jeudi 9 novembre 2023

[Uzun, Maryna] Fière comme une batelière

 



 

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Titre : Fière comme une batelière

Auteur : Maryna UZUN

Parution : 2023 (Le Livre Actualité)

Pages : 150

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Née en 1926, au bord de la Sambre, une gamine est négligée et presque haïe par sa mère, cultivée et distinguée. Sa chance se révèle d’être belle, rebelle et intelligente ainsi que d’hériter la gnaque de son père, illettré. Sa curiosité universelle l’élèvera peu à peu et créera sa personnalité autodidacte. Elle s’impose avec le temps et sera la seule, dans sa fratrie batelière de onze enfants, à évoluer aussi fort. Si son adoré Raffaele, venu d’un coin magique mais pauvre de l’Italie, a eu le privilège d’être instruit, il n’a pas la détermination d’Irène qui, dès l’adolescence, a pris soin de ses parents vieillissants…
Dans un risque-tout juvénile, cette fiction parcourt l’itinéraire d’une batelière et son « tohu-bohu » époustouflant. Ôtez rigueur, exactitude et objectivité ! Accordez votre clémence à un certain toupet et à quelques incartades qui l’habitent et qu’elle conte dans son ivresse, tantôt plus lyrique tantôt plus joyeuse ! C’est le roman de la vie de cette femme qui s’est si bien accommodée à toutes les couches de la société, sans honte et avec panache, simplement en étant elle-même : Irène. C’est la chanson de l’amour que sa petite-fille lui porte au-delà de l’âge et des frontières. Une amie a généreusement permis à Maryna Uzun de connaître l’histoire d’Irène. À elle vont les humbles remerciements de
l’auteure.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Née à Odessa (Ukraine), Maryna Uzun vit en France depuis 1997. Elle est pianiste concertiste, lauréate de la Fondation Cziffra, et compose des musiques pour enfants. Elle est l’auteure des recueils de poèmes : Le Carnaval des majuscules (en deux volumes), Une femme dans le grand Paris, Souviens-toi de ton Odessa, Pianissimo féroce, Tableaux de l’amour au goût de yaourt, L’insomnie est couchée dans mon lit et Les poèmes d’amour pour des premiers venus. Elle a écrit quatre romans : Le voyage impaisible de Pauline, Les silences d'Isis, Au piano Bigorneau qui représente la suite de Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas !

 

Avis :

Après l’émouvant Voyage impaisible de Pauline dont les pudiques accents autobiographiques rendaient charmantes jusqu’aux imperfections et petites inexactitudes de langage d’une Ukrainienne à Paris, Maryna Uzun s’est lancée dans ce que l’on pourrait appeler une autobiographie par procuration : elle se fait la voix, disparue au moment de l’écriture de ce livre, de la grand-mère d’une amie, pour relater, à la première personne du singulier, le récit de sa vie mouvementée.

La matière du récit, c’est Alicia, jeune femme fascinée par la personnalité et par le parcours de sa grand-mère Irène, qui l’a rassemblée par bribes, au gré des confidences que, profitant de leur grande complicité, elle s’est attachée à encourager chez la vieille dame. La narration reconstitue donc ces échanges, dévidant chronologiquement les souvenirs égrenés par Irène elle-même, ponctués des commentaires souvent exclamatifs de la plus jeune, clairement en adoration. Il faut dire que la belle Irène, frondeuse et passionnée, ne devait pas avoir la langue dans sa poche et son récit, débordant de verve, coule comme le fit sa vie, en un fleuve se moquant des obstacles.  

Née au quart du XXe siècle, entre Sambre et Meuse, d’un couple de bateliers, Irène grandit avec ses dix frères et sœurs dans une vie de dénuement, rude et nomade, alors que les péniches avancent encore au pas des chevaux et des hommes de trait. Jamais scolarisée, elle parvient à l’âge adulte avec pour tout bagage une dureté au travail et un tempérament de feu qui vont lui faire empoigner son destin à bras le corps. Comme sa mère avant elle avait tout quitté pour un coup de foudre irraisonné qui devait lui coûter cher en désillusions, la voilà qui, à la fin de la guerre, s’enfuit avec son amoureux, un beau Calabrais lui aussi plein de déceptions à venir. Alors, puisque décidément les hommes sont faibles en ce bas monde, c’est elle qui endossera dorénavant le rôle de chef de famille, tournant le dos à cette Calabre, en ruines après-guerre, qui n’attendait d’elle qu’effacement et résignation, pour se tailler une vie à sa mesure dans sa Belgique natale. Les houillères y accueillant à bras ouverts les travailleurs immigrés, elle élèvera courageusement ses enfants dans la misère des corons, tandis que son homme troquera le soleil méditerranéen pour l’obscurité poussiéreuse des mines de charbon. Une fois ce dernier vaincu par la silicose, elle s’usera sans compter à coiffer les femmes du quartier, ouvrant son propre salon et accédant enfin à un statut et à une aisance acquis de haute lutte.

Sur un fond historique et social assez sommairement esquissé, la narration s’attache avant tout au portrait, volontiers superlatif, de cette indomptable battante qui, tout en assumant sans broncher les conséquences de ses choix passionnés, sut triompher avec humour et bonne humeur de ses origines sociales, de sa privation d’éducation et de sa condition de femme. Quelques nuances se font bien jour, aussi brèves que tardives, quand, Alicia peinant à se remémorer le détail de ses conversations avec sa grand-mère désormais décédée, récolte des sons de cloche un peu moins univoques chez d’autres membres de la famille. Peu importe, la légende de la fière batelière restera ce qu’en auront retenu, avec peut-être un brin de naïveté et surtout pas mal d’emphase, Alicia et sa plume Maryna Uzun. Ces deux-là ont en commun l’exaltation presque enfantine de leur admiration, encore exacerbée par le lyrisme poétique d’une écriture aux envolées exubérantes. Et comme, cette fois sans légitimité dans l’histoire, les petites bizarreries de langage nées d’une expression originellement non francophone viennent pour le coup jouer les trouble-fête, l’on finit malgré soi avec le sentiment qu’une correction plus attentive, en même temps qu'un peu moins de candide impétuosité, aurait pu rendre ce livre bien meilleur.

Malgré ses imperfections, La fière batelière reste une histoire attachante, pleine de la tendresse d’une jeune femme pour une aïeule qui, sans ce livre, serait restée l’héroïne invisible et oubliée d’un quotidien modestement anonyme. (2,5/5)

 

Citation :

Maman, depuis des décennies, tu n’as du ravissement que pour Irène, tandis que tu es le portrait craché de Raffaele, par le visage ! Réfléchis : la douceur de vivre méridionale lui a joué un mauvais tour ainsi qu’à beaucoup de jeunets, du moins à cette époque. A-t-il, un jour, choisi son chemin ? Un père lunatique à la suite de la mort de sa première femme adorée,  une mère merveilleuse mais aveuglée par un charlatan, un pensionnat autoritaire, une guerre affreuse, une prison en Afrique, un transfert en Alsace, une batelière qui, sans crier gare, le désire à la folie, des copains qui l’attirent dans un farniente permanent, une mine de charbon où il est obligé à ramper au lieu de souffler dans la clarinette… Sa dernière contrainte est indéniablement la pire pour lui : pendant que le manque de respiration lui arrache  la  vie, voir Irène toujours dynamique et convoitée…

 

 

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