s’organise comme une quête intérieure, guidée par les traces ténues d’une femme qui s’est effacée et que la narratrice s’emploie à recomposer par l’empathie, l’intuition et les résonances littéraires. Se glissant dans les pas de sa mère pour mieux saisir ce qu’elle a pu ressentir – étouffement dans un quotidien contraint, vertige du départ, culpabilité subséquente –, elle cherche à en comprendre les ressorts intimes. Portée par une volonté de relier plutôt que de juger, elle éclaire en creux la condition féminine de l’époque, réduite aux devoirs domestiques et contrainte d’étouffer ses désirs d’émancipation. Ce travail de réinvention s’appuie avec le plus grand naturel sur des figures tutélaires comme Virginia Woolf, dont la pensée sur l’indépendance intérieure résonne avec le destin de Marguerite, ou Emil Ferris, dont l’univers graphique et hybride inspire une narration libre et intuitive. 

La langue, sobre et poétique, avance avec retenue entre les ombres, effaçant les jugements communément hâtifs pour laisser place à une écoute patiente, une attention aux failles, aux silences et aux élans contenus. Choisi pour sa résonance affective, chaque mot s’imprègne d’une pudeur bouleversante, dans une élégance qui laisse affleurer l’émotion sans jamais l’exhiber. 

La Hideuse trace un chemin de réconciliation, mais aussi de réhabilitation – celle d’une mère « indigne » dont, avec un discernement remarquable, la narratrice restitue la complexité, la dignité et, en définitive, le malheur. Un texte profondément sensible, juste et lucide, qui émeut par ce qu’il donne à ressentir de la souffrance transmise de mère en fille. (4/5)

 

Citations :

Tu t’étais mise à peindre. Qu’est-ce qui parlera pour moi quand ma fille fera le tri dans ma maison vide ? Les lettres gardées, un billet glissé entre des pages, un article découpé. Qu’est-ce qui trahira les tremblements de la conscience, les regrets muets, les petits et les grands renoncements, les jardins d’orgueil et de menues fiertés, les pensées qui étayent la journée et celles qui soutiennent une vie ? Est-ce que des objets peuvent révéler les croix qui nous ont pesé et celles qui nous ont servi de colonne vertébrale, comme aux épouvantails ? (...)
« Les tubercules sont les organes de conservation qui permettent de classer la pomme de terre parmi les plantes vivaces à multiplication végétative : la plante, au lieu de se reproduire par voie sexuée grâce à la formation de fleurs et de graines, ne fait que multiplier indéfiniment ses organes végétatifs (racines, tiges et feuilles) grâce à des fragments de tiges portant les réserves nécessaires à leur reprise » (Cercle royal horticole d’Antoing, « Les loisirs de l’ouvrier »). 
Dans l’entrain que certaines femmes mettent à apprendre, même tardivement, toutes sortes de pratiques créatives, je ne peux pas m’empêcher de voir plus qu’une tocade pour tromper l’ennui, mais bien une nécessité de ménager un espace à soi, comme en offrent tous les actes de création, et qui permet de faire de sa condition bien autre chose que la multiplication indéfinie de l’espèce à travers soi-même, comme c’est le cas du pied de pomme de terre.


Note de Maman : « Aujourd’hui plus dur que d’habitude, pas dormi, mal partout, ne tiens pas debout, tout est sombre. Et je croyais l’avoir oubliée, mais elle était dans l’escalier, quand j’ai descendu. Pourquoi me poursuit-elle et me tourmente-t-elle ? Hier je l’ai aperçue derrière un arbre (hideuse) elle m’a fait très peur pour le reste de la journée. »


 

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