samedi 6 mars 2021

[Barachin, Laure] Le chemin des étoiles

 






J'ai beaucoup aimé

Titre : Le chemin des étoiles

Auteur : Laure BARACHIN

Parution : 2016 (Auto-édition)

Pages : 222






 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Le 4 juillet 1950, en Alabama, un homme noir, marié et père d'une fillette de quatre ans, Lisa, est pendu à un arbre du "Chemin des Étoiles", lieu de rencontres des amoureux. Les auteurs de ce lynchage l'accusent d'avoir violé et tué une jeune fille blanche, Mary-Anne. Lisa et sa mère sont obligées de s'enfuir vers New York.
1992, lors des émeutes de Los Angeles, après l'acquittement des policiers blancs qui avaient frappé Rodney King, un Afro-Américain au passé de délinquant, Lisa, devenue une enseignante new-yorkaise, se souvient de cette violente époque. En 1970, alors qu'elle n'avait que vingt-quatre ans et que sa mère venait de mourir, elle avait pris le risque de revenir dans le Sud ségrégationniste pour comprendre pourquoi son père avait été assassiné. Était-il vraiment coupable du crime horrible pour lequel il avait été lynché ?
À travers l'histoire fictive de Lisa, Le Chemin des Étoiles permet de découvrir - ou de redécouvrir - ce que fut l'Amérique de l'esclavage, du Ku Klux Klan, de la ségrégation et de s'interroger sur les mécanismes de la violence : sont-ils une spirale sans fin ?

 

Un mot sur l'auteur :

Laure Barachin vit en Occitanie. Elle a écrit plusieurs romans dont Un été en terre catalane, Le Chemin des Étoiles et Le Rêve d'une vie meilleure.

 

Avis :

En 1992, des émeutes sans précédent éclatent à Los Angeles, après l’acquittement des policiers blancs qui, au terme d’une poursuite pour excès de vitesse, s’étaient violemment acharnés sur le délinquant noir Rodney King. Ces évènements renvoient la narratrice, Lisa, enseignante noire à New York, à son propre passé et à celui de sa famille. Vingt ans plus tôt, après le décès de sa mère, elle avait entrepris de revenir en Alabama pour tenter de comprendre le drame qui s’y était déroulé en 1950 : son père, accusé du viol et de la mort d’une jeune fille blanche, avait été lynché par pendaison, puis Lisa et sa mère contraintes de fuir vers New York.

L’histoire fictive de Lisa et des siens est l’occasion de revenir sur un siècle de violences racistes aux Etats-Unis, au travers de quatre générations d’une famille noire. Si le drame relaté trouve son point d’orgue dans les années cinquante avec le lynchage, en toute impunité, d’un homme désigné d’office comme coupable idéal, c’est bien toute la continuité de la ségrégation et de ses déchaînements jusqu’à nos jours qui est pointée du doigt dans ce récit. Des séquelles de l’esclavage aux violences policières contemporaines, du KKK aux survivances actuelles du suprémacisme blanc, transparaît au fil des décennies le poids d’un héritage qui n’en finit pas de déchirer la société américaine. Comment croire encore aux messages d’espoir et au rêve de Martin Luther King, quand la fracture raciale continue, comme une fatalité, à condamner une grande partie de la population noire américaine à la pauvreté, au chômage, à la prison et aux « bavures policières » ? Face à l’engrenage sans fin de la violence, alors qu’un nouveau palier semble franchi avec les émeutes de ces dernières années, l’auteur veut espérer encore et nous inciter à faire de même.

Son plaidoyer vient couronner un récit qui entretient la tension autant par la distillation progressive des révélations que par le climat pesant et menaçant qui les accompagne. Les imbrications de l’intrigue sont riches en surprises, et c’est avec un intérêt et une angoisse ininterrompus que le lecteur se laisse emporter par cette histoire. (4/5)


Citations :

Vous ne trouvez donc pas que le monde est cruel et absurde et que personne ne changera ce fait parce que les hommes aiment ça, la cruauté ? J’ai raison, n’est-ce pas, et c’est pour cela que vous fuyez mon regard. Vous êtes bien placée pour savoir que j’ai raison. Ils ne l’auraient pas tué sinon…
- Qui donc ? Vous êtes fou, lâchez-moi.
- Mais votre cher pasteur, voyons : Martin Luther King. Pourquoi tuer un homme qui revendique la fraternité entre les peuples ? Les hommes ne veulent pas de la fraternité, ils ont besoin d’exercer leur pouvoir sur quelqu’un. À votre avis, pourquoi votre peuple a-t-il été réduit en esclavage ?

Quand vous ne manquez de rien et qu’un jour vous croisez quelqu’un qui manque de tout, votre première réaction est marquée par le désarroi et un vague sentiment de culpabilité qui provoque la gêne. Que dire qui fasse oublier qu’on ne fait que passer devant lui pour retourner à nos occupations, à notre gaieté absurde ? Toutes les belles paroles de consolation, de pitié ou de compassion ne changeront rien à sa situation, pas même la dérisoire pièce tendue par une main qui se veut provisoirement fraternelle. Il s’achètera peut-être à manger et vous retrouverez votre vie quotidienne. De temps en temps, le souvenir de cet être démuni reviendra. Vous vous demanderez avec inquiétude ce qu’il est devenu puis vous tenterez de chasser cette image parce qu’elle est douloureuse et que l’instinct de survie la bannit.

Qu’est-ce qui fait d’un homme un assassin ?… Depuis le temps, je n’ai pas encore trouvé la réponse. Les gens, les psychologues, les psychiatres, les psychanalystes disent communément que les personnes qui ont subi des brimades les reproduiront à l’âge adulte, elles entrent dans un schéma, un cercle vicieux. Cependant, certains échappent à la logique de ces schémas à la fois rassurants et affolants ; rassurants car on se sent mieux quand on a la certitude que l’avenir est prévisible et que donc il est possible d’éviter le pire ; affolants car cette fatalité, ce déterminisme qui collent à la peau, qui broient l’individu sans lui laisser aucun espoir d’être différent, de passer outre cet ordre destructeur, sont terribles.

Il est vrai qu’il est plus facile d’avoir un père mort et honnête homme qu’un frère mort et assassin. La laideur de ses proches est déroutante car on attend d’eux qu’ils soient à la hauteur mais, quand ils le sont, on n’y prête pas attention car on considère que c’est naturel. Le reste ne l’est pas et marque profondément.

Les idéaux ne sont pas faits pour être réalisés en tant que tels, ils sont simplement une impulsion destinée à nous sortir de la passivité, une abstraction qui donne envie d'agir.


 

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