J'ai beaucoup aimé
Titre : Camille muse de Claude Monet
Auteur : Alain YVARS
Parution : 2023 (BOD)
Pages : 156
Présentation de l'éditeur :
Dans son Salon de 1866 pour le journal l'Événement, Émile Zola est
enthousiaste : "J'avoue que la toile qui m'a le plus arrêté est la
"Camille" de M. Monet. Je venais de parcourir ces salles si froides et
si vides, las de ne rencontrer aucun talent nouveau, lorsque j'ai aperçu
cette jeune femme traînant sa longue robe et s'enfonçant dans le mur,
comme s'il y avait eu un trou... La robe traîne mollement, elle vit,
elle dit tout haut qui est cette femme".
Le tableau "Camille, La Femme à la robe verte", faisait une entrée
remarquée dans la vie et la peinture de Claude Monet. Camille allait
devenir sa muse, sa femme. Il ne cessera de croquer sa gracieuse
silhouette : changeant de robe comme de personnages dans "Femmes au
jardin", flottant dans les hautes herbes d'un champ de "Coquelicots",
apparition ascendante dans "La Femme à l'ombrelle".
Camille allait se dévouer corps et âme pour que Claude Monet devienne le
chef de file des peintres avant-gardistes dont le crédo était la
lumière changeante, les sensations fugitives.
Un mot sur l'auteur :
Avis :
D’emblée l’émotion est au rendez-vous, avec pour première image Camille peinte sur son lit de mort, ombre déjà floutée par les tonalités pâles et bleutées du tableau, tout enveloppée d’un flot de tulle comme une mariée. Nous voilà ramenés au cycle de toute vie humaine, qui finit là où elle a débuté, avec cette universelle question : « se pouvait-il qu’un grand bonheur puisse s’envoler, cesser d’exister ? » Dès lors, le récit s’engage dans une rétrospective intime, remontant là où tout a commencé, quand Camille n’avait que dix-huit ans et rencontrait Monet, balayant une décennie conjugale ponctuée de deux enfants et de bien davantage de chefs d’oeuvre picturaux, et revenant boucler le cycle avec les obsèques de la jeune femme, morte à trente-deux ans d’un cancer.
Hormis les tableaux où elle figure, peints par Monet mais aussi par Renoir et Manet, presque rien ne subsiste de Camille Doncieux, la jalousie d’Alice Hoschedé, la seconde épouse Monet, ayant mené à la destruction des lettres, photos et documents la concernant. Mais quels plus beaux souvenirs que cette série d’innombrables portraits, où elle paraît d’ailleurs parfois sous plusieurs personnages à la fois, et qui jalonnent l’essor artistique d’un peintre dont elle ne cessa de soutenir le génie trop novateur pour leur éviter la misère. Peintre lui-même, passionné éclairé et solidement documenté, Alain Yvars fait revivre le couple Monet aussi bien dans son intimité que face à son siècle, analysant avec sensibilité cette peinture du fugitif et de l’instantané qui fut une si grande révolution et qui nous restitue si bien la vie au travers de ses motifs.
Après Que les blés sont beaux, Conter la peinture et Deux petits tableaux, l’auteur nous régale à nouveau d’un ouvrage aussi intéressant qu’émouvant, luxueusement illustré de reproductions sur papier photo, pour une immersion si naturelle dans l’univers de Camille et Claude Monet qu’elle nous fait oublier l’immense travail de documentation qui la rend possible. (4/5)
Citations :
Il lui fait part de son observation d’artiste sur cette lumière qu’il passe son temps à tenter de résoudre : « Surtout ne plus voir les couleurs de sa palette à l’éclairage artificiel de l’atelier, mais modifiée par l’atmosphère, élément naturel de vie. » Il ajoute : « La lumière est la composante principale du tableau, elle nous dicte ses volontés. Suivant l’état du ciel, la journée, l’heure, la saison, le motif, personnage, objet, pierre que tu peins se modifient constamment. Deux solutions se présentent à toi : changer de toiles au fur et à mesure de l’avancement du jour ou bien revenir le lendemain pour terminer ta toile. » N’oublie jamais, disait-il : « rien n’est livré au hasard de l’inspiration, à la fantaisie heureuse du coup de pinceau. Les lois de l’atmosphère nous guident vers cette impression menant à l’harmonie. »
Le public perdure à bouder cette peinture que les journalistes et critiques continuent de moquer. Les gens se tordent et s’appellent devant chaque toile, les mots d’esprit circulent. Albert Wolff, dans le Figaro, n’a pas désarmé et sort un article dévastateur : « Après l’incendie de l’Opéra, voici un nouveau désastre qui s’abat sur le quartier. On vient d’ouvrir chez Durand-Ruel une exposition qu’on dit être de peinture. Le passant inoffensif, attiré par les drapeaux qui décorent la façade, entre, et à ses yeux épouvantés s’offre un spectacle cruel : cinq ou six aliénés, dont une femme, un groupe de malheureux atteints de la folie de l’ambition, s’y sont donné rendez-vous pour exposer leurs œuvres. Il y a des gens qui pouffent de rire devant ces choses. Moi, j’en ai le coeur serré. »
La « femme aliénée » est Berthe Morisot… Monet présente une vingtaine de toiles.
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