jeudi 24 juin 2021

[Bouysse, Franck] Orphelines

 






J'ai beaucoup aimé

Titre : Orphelines

Auteur : Franck BOUYSSE

Parution : Moissons noires (2020)
                  J'ai Lu (2021)

Pages : 282






 

 

Présentation de l'éditeur : 

Une ambiance pesante et morose s’est installée sur la ville. Un criminel tapi dans l’ombre observe et s’amuse avec les deux flics qui le poursuivent. La noirceur de son âme ne fait aucun doute depuis qu’un corps de femme massacré a été découvert…
Crime après crime, Bélony et Dalençon voient ce meurtrier leur glisser entre les doigts. Le capitaine Jacques Bélony, « vieux flic de la Criminelle », vient de perdre sa femme et sa fille dans un accident de voiture, tandis que Marie Dalençon, sa jeune collègue, subit les tourments de relations amoureuses chaotiques. Mais ils doivent coûte que coûte arrêter ce meurtrier qui s’attaque à des femmes isolées… 


Un mot sur l'auteur :

Né en 1965 à Brive-la-Gaillarde,  Franck Bouysse est l'auteur de romans dramatiques et policiers qui ont remporté un beau succès et de nombreux prix littéraires.


Avis :

Le policier Bélony vient de perdre son épouse, restée vingt ans dans le comas après un accident qui avait aussi tué leur jeune enfant. Meurtri, l’homme n’a pour autant guère le loisir de s’appesantir sur son malheur : un tueur en série s’en prend à des jeunes femmes de la ville, dont on retrouve les cadavres mutilés étrangement mis en scène. Il devient bientôt évident que le meurtrier observe et manipule Bélony et sa jeune collègue Dalençon, désormais conscients de faire partie d’un plan minutieusement programmé, dont ils ignorent les tenants et les aboutissants…

Changeant de registre après plusieurs romans qui nous avaient habitués à l’âpre noirceur de ses drames ruraux, l’auteur fait une incursion dans l’univers du polar. Il nous livre une histoire encore une fois bien sombre, centrée sur un être qu’une enfance douloureuse, bâtie sur une tragédie, a brisé au point d’en faire un dangereux psychopathe. Assez simple, l’intrigue n’en ménage pas moins un gros effet de surprise totalement imparable. Et, emporté par la tension croissante du récit, l’on se laisse prendre avec plaisir à cette lecture indéniablement addictive.

Seulement voilà, malgré la mise en perspective des meurtres avec un passé tragique habilement suggéré, qui creuse d’insondables abîmes de souffrance sous la surface des pages, l’ensemble peine à se démarquer de la multitude d’histoires du même genre, qui se bousculent sous formats papier et télévisuel. Combien de duos d’enquêteurs, meurtris par la vie et liés par des sentiments mutuels plus ou moins inavoués, se sont-ils lancés sur les traces, semées de scènes gore, de tueurs en série acharnés à tourmenter de jeunes et jolies femmes sans défense ? Si Franck Bouysse réussit haut la main à accommoder la recette en une lecture fort agréable et distrayante, il ne parvient pas à la transformer en moment d’exception, comme il en avait pris l’habitude avec chacun de ses livres depuis Grossir le ciel. La faute à un thème rebattu et à un trop-plein de clichés, mais aussi à une crédibilité moyenne et à une plus grande discrétion de la beauté stylistique si remarquable de cet écrivain.

Quoi qu’il en soit, même si, selon moi, un cran en dessous des autres romans plus mémorables de l'auteur, ce polar, aussi bien écrit que construit, se lit avec plaisir. Il offre un agréable moment de détente, tout en révélant une nouvelle facette de l'écrivain. (4/5)


Citations :

La zone industrielle se trouvait au nord de la ville, non loin d’un quartier populaire. Les concessions automobiles flambant neuves côtoyaient des bâtiments dégradés d’un autre âge. L’impression que l’on avait en regardant ce spectacle faisait penser au sourire d’un vieillard, qui aurait fait poser quelques couronnes en or entre des dents pourries.

Les quartiers nord de la ville ressemblaient à une HLM aux mensurations démesurées. Quelques taches de couleurs, de-ci de-là, tentaient de marquer une originalité de mauvais goût. Pas un brin de verdure. Du sable entre les plaques de goudron, sur lequel des gamins se râpaient les genoux en jouant au ballon. Un beau rêve de sable, s’enfonçant sous la peau. Était-ce ça le désespoir : ne pas avoir de véritable choix ? Quand nourrir les rêves était pire que tout, quand les illusions ne valaient rien, quand les désillusions pénétraient l’os. La couleur des os, le véritable point commun de l’humanité.

Les deux flics parvinrent devant un ensemble d’immeubles. C’était là qu’avait vécu Éva Myskina. Bâtiment central. Une tour de douze étages, tapissée d’antennes paraboliques, semblables à des boutons d’acné sur le visage d’un adolescent.

Il n’avait pas la prétention de se considérer comme un artiste à part entière, mais il en était arrivé à la conclusion que le commun des mortels passait sa vie à la combler, alors que les artistes la passaient à se vider d’une substance qu’ils avaient héritée, malgré eux. Le sens de ces existences était de se déverser sans véritable choix. Le principe des vases communicants.

Désormais, pour lui, il n’y avait plus l’alibi du travail pour quitter cette atmosphère pesante. Hier, les cris des gamins qui lui gâchaient la lecture de son journal. Aujourd’hui, le silence oppressant qui l’empêchait de lire ce même journal. Ce fichu journal, qu’il avait lu et relu toute sa vie, sans se douter qu’il s’agissait de sa propre existence inscrite en caractères d’imprimerie. Rubrique naissance. Rubrique faits divers. Bientôt, rubrique décès. Il suffisait de piocher, jusqu’au chien qu’il avait écrasé un jour.



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H
 


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