vendredi 17 novembre 2023

[Yvars, Alain] Camille muse de Claude Monet

 



 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Camille muse de Claude Monet

Auteur : Alain YVARS

Parution : 2023 (BOD)

Pages : 156

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Dans son Salon de 1866 pour le journal l'Événement, Émile Zola est enthousiaste : "J'avoue que la toile qui m'a le plus arrêté est la "Camille" de M. Monet. Je venais de parcourir ces salles si froides et si vides, las de ne rencontrer aucun talent nouveau, lorsque j'ai aperçu cette jeune femme traînant sa longue robe et s'enfonçant dans le mur, comme s'il y avait eu un trou... La robe traîne mollement, elle vit, elle dit tout haut qui est cette femme". Le tableau "Camille, La Femme à la robe verte", faisait une entrée remarquée dans la vie et la peinture de Claude Monet. Camille allait devenir sa muse, sa femme. Il ne cessera de croquer sa gracieuse silhouette : changeant de robe comme de personnages dans "Femmes au jardin", flottant dans les hautes herbes d'un champ de "Coquelicots", apparition ascendante dans "La Femme à l'ombrelle". Camille allait se dévouer corps et âme pour que Claude Monet devienne le chef de file des peintres avant-gardistes dont le crédo était la lumière changeante, les sensations fugitives.

 

Un mot sur l'auteur : 

Alain Yvars, qui a passé toute sa vie professionnelle dans la gestion d'entreprise en région parisienne, a toujours gardé intacte la passion de sa vie : la peinture. Après avoir peint de longues années, le blog qu’il a créé, Si l’art était conté, est consacré à des récits, nouvelles, et écrits divers sur l’art. Il aime imaginer dans leur contexte historique les peintres qui ont fait l’histoire de l’art, ce qui lui permet de s’inspirer de leur talent pour écrire ses récits.

Après son premier roman Que les blés sont beaux, hommage à Vincent Van Gogh, il a déjà publié deux recueils de nouvelles - Conter la peinture et Deux petits tableaux -, chacune en rapport avec le tableau d'un peintre important de l'histoire de l'art.
 
Retrouvez mon interview d'Alain Yvars ici.

 

Avis :

En couverture dans le tableau La promenade, elle semble avoir soudain pris conscience de notre présence et, dans un mouvement vif, se retourne pour nous fixer, comme par-delà le temps. Claude Monet l’a saisie il y a un siècle et demi en ce bref instant suspendu : va-t-elle ensuite poursuivre son chemin, sa silhouette dansante s’amenuisant peu à peu dans le lointain, ou nous attendra-t-elle pour nous donner le bras le temps d’un bout de chemin en sa compagnie ? Alain Yvars a pris les devants. C’est lui qui nous convie à une promenade auprès de l’ombre fugace de Camille, le temps de retracer son parcours d’épouse et de muse du grand peintre, comme l’on feuilletterait un album dont les photographies ne seraient autres que les tableaux qu’elle inspira.

D’emblée l’émotion est au rendez-vous, avec pour première image Camille peinte sur son lit de mort, ombre déjà floutée par les tonalités pâles et bleutées du tableau, tout enveloppée d’un flot de tulle comme une mariée. Nous voilà ramenés au cycle de toute vie humaine, qui finit là où elle a débuté, avec cette universelle question : « se pouvait-il qu’un grand bonheur puisse s’envoler, cesser d’exister ? » Dès lors, le récit s’engage dans une rétrospective intime, remontant là où tout a commencé, quand Camille n’avait que dix-huit ans et rencontrait Monet, balayant une décennie conjugale ponctuée de deux enfants et de bien davantage de chefs d’oeuvre picturaux, et revenant boucler le cycle avec les obsèques de la jeune femme, morte à trente-deux ans d’un cancer.

Hormis les tableaux où elle figure, peints par Monet mais aussi par Renoir et Manet, presque rien ne subsiste de Camille Doncieux, la jalousie d’Alice Hoschedé, la seconde épouse Monet, ayant mené à la destruction des lettres, photos et documents la concernant. Mais quels plus beaux souvenirs que cette série d’innombrables portraits, où elle paraît d’ailleurs parfois sous plusieurs personnages à la fois, et qui jalonnent l’essor artistique d’un peintre dont elle ne cessa de soutenir le génie trop novateur pour leur éviter la misère. Peintre lui-même, passionné éclairé et solidement documenté, Alain Yvars fait revivre le couple Monet aussi bien dans son intimité que face à son siècle, analysant avec sensibilité cette peinture du fugitif et de l’instantané qui fut une si grande révolution et qui nous restitue si bien la vie au travers de ses motifs.

Après Que les blés sont beaux, Conter la peinture et Deux petits tableaux, l’auteur nous régale à nouveau d’un ouvrage aussi intéressant qu’émouvant, luxueusement illustré de reproductions sur papier photo, pour une immersion si naturelle dans l’univers de Camille et Claude Monet qu’elle nous fait oublier l’immense travail de documentation qui la rend possible. (4/5)

 

Citations :

Sur la plage, lorsqu’il ne peint pas, Claude continue son enseignement. « Examine les contrastes d’ombre et de lumière, ils se répartissent à ravir. Les couleurs soucieuses les unes des autres suivant le principe des complémentaires que tu connais, vibrent intensément. Un vert et un rose, côte à côte, se font valoir l’un l’autre. » Camille est réceptive à ses paroles : « La sensation. Elle est essentielle dans la peinture, loin devant la forme, la matière, la description, que les maîtres nous apprennent. Un tableau doit reproduire tes émotions, ta scène intérieure, ton ressenti visuel face au spectacle qui s’offre à toi. La touche hachée, épaisse ou mince, ne doit pas être léchée. »


Il lui fait part de son observation d’artiste sur cette lumière qu’il passe son temps à tenter de résoudre : « Surtout ne plus voir les couleurs de sa palette à l’éclairage artificiel de l’atelier, mais modifiée par l’atmosphère, élément naturel de vie. » Il ajoute : « La lumière est la composante principale du tableau, elle nous dicte ses volontés. Suivant l’état du ciel, la journée, l’heure, la saison, le motif, personnage, objet, pierre que tu peins se modifient constamment. Deux solutions se présentent à toi : changer de toiles au fur et à mesure de l’avancement du jour ou bien revenir le lendemain pour terminer ta toile. » N’oublie jamais, disait-il : « rien n’est livré au hasard de l’inspiration, à la fantaisie heureuse du coup de pinceau. Les lois de l’atmosphère nous guident vers cette impression menant à l’harmonie. »


Le public perdure à bouder cette peinture que les journalistes et critiques continuent de moquer. Les gens se tordent et s’appellent devant chaque toile, les mots d’esprit circulent. Albert Wolff, dans le Figaro, n’a pas désarmé et sort un article dévastateur : « Après l’incendie de l’Opéra, voici un nouveau désastre qui s’abat sur le quartier. On vient d’ouvrir chez Durand-Ruel une exposition qu’on dit être de peinture. Le passant inoffensif, attiré par les drapeaux qui décorent la façade, entre, et à ses yeux épouvantés s’offre un spectacle cruel : cinq ou six aliénés, dont une femme, un groupe de malheureux atteints de la folie de l’ambition, s’y sont donné rendez-vous pour exposer leurs œuvres. Il y a des gens qui pouffent de rire devant ces choses. Moi, j’en ai le coeur serré. »
La « femme aliénée » est Berthe Morisot… Monet présente une vingtaine de toiles.

 

 

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