dimanche 21 novembre 2021

[Nicolas, Grégory] Les fils du pêcheur

 






J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Les fils du pêcheur

Auteur : Grégory NICOLAS

Editeur : Les Escales

Parution : 2021

Pages : 224

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :     

Alors que le narrateur vient d’apprendre qu’il sera bientôt père d’une petite fille, le téléphone sonne. À l’autre bout du fil, sa mère. Le bateau de son père, Jean, vient de sombrer « corps et biens ». Jamais Jean ne saura que sa petite-fille s’appellera Louise. Peut-être pour lui rendre hommage, peut-être pour apaiser son chagrin, le narrateur se met alors à écrire le roman de ce coquillier blanc et bleu, Ar c’hwil, né presque en même temps que lui. Derrière l’histoire du bateau, c’est celle du père, de ses peines et de ses drames qui se profile. Mais aussi celle d’une famille, faite d’amour filial et fraternel. Une famille simple, où la pudeur des sentiments est de mise. Une histoire intimement liée à celle de la Bretagne, de la pêche et des crises qui ont jalonné la seconde partie du xxe siècle.

À travers une chronique à la fois intime et sociale évoluant sur près de soixante ans, Grégory Nicolas rend hommage au courage des pêcheurs et de ceux qui les attendent.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Grégory Nicolas est né en Bretagne en 1984. Après avoir travaillé en tant que caviste à Rennes et professeur des écoles à Paris, il se consacre désormais à l’écriture. Il est notamment l’auteur de Des histoires pour cent ans (Rue des Promenades, 2018 ; Pocket, 2020) et de Équipiers (Hugo Sport, 2019) qui a reçu le prix Antoine-Blondin.

 

Avis :

Lorsque son père marin pêcheur disparaît en mer avec son coquillier Ar c’hwill, le narrateur entreprend l’écriture de la biographie familiale, en hommage à cette figure paternelle tant admirée. Au travers du parcours et des drames de cet homme, c’est toute l’histoire de la Bretagne, de la pêche et de ses crises sur ces soixante dernières années qui se dessine peu à peu.

Autobiographie ? Fiction ? On ne sait, mais on ne peut que croire à ce récit où l’intime rejoint la chronique sociale, conjuguant émotion, surprises et tension, enfin intérêt d’un témoignage hautement représentatif que l’on jurerait vécu. D’un côté, ce roman est l’histoire d’une relation filiale, touchante d’amour et de pudeur, que transfigure la présence taiseuse mais généreuse d’un homme dont on découvre peu à peu les peines et les drames secrets. De l’autre, il dresse un tableau vivant de la rude profession de marin pêcheur, à la fois passion et sacerdoce aux premières loges des périlleuses et capricieuses grandeurs de la mer, mais, dans tous les cas, de plus en plus étranglée par les crises depuis l'ouverture à la concurrence européenne. La narration est notamment l’occasion de se souvenir des scènes de guerre civile, qui, en 1994, accompagnèrent à Rennes les manifestations de marins pêcheurs rendus fous de rage par l’effondrement des cours du poisson et par la hausse du gasoil.

Voici un livre qui s’aborde avec le coeur, tant ses mots désarmants de délicatesse et d’élégance, en toute simplicité, expriment d’humanité, d’amour filial et paternel, d’admiration et de respect pour ces hommes chevillés à leurs valeurs entre terre et mer bretonnes. C’est d’ailleurs cette tendresse pour ses personnages, en même temps que les détails clairement personnels dont l’auteur parsème son texte – comme ses goûts littéraires et oenologiques - , qui achève de parfaire l’impression autobiographique.

Un bien bel hommage à la terre bretonne et à ses habitants, à ses beautés et à ses rudesses, que ses travailleurs de la mer en particulier ont gravées dans l’âme et la chair. (4/5)

 

 

Citations :

Sûr qu’il devait être heureux.   
Et pourtant il y a toujours eu comme de la mélancolie dans son regard, celle de l’enfance perdue, et on n’y peut rien, comme quand la ligne casse. On ne rattrape pas le poisson qui s’en va l’hameçon dans la gueule, c’est comme ça. Il a essayé de le cacher pendant longtemps. Nous n’étions dupes de rien avec les frères, mais on n’en parlait pas, ni entre nous ni avec lui.
Il voulait continuer de paraître grand et fort devant ses fils, quitte à en rajouter pour qu’on soit fier de lui, pour que l’on continue à le regarder d’en dessous comme font les gamins. C’était bien ce temps, petit, où le monde nous apparaissait en contre-plongée. Il devait trouver ça moins drôle de voir le monde d’en haut, je pensais.

— Tu es un peu dégoûté de la mer maintenant, Yvik, je me trompe ? a demandé Julien.
— Non, je ne suis pas dégoûté. La vérité, c’est que j’ai jamais vraiment aimé ça. Quand je le dis, les gens ont du mal à comprendre. Ils pensent tous que la vérité est au large. Mais qu’ils y aillent donc, au large, voir un peu ! Et ensuite on en rediscute. On me dit : « La liberté, la liberté. » Tu parles d’une liberté ! La mer est grande, certes, mais un bateau c’est une prison qui flotte, rien d’autre. Tu n’es jamais moins libre de tes mouvements que dans un canot. Tu es contraint par la mer, le vent, les embruns, la machine, la ressource et les sous. Tu parles d’une liberté ! Seulement à Ouessant, tu penses bien qu’on n’avait pas le choix dans le temps. C’était la pêche ici ou l’usine sur le continent, hein. Et moi j’avais pas envie de travailler toute ma vie avec un toit au-dessus de la tête. À tort ou à raison d’ailleurs, je me serais moins pelé à l’usine, c’est sûr.


 

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