lundi 22 mars 2021

[Quélard, Patrice] Place aux immortels

 


 



J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Place aux immortels

Auteur : Patrice QUELARD

Parution : 2021 (Plon)

Pages : 384

 

  

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Au printemps 1915, Léon Cognard, lieutenant de gendarmerie bourlingueur et anticonformiste, quitte sa brigade bretonne pour rejoindre le front de Picardie et prendre le commandement d’une prévôté de division d’infanterie. Sa nouvelle position est des plus délicates entre une bureaucratie tatillonne et l’hostilité légendaire des fantassins à l’égard des gendarmes, ces empêcheurs de tourner en rond considérés comme des planqués.
Lorsqu’il est confronté à un suicide suspect au sein de l’unité dont il doit assurer la police, Léon traite l’affaire avec son opiniâtreté habituelle. Mais celle-ci l’entraîne dans un engrenage qui risque bien de faire trembler la Grande Muette sur ses fondements… Certains crimes ne doivent-ils pas demeurer impunis ? À la guerre, y a-t-il encore de la place pour l’idéalisme ? Et surtout, quelle valeur reste-t-il à la vérité quand seule compte la victoire ?

Le prix du roman de la Gendarmerie nationale récompense un roman inédit, littéraire, historique ou policier, dans lequel la gendarmerie ou le métier de gendarme occupe une place prépondérante.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Patrice Quélard est né en 1972 à Saint-Nazaire où il est enseignant et directeur d’une école élémentaire.

 

 

Avis :

Au printemps 1915, le lieutenant Léon Cognard est détaché de la Gendarmerie Nationale pour prendre le commandement d’une prévôté à Albert, sur le front de la Somme. En charge de la police judiciaire militaire auprès des forces armées, et nettement moins exposées que les troupes qu’elles accompagnent, les unités prévôtales sont très mal considérées et rencontrent une franche hostilité parmi soldats et officiers. Déjà très malmenés dans l’exercice de leurs fonctions courantes, les gendarmes vont se trouver face à un mur lorsqu’il s’agira pour eux d’éclaircir les circonstances suspectes du suicide d’un biffin.

Parfaitement documenté et rédigé avec un grand souci du détail et de l’exactitude, ce roman historique a pour intérêt majeur de nous faire découvrir le rôle méconnu de la gendarmerie en temps de guerre. Mission difficile que de faire la police sur le front, quand l’hécatombe et l’enfer des tranchées semblent rendre bien dérisoires petits et grands délits. Comment ne pas comprendre l’animosité d’hommes rendus au bout de l’horreur et dont la vie ne tient qu’à un fil, lorsque des « embusqués » prétendent leur faire la leçon et sanctionner leurs fautes ? Il faut bien du doigté et du discernement pour être à la hauteur du défi, qui devient même gageure lorsqu’il est question d’enquête criminelle dans ces circonstances.

Le récit s’organise autour d’un personnage central, Léon Cognard, un peu idéaliste et très anti-conformiste, qui met toute sa psychologie au service de son rôle d’encadrement. L’homme, qui ne manque ni d’humour ni de lucidité, se compare souvent à Don Quichotte, mais il est avant tout un parangon de réalisme et de pragmatisme dans ce contexte apocalyptique. Il est accompagné d’autres figures marquantes, toutes campées avec finesse et précision. Il n’est pas jusqu’au facétieux cheval Rossinante qui n’ait fait l’objet d’une étude approfondie et d’une restitution soignée et crédible. Et c’est presque nostalgique de leur camaraderie et de leur esprit de corps que l’on quitte les membres de cette équipe si puissamment incarnée.

D’une parfaite exactitude et de facture classique, ce roman habité par des personnages aussi humains que nature et tendu par juste ce qu’il faut d’intrigue policière pour ne pas voler la vedette à la fresque historique, est une lecture aussi plaisante qu'intéressante sur les missions méconnues de la gendarmerie prévôtale. (4/5)

 

Citations : 

Il va falloir que tu trouves mieux que ça, mon Léon. C’est bien connu, les gens qui se trouvent dans le malheur se moquent complètement de celui des autres. L’empathie est réservée à ceux qui vont bien – et encore !

La guerre… c’est tellement exceptionnel. Peut être que cela justifie des mesures d’exception. Après tout, dans le civil, on vous interdit de tuer, et là d’un seul coup, on vous paie et on vous décore pour le faire. J’avoue qu’il y a de quoi être désorienté.

Les gars d’en face pensent aussi que Dieu est avec eux, à ce qu’on dit. Ce Dieu vraiment, c’est une vraie girouette, et on lui fait dire ce qu’on a envie.

Non seulement l’intelligence des gens dans une foule résolue ne s’additionne pas, mais je pense même qu’elle se divise.

L’armée restait l’armée, envers et contre tout. Même le prévôt d’armée s’écraserait devant le général d’armée, qui ne manquerait pas de défendre son général de division, qui lui-même de manquerait pas de défendre son maudit chef d’état-major. Oui, c’était injuste, mais c’était comme ça. La guerre à elle seule était une juridiction d’exception, et Clémenceau avait raison : la justice militaire était à la justice ce que la musique militaire était à la musique.


 

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