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Titre : Les aubes écarlates : Sankofa cry
Auteur : Léonora MIANO
Editeur : Plon (2209), puis Pocket (2011)
Pages : 280
Présentation de l'éditeur :
Après L'intérieur de la nuit et Contours du jour qui vient,
le troisième livre de Léonora Miano consacré à l'âme de l'Afrique. A
travers les aventures d'Epa, enfant soldat, une étrange épopée
fantasmagorique dans une Afrique où rôdent les esprits de ceux qu'on a
massacré lors des tragédies passées.
Epa a été enrôlé de force dans les troupes d'Isilo, un mégalomane qui rêve de rendre sa grandeur à toute une région de l'Afrique équatoriale. Emmené au cœur d'une zone isolée, il découvre qu'il est entouré de présences mystérieuses : plusieurs fois, il aperçoit des ombres enchaînées demander réparation pour les crimes du passé. Sur tout le continent, les esprits des disparus de la traite négrière distillent l'amertume et la folie en attendant que justice leur soit rendue...
Parvenant à s'échapper, Epa retrouve Ayané, une fille énigmatique et attentionnée qui l'aide à reprendre goût à la vie. Comment donner à l'Afrique la chance de connaître des aubes lumineuses ? Pour conjurer le passé d'une terre qui ne cesse de se faire souffrir elle-même, Epa devra rechercher ses compagnons d'infortune et les rendre à leur famille.
Epa a été enrôlé de force dans les troupes d'Isilo, un mégalomane qui rêve de rendre sa grandeur à toute une région de l'Afrique équatoriale. Emmené au cœur d'une zone isolée, il découvre qu'il est entouré de présences mystérieuses : plusieurs fois, il aperçoit des ombres enchaînées demander réparation pour les crimes du passé. Sur tout le continent, les esprits des disparus de la traite négrière distillent l'amertume et la folie en attendant que justice leur soit rendue...
Parvenant à s'échapper, Epa retrouve Ayané, une fille énigmatique et attentionnée qui l'aide à reprendre goût à la vie. Comment donner à l'Afrique la chance de connaître des aubes lumineuses ? Pour conjurer le passé d'une terre qui ne cesse de se faire souffrir elle-même, Epa devra rechercher ses compagnons d'infortune et les rendre à leur famille.
Un mot sur l'auteur :
Léonora Miano est née en 1973, à Douala, au Cameroun, où elle a vécu son enfance et son adolescence avant de venir s'installer en France. Après des études en Lettres anglo-américaines, elle a publié plusieurs romans.Le premier, L'intérieur de la nuit, plébiscité par la critique et les lecteurs, a reçu de nombreux prix et récompenses en 2005 et 2006. Contours du jour qui vient a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens en 2006, La saison de l'ombre le prix Fémina 2013 et le Prix du roman métis 2013.
En 2014, elle ouvre une réflexion sur la sexualité dans les cultures africaines, avec le recueil Première nuit, une anthologie du désir - Mémoire d'encrier, où elle invite dix écrivains subsahariens et afro-descendants à raconter leur première expérience charnelle sans tabou. En 2015, elle fait de même avec des femmes dans Volcaniques.
Avis :
Les aubes écarlates sont le dernier volet d’une trilogie sur le pays de Mboasu, lieu imaginaire situé en Afrique subsaharienne dont le nom signifie en Douala, langue du littoral camerounais, notre pays. Comme l’indique le terme Mboasu, tout l’objet du roman est panafricain. Les personnages du récit rêvent d’unité et d’identité culturelles, mais se sont égarés en chemin, emportés par la voie violente qui ensanglante l’Afrique : dans le roman, les rebelles à la vieille dictature sont incapables de sortir de l’ornière du sang et de la terreur. Les enfants-soldats commettent des atrocités que la population terrifiée et résignée endure sans réagir, espérant préserver la vie par la soumission.
Selon l’auteur, si les Africains subsahariens subissent tant l’emprise de la violence, c’est qu’ils n’ont pas encore pu faire la paix avec le passé : ni avec les fantômes de la traite négrière, ni avec les cicatrices de la colonisation. Ne subsistent que honte et perte d’identité, une atteinte si grave qu’elle compromet l’humanité-même des populations.
Le mythique oiseau Sankofa du titre, qui, un œuf coincé dans le bec, vole la tête tournée vers l’arrière, illustre cette impossibilité de construire l’avenir sans réconciliation avec son passé. Ce n’est qu’en affrontant ses traumatismes que l’Afrique d’aujourd’hui pourra se reconstruire et considérer un avenir enfin exorcisé des vieux démons qui la hantent.
L’écriture de Léonora Miano est profonde, mais difficile. Pas seulement parce que certaines scènes sont atroces. Toute la structure du récit, plus fable que roman, est déconcertante : tandis que les esprits s’adressent directement au lecteur, c’est au travers d’une femme aux pouvoirs de chamane que le village au coeur du roman retrouve la paix. Ce livre, court mais dense, mérite l’effort de sa lecture. Il m’a ouvert de nouvelles pistes de réflexion. (2/5)
Les Continentaux ne parvenaient pas à inscrire leur expérience dans la globalité de l’aventure humaine. Ils ne pouvaient dépasser les représentations négatives qu’on avait eues d’eux. (…) Les peuples subsahariens n’avaient pas seulement été dominés, ostracisés. On les avaient exclus du genre humain.
C’était une des plus tenaces manifestations de la honte. Elle continuait de creuser un abîme entre soi et le monde. Chasser la honte, c’était se faire l’obligation d’accepter ce qu’on était devenu, et qu’on peinait encore à définir. On refusait de se dire mêlé de colon et de colonisé, de négrier et de déporté, d’Occidental et de Continental. Ce refus empêchait l’éclosion d’un être neuf, somme de toutes les douleurs et, en tant que tel, détenteur de possibles insoupçonnés.
La technique était bien rodée. Ramener le passé au présent. Dire le vrai, mais le dire mal. Partir d’éléments réels, vérifiables, incontestablement douloureux, puis laisser le verbe dériver vers l’amalgame, la vérité partielle, pour finir par s’arrimer au refus forcené d’endosser la plus petite responsabilité. Choisir les mots. Les répéter. Les marteler. En imprimer la résonance dans les esprits de ceux que la faim faisaient tituber. En faire la pensée unique de miséreux qui ne réfléchiraient pas, lorsqu’on leur tendrait une hache ou une machette. Se servir du peuple comme outil de sa propre destruction.
La traite négrière était à inscrire au patrimoine tragique du genre humain. Parce qu’elle avait impliqué des régions différentes du monde. Parce que les bourreaux n’avaient pas été que d’un côté. Parce qu’elle était, à cette échelle-là, le premier crime contre l’humanité dont on ait gardé la trace. (…) La zone subsaharienne du Continent était concernée au premier chef. Elle avait été la source unique du trafic. On ne s’était pas servi ailleurs. Et depuis, les rapports de cette région avec le reste du monde demeuraient les mêmes. Elle était le puits sans fond d’où les autres tiraient leur croissance. Et, comme par le passé, il se trouvait toujours une main autochtone pour participer au crime. Les soulèvements populaires observés çà et là, loin du regard de la communauté internationale, ne venaient jamais à bout des régimes scélérats. Le mal venait de loin. Trop de temps lui avait été laissé pour prospérer. Au fil des âges, il avait tellement profité qu’il se dressait maintenant, haut en stature, expert en cruauté. Il enfantait des monstres à n’en plus finir.
Une des choses qu’elle avait apprises (…), c’était qu’il était rare de voir le mal s’installer, si on ne lui avait pas ouvert la porte.
Apparue à la fin du 19e siècle lors de la préparation de la Première Conférence panafricaine de 1900, le mouvement se développe en réaction aux conséquences du démantèlement progressif de l'esclavage en Amérique, et prend une ampleur nouvelle avec la décolonisation. De nos jours, le panafricanisme s'exprime dans les domaines politique, économique, littéraire et culturel. La plus large organisation panafricaine aujourd'hui est l'Union africaine, créée en 2002.
Selon l’auteur, si les Africains subsahariens subissent tant l’emprise de la violence, c’est qu’ils n’ont pas encore pu faire la paix avec le passé : ni avec les fantômes de la traite négrière, ni avec les cicatrices de la colonisation. Ne subsistent que honte et perte d’identité, une atteinte si grave qu’elle compromet l’humanité-même des populations.
Le mythique oiseau Sankofa du titre, qui, un œuf coincé dans le bec, vole la tête tournée vers l’arrière, illustre cette impossibilité de construire l’avenir sans réconciliation avec son passé. Ce n’est qu’en affrontant ses traumatismes que l’Afrique d’aujourd’hui pourra se reconstruire et considérer un avenir enfin exorcisé des vieux démons qui la hantent.
L’écriture de Léonora Miano est profonde, mais difficile. Pas seulement parce que certaines scènes sont atroces. Toute la structure du récit, plus fable que roman, est déconcertante : tandis que les esprits s’adressent directement au lecteur, c’est au travers d’une femme aux pouvoirs de chamane que le village au coeur du roman retrouve la paix. Ce livre, court mais dense, mérite l’effort de sa lecture. Il m’a ouvert de nouvelles pistes de réflexion. (2/5)
Citations:
Pour le Continent, la rencontre avec l’Occident avait été un basculement. Se relever nécessitait, selon une loi immuable, de s’appuyer sur le sol ayant accueilli la chute. Or, il était devenu mouvant. Pas uniquement parce que le choc persistait, mais parce que le Continent avait été modifié en profondeur. On lui avait inoculé un mode de vie, des notions qu’il ne maîtrisait toujours pas, que son organisme rejetait, sans pouvoir se permettre de les expulser tout à fait, s’il tenait à demeurer en vie.Les Continentaux ne parvenaient pas à inscrire leur expérience dans la globalité de l’aventure humaine. Ils ne pouvaient dépasser les représentations négatives qu’on avait eues d’eux. (…) Les peuples subsahariens n’avaient pas seulement été dominés, ostracisés. On les avaient exclus du genre humain.
C’était une des plus tenaces manifestations de la honte. Elle continuait de creuser un abîme entre soi et le monde. Chasser la honte, c’était se faire l’obligation d’accepter ce qu’on était devenu, et qu’on peinait encore à définir. On refusait de se dire mêlé de colon et de colonisé, de négrier et de déporté, d’Occidental et de Continental. Ce refus empêchait l’éclosion d’un être neuf, somme de toutes les douleurs et, en tant que tel, détenteur de possibles insoupçonnés.
La technique était bien rodée. Ramener le passé au présent. Dire le vrai, mais le dire mal. Partir d’éléments réels, vérifiables, incontestablement douloureux, puis laisser le verbe dériver vers l’amalgame, la vérité partielle, pour finir par s’arrimer au refus forcené d’endosser la plus petite responsabilité. Choisir les mots. Les répéter. Les marteler. En imprimer la résonance dans les esprits de ceux que la faim faisaient tituber. En faire la pensée unique de miséreux qui ne réfléchiraient pas, lorsqu’on leur tendrait une hache ou une machette. Se servir du peuple comme outil de sa propre destruction.
La traite négrière était à inscrire au patrimoine tragique du genre humain. Parce qu’elle avait impliqué des régions différentes du monde. Parce que les bourreaux n’avaient pas été que d’un côté. Parce qu’elle était, à cette échelle-là, le premier crime contre l’humanité dont on ait gardé la trace. (…) La zone subsaharienne du Continent était concernée au premier chef. Elle avait été la source unique du trafic. On ne s’était pas servi ailleurs. Et depuis, les rapports de cette région avec le reste du monde demeuraient les mêmes. Elle était le puits sans fond d’où les autres tiraient leur croissance. Et, comme par le passé, il se trouvait toujours une main autochtone pour participer au crime. Les soulèvements populaires observés çà et là, loin du regard de la communauté internationale, ne venaient jamais à bout des régimes scélérats. Le mal venait de loin. Trop de temps lui avait été laissé pour prospérer. Au fil des âges, il avait tellement profité qu’il se dressait maintenant, haut en stature, expert en cruauté. Il enfantait des monstres à n’en plus finir.
Une des choses qu’elle avait apprises (…), c’était qu’il était rare de voir le mal s’installer, si on ne lui avait pas ouvert la porte.
Le coin des curieux :
Basé sur la certitude d’une histoire commune des peuples d’Afrique et de leur diaspora, ainsi que sur l’idée que leur unité favoriserait leur progrès social et économique, le panafricanisme est un mouvement politique en faveur de l'indépendance du continent africain, et de l’union des Africains continentaux et afro-descendants en une communauté africaine globale.Apparue à la fin du 19e siècle lors de la préparation de la Première Conférence panafricaine de 1900, le mouvement se développe en réaction aux conséquences du démantèlement progressif de l'esclavage en Amérique, et prend une ampleur nouvelle avec la décolonisation. De nos jours, le panafricanisme s'exprime dans les domaines politique, économique, littéraire et culturel. La plus large organisation panafricaine aujourd'hui est l'Union africaine, créée en 2002.
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