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jeudi 12 octobre 2023

[Bordes, Gilbert] La dernière nuit de Pompéi

 



 

J'ai aimé

 

Titre : La dernière nuit de Pompéi

Auteur : Gilbert BORDES

Parution : 2023 (XO)

Pages : 368

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

21 octobre 79. Les Pompéiens ne savent pas que le Vésuve, cette douce colline qui domine leur ville, est au bord de l’éruption. Ils ignorent ces signes étranges qui se multiplient : l’assèchement des cours d’eau, les odeurs nauséabondes et inconnues, la fuite des animaux.

Dans un compte à rebours implacable, Gilbert Bordes nous fait vivre les derniers instants de la prospère Pompéi. au cœur de cette cité fascinante, on suit Marcus, le noble exilé de retour pour retrouver ses enfants et son amour de jeunesse, la belle Rectina ; Caelus, l’esclave affranchi qui a bâti une immense fortune ; Paoelus, l’héritier déchu séduit par les croyances nouvelles des chrétiens ; Julius, le gladiateur élevé au rang d’un dieu.

Tous vont être pris au piège. L’explosion fatale. La cité dévastée et figée à jamais par un Vésuve de feu et de sang. La dernière nuit de Pompéi.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Gilbert Bordes a d’abord été instituteur puis journaliste avant de se consacrer à l’écriture. Romancier des situations contemporaines, avec notamment la Nuit des Hulottes (Prix RTL grand public 1991), il s’est aussi révélé un grand romancier de l’Histoire avec le Porteur de Destins (Prix des Maisons de la Presse 1992), les Frères du Diable et Lydia de Malemort. La Peste noire est son premier roman publié chez XO.

 

Avis :  

Octobre 79. Les signes se multiplient, notamment de nombreux petits tremblements de terre et des perturbations hydrauliques – puits et cours d’eau asséchés –, mais à Pompéi et tout autour du Vésuve, réputé éteint depuis deux millénaires, personne ne s’inquiète. Il faut dire que, comparées au puissant séisme qui dix-sept ans plus tôt a ravagé la région, occasionnant de nombreuses victimes et des dégâts matériels encore visibles, ces dernières anomalies paraissent bien mineures. Et pourtant…

En un inéluctable compte à rebours qui n’empêche pas, avec un certain suspense, l’espoir du lecteur pour la survie d’au moins quelques personnages, la narration s’enclenche trois jours avant la catastrophe. La vie va son train ordinaire, nous donnant l’occasion d'une plongée dans le quotidien d’une ville romaine, par bien des aspects du récit assez moderne si l’on fait abstraction de l’esclavage, des jeux du cirque et de la répression à l’encontre des tout nouveaux Chrétiens. Le récent séisme ayant fait fuir bon nombre de patriciens – comme Marcus enfin de retour avec l’espoir de retrouver ses enfants et son ancien amour –, la cité encore en reconstruction s’est aussi réorganisée socialement. Parmi les nouveaux riches, l’esclave affranchi Caelus entend bien préserver coûte que coûte ses récents acquis, tandis que d’autres, ruinés ou toujours asservis, tendent une oreille de plus en plus dissidente aux paroles d’égalité chrétienne.

Dans la nuit du 24 octobre, le Vésuve entre pour de bon en éruption, d’abord en presque une journée d’accumulation de lave à l’intérieur du volcan, engendrant, à cause de la pression, une pluie de pierres ponces aussi destructrice et meurtrière qu’un bombardement, puis, le lendemain, finissant par exploser et cracher des nuées ardentes qui ensevelissent Pompéi et les villes alentours, tuant tout le monde au passage. Ainsi, la ville de Pompéi ne meurt pas en un instant, saisie avec ses habitants dans les postures du quotidien. Tués dans des éboulis ou par la chute des pierres projetées par le volcan, asphyxiés ou soufflés par la première déferlante ardente, les Pompéiens ont pour beaucoup essayé de fuir vers la mer et les navires venus tenter de les sauver sous le commandement de Pline l’Ancien. La narration a donc le temps de nous faire partager leur panique, les scènes de pillage et d’empoignades, les tentatives éperdues pour s’échapper tournant à la certitude d’être pris au piège.

Imaginés à partir des récits comme ceux de Pline le Jeune ou des restes retrouvés lors des fouilles, les personnages fictifs du roman redonnent vie et chair, le temps de trois jours, à la ville pétrifiée avec tous ses habitants. Après avoir frémi de leur inconscience, l’on est emporté avec eux dans des scènes d’apocalypse qui contrastent violemment avec le silence lunaire du décor de cendres grises qui leur succèdent. Les mots de conclusion, retraçant les faits purement historiques dans leur implacable nudité, n’en résonnent que davantage, en un sombre générique sobrement ouvert sur l’inconnu : le prochain réveil du monstre…

Une fresque impressionnante, qui, l’imagination de l’écrivain recréant la vie et l’émotion au milieu des cendres et des chantiers de fouille, réussit à nous rendre terriblement proches ces hommes et ces femmes dramatiquement disparus il y deux millénaires. Après tout, n’en sommes nous pas aussi aux signes précurseurs de cataclysmes à venir, d’origine climatique ceux-là ?

 

Citation : 

Ceux qui ont passé la nuit dans les entrepôts du port et sur le rivage aperçoivent alors un mur incandescent rouler vers eux à une vitesse terrifiante.
Tout ce qui se trouve sur son passage est aussitôt englouti dans un bruit monstrueux. La terre vibre, comme sous le martèlement d’un immense troupeau de chevaux. Les habitants qui sont restés dans la ville se précipitent vers la mer, certains que dans l’eau ils seront à l’abri. (…)
Au port, les réfugiés voient le mur rougeoyant passer par-dessus les maisons, les engloutir, submerger la plage, avaler les hangars à bateaux, les entrepôts des commerçants. Quand la nuée atteint la mer, de gigantesques explosions projettent les ponces qui tapissent la surface avec une gerbe d’écume. Le feu se mélange à l’eau dans un bouillonnement intense et un bruit indescriptible, mais il n’y a plus personne pour l’entendre. D’épaisses colonnes de fumée grise, mélange de vapeur d’eau et de cendre, montent à l’assaut du ciel bleu, forment des nuages sombres où crépite la foudre.
Puis le silence retombe sur Herculanum, un silence étrange, profond, celui de la mort.

 

Du même auteur sur ce blog :

 
 


 

dimanche 19 juin 2022

[Harper, Elodie] L'antre des louves

 



 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : L'antre des louves (The Wolf Den)        

Auteur : Elodie HARPER

Traduction : Manon MALAIS

Parution : 2021 en anglais,
                  2022 en français (Calmann Lévy)

Pages : 494

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Bienvenue à Pompéi, en l’an 74 avant notre ère. Amara, jeune grecque instruite mais réduite en esclavage après la mort de son père, est vendue à bas prix à un lupanar sordide, l’Antre des Louves, dirigé par Félix, un homme violent et imprévisible. L’impétueuse Amara comprend vite que la cité a beaucoup d’opportunités à offrir à celles qui savent les saisir. Avec les autres prostituées, qui deviennent sa famille de coeur, elle gravit les échelons d’une société où les hommes détiennent le pouvoir, forçant les femmes à constamment s’adapter pour survivre. Des ruelles animées de Pompéi aux recoins les plus sombres de l’Antre des Louves, nul n’imagine une seconde que les prostituées connaissent les règles du jeu mieux que quiconque. Amara va apprendre à utiliser et à contourner les codes de ce monde impitoyable afin de regagner sa liberté.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Elodie Harper est journaliste. Elle est diplômée d’Oxford en littérature, où elle s’est découvert une passion pour la poésie antique. L’Antre des Louves est son premier roman.

 

 

Avis :

Le Lupanar de Pompéi – l’antre des louves en latin – est la maison close la plus célèbre des vestiges de la ville romaine. On peut aujourd’hui l’y visiter et découvrir les fresques érotiques et les graffitis qui couvrent ses murs. C’est là qu’Elodie Harper a imaginé, en 74, soit cinq ans avant la fatidique éruption du Vésuve, quand Pompéi était une ville prospère et animée, la vie d’une poignée d’esclaves, capturées dans des pays voisins ou simplement vendues par leurs familles sans ressources, et livrées à la prostitution par leur redoutable maître Félix.

Parmi elles, Amara, jeune femme cultivée d’origine grecque, sort du lot. Pendant que les autres filles, avec chacune leur histoire et leur personnalité, tentent de faire face avec plus ou moins de résignation à leur nouvelle condition de « biens meubles », sans espoir de recouvrer jamais la liberté, Amara se refuse à abdiquer toute volonté d’améliorer son sort, guettant farouchement la moindre opportunité d’échapper aux cruelles maltraitances de leur maître et de leurs clients des bas-fonds de la ville, et, à moyen terme, à la déchéance de plus en plus terrible qui attend les putains vieillissantes. Les drames frappent une à une les membres de la petite communauté, liée, malgré les inévitables rivalités, par une solidarité sans faille. Manoeuvrant sans relâche au prix de sacrifices exorbitants, Amara réussira-t-elle à s’extirper du misérable antre des louves, elle que son éducation et ses talents de musicienne permettent de louer pour des prestations privées dans de riches villas de la ville ?

Indéniablement romanesque mais construit avec un souci de réalisme que ne dépare pas l’exploit de ne jamais verser dans le trivial, le roman s’avère captivant, tant en raison de ses intrigues et de ses personnages attachants, que par sa vivante restitution des divers visages de Pompéi. De son port et ses ruelles, ses bains et ses tavernes, où toutes les conditions se croisent dans une atmosphère tantôt industrieuse, tantôt déchaînée à l’heure des Saturnales de décembre, aux luxuriantes villas somptueusement ornées de fresques et de mosaïques colorées, de frais bassins et de fontaines glougloutantes au coeur de jardins calmes comme ceux du studieux écrivain et naturaliste Pline ou enfiévrés par des dîners orgiaques ; du théâtre aux combats de gladiateurs et des innombrables graffitis encore lisibles aujourd’hui sur les murs de la cité antique aux vers des Sénèque, Pline l’Ancien, Ovide et bien d'autres ; des lieux publics animés à l’isolement de la nécropole ; c’est toute la ville et ses habitants qui reprennent vie de manière convaincante, au fil des ruses et du combat d’une femme pour sa liberté.

Action, émotion et suspense se conjuguent agréablement pour faire de ce premier roman une lecture facile et distrayante. Annoncé comme le premier volet d’une trilogie, il laisse encore à peine cinq ans à son personnage principal pour s’élever dans la société pompéienne, avant que l’éternité ne fige à jamais la ville toute entière. On a hâte de connaître la suite… (3,5/5)

 

 

Citation :  

Ce serait plus facile, se dit-elle, de ne rien désirer. De ne rien ressentir. A quoi bon vouloir quoi que ce soit – ou qui que ce soit – sans la liberté de choisir ?