lundi 29 novembre 2021

[Castellanos Moya, Horacio] La diablesse dans son miroir

 


 
 

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Titre : La diablesse en son miroir
           (La diabla en el espejo)

Auteur : Horacio CASTELLANOS MOYA

Traducteur : André GABASTOU

Parution : en espagnol (Salvador) en 2000,
                   en français (Métailié) en 2021

Pages : 156

 

 

 
 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Au début des années 90 à San Salvador, Olga María Trabanino est froidement assassinée d’une balle dans la tête. Qui peut donc avoir voulu la mort de cette jeune femme apparemment sans histoires ? Au fil de l’enquête, sa meilleure amie, Laura, cancanière, hystérique et jalouse, découvre incrédule tout ce qu’elle lui avait caché : son passé, ses fréquentations, ses vices… Le portrait qui se dessine alors est celui de la bourgeoisie tout entière, qui abrite ses turpitudes et sa corruption sous le masque impavide de la respectabilité.

Le jour où l’assassin s’évade de prison, elle voit le piège se refermer sur elle.

Avec cette intrigue menée d’une plume haletante, l’auteur poursuit sa radiographie au vitriol de la société latino-américaine, gangrenée par les luttes politiques et le trafic de drogue. 
Sex and the City
vu par Thomas Bernhard.

  

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Horacio CASTELLANOS MOYA est né en 1957 à Tegucigalpa, au Honduras. Il grandit et fait ses études au Salvador et s'exile à partir de 1979 dans de nombreux pays. Il enseigne aujourd'hui à l'université de l'Iowa. Il a écrit douze romans, qui lui ont valu de nombreux prix, des menaces de mort et une reconnaissance internationale. 

 

 

Avis :

Lorsqu’Olga Maria Trabanino est froidement abattue chez elle, dans sa riche villa de San Salvador, son amie Laura Ribera, indignée de voir l’enquête piétiner, se sent en devoir de s’en mêler. Ses découvertes sur la vie privée de la victime, et l’imbroglio des enjeux dont elle prend conscience autour de celle-ci, finissent par la mettre elle-même en danger.

Long monologue intérieur de Laura, le récit nous fait entrer dans la tête d’une jeune femme de la bourgeoisie salvadorienne, encore sous le choc de l’assassinat commandité à l’encontre de son amie. Son bavardage oiseux et prétentieux témoigne initialement, par sa morgue incrédule, d’un sentiment d’outrage bien plus que de frayeur. Le meurtre de l’une d’entre elles a l’impensable brutalité d’un pavé dans la vitre, qui protégeait jusqu’ici leur existence d’en haut, du méprisable chaos d’en bas. Qui plus est, l’enquête a l’inconcevable impudence de s’intéresser à leur milieu, jusqu’ici naïvement synonyme pour Laura d’une aisance si naturelle qu’il ne lui était jamais venu à l’idée de penser à sa provenance. Outrée, notre prétentieuse et assez méchante innocente ouvre néanmoins peu peu les yeux, découvrant d’abord, dans un sursaut de colère et de jalousie, les infidélités croisées de son amie et de ses amants, puis, dans un trouble de plus en plus affolé, alors qu’un scandale financier vient soudain éclabousser tout ce beau monde, l’effrayant enchevêtrement des intérêts et des intrigues dans une société corrompue jusqu’à la moelle.

Une ironie presque mauvaise accompagne le dessillement du lecteur en même temps que de Laura. Et c’est bien une forme de dégoût qui transpire de cette malodorante description de l’élite salvadorienne, dont on ne doute pas un instant qu’elle soit l’exact reflet d’une réalité qui a contraint l’auteur, menacé de mort, à l’exil. Profondément original, le parti-pris narratif s’avère toutefois à double tranchant. S’il permet d’épouser habilement les pensées de son personnage, peu à peu déstabilisé jusqu’à en sombrer, il risque aussi de noyer le lecteur dans l’écoeurement d’une logorrhée, d’abord exaspérante d’arrogance et de frivolité stupide, puis déconcertante d’absurdité paranoïaque. Une lassitude et la hâte d’en finir au plus vite m’ont ainsi d’autant plus rapidement envahie, gâchant inexorablement mon plaisir de lecture, que l’intelligence et l’intérêt du roman ne m’ont vraiment sauté aux yeux qu’une fois l’étonnement de son dénouement retombé. Car alors, certes, vous ne connaîtrez pas le fin mot de l’histoire, mais vous comprendrez enfin, vu l’état de pourriture ambiant, que cela n’aurait servi de rien, de toute façon. (2/5)

 

Citation :

Je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas de cimetières dans les endroits respectables. Ils sont tous très loin et perdus, ma belle, entourés de quartiers dangereux. À vrai dire, cette ville est infectée d’endroits marginaux. C’est ce que m’a dit Diana qui s’étonnait que les quartiers des gens respectables se retrouvent presque tous entourés par des endroits marginaux, par la pauvreté qui engendre la délinquance. C’est pourquoi il est si facile de tuer une femme sans que personne lève le petit doigt, comme ça s’est passé pour Olga María : les délinquants commettent leur mauvais coup et retournent immédiatement dans leurs tanières. Il y a des villes où ce n’est pas comme ça : on vit dans un endroit et les malfaiteurs dans un autre, à plusieurs milles de distance, comme il se doit. Mais dans ce pays, tout se touche. Olga María elle-même m’a montré à l’entrée de son quartier, à deux pas des taudis, trois maisons contiguës, aux murs mitoyens : dans l’une, il y a une école primaire ; dans la suivante, un bordel ; et dans la dernière, une église évangélique. Tu t’imagines ! Une folie.

 

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