dimanche 28 mars 2021

[Dubois, Jean-Paul] La vie me fait peur

 


 


 

 

Coup de coeur 💓

 

Titre : La vie me fait peur

Auteur : Jean-Paul DUBOIS

Parution : 1994 (Seuil), 1996 (Points)

Pages : 240

 

  

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Trente-trois mille pieds, c’est l’altitude idéale pour réfléchir à sa vie. Dans l’avion qui l’emporte vers Miami, Paul Siegelman s’efforce de retrouver le fil conducteur et remet les chapitres dans l’ordre : la mort de sa mère, les acrobaties financières de son père, ses propres errances d’Ibiza à panama City, ses relations tumultueuses avec les femmes. «Je suis tout petit. Je peux vivre dans un verre à dents», dira-t-il un jour. Et si c’était vrai ?

Avec ce livre limpide et mystérieux, Jean-Paul Dubois explore nos angoisses les plus familières et fait l’inventaire de quelques passions simples, comme autant de consolations. Dans les parages de Philip Roth et de John Updike, il est l’un des romanciers français les plus singuliers d’aujourd’hui.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Jean-Paul Dubois est né en 1950 à Toulouse où il vit actuellement. Il a reçu le prix Femina pour Une vie française (2004) et le prix Goncourt pour Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon (2019). Journaliste, il est l’auteur de chroniques publiées en deux tomes : L'Amérique m'inquiète (1996) et Jusque-là tout allait bien en Amérique (2002). L’ensemble de son œuvre est disponible en Points.


 

Avis :

Paul Siegelman s’est toujours laissé porter par la vie, laissant les choses avancer d’elles-mêmes sans jamais réellement s’en mêler. Un événement imprévu vient pourtant soudain secouer sa quarantaine jusqu’ici sans histoire. Dans l’avion qui l’emmène à Miami où réside désormais son père, il entame une introspection qui pourrait bien déboucher sur un tournant majeur dans son existence…

Chaque livre de Jean-Paul Dubois n’est « ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre ». Les obsessions de l’auteur nous emmènent une fois de plus aux côtés d’un homme prénommé Paul, à la dérive d’une existence toute tracée qu’il suit passivement, comme réfugié dans une sorte d’absence, commode mais au final assez ennuyeuse. Seul un séisme personnel le forcera à sortir du cadre dans lequel il paresse distraitement, à enfin prendre des risques et des décisions, à vivre en définitive.

L’on retrouve avec amusement les ingrédients des autres romans, accommodés d’une manière chaque fois étonnamment renouvelée. L’élégance et l’humour de la plume opèrent avec le charme qu’on est toujours sûr de trouver dans les pages de cet écrivain, au point que chacun de ses ouvrages évoque aussitôt la promesse d’une vraie délectation, le plaisir de s’installer dans un bon vieux fauteuil familier et confortable, pour une soirée de connivence aussi légère que profonde, aussi drôle que mélancolique.

Par bonheur, la bibliographie de Jean-Paul Dubois me réserve encore de nombreuses découvertes, que j’ai bien l’intention de savourer une à une. Coup de coeur. (5/5)

 

Citations :

A quarante-quatre ans, lorsque je pense à ce que je suis devenu, lorsque j’envisage l’avenir, la vie me fait peur. Je n’incrimine nullement Vivien. Les sept années que j’ai passées avec elle ne furent pas pires que les autres. Je ne lui en veux même pas de m’avoir confirmé mon éviction par courrier recommandé. Il est dans sa nature de se conformer aux termes de la loi. Ma femme est ainsi faite. Je savais tout cela en l’épousant. Chez elle, le professionnel l’emporte toujours sur l’affectif. Ces derniers temps, avant d’être un amant assommant, j’étais surtout l’élément encombrant qui pénalisait son bilan.

Je ne suis pas un entrepreneur, ni un bâtisseur. Je ne me sens pas investi d’un rôle. Je ne fais pas partie de la famille des acteurs. Je ne me sens à l’aise que dans la salle, assis parmi la foule des autres spectateurs.

Vivien m’a toujours reproché de n’avoir aucune prise sur le monde. Vivien est née avec des grappins dans les mains. Pour elle, traiter avec l’avenir est aussi simple que de manier un agenda. Elle est persuadée qu’il suffit d’inscrire ses projets de manière lisible, pour qu’à la date choisie ils se réalisent. La maladie, la mort, la fatigue, les aléas sont des paramètres qu’elle refuse de prendre en compte. Elle se sent propriétaire de sa vie. Et moi, à peine locataire de la mienne. Un locataire qui voudrait croire aux vertus du bail emphytéotique, mais qui sait que tout peut arriver. Oui, au fond de moi, je voudrais croire. Mais, avec l’âge, le doute l’emporte sur l’espérance.

Avec Linda pour principale associée, Philip Schrader était à la tête d’un petit empire médical. Il dirigeait la Crandon Park Clinic, un établissement où l’on pratiquait uniquement des actes de chirurgie esthétique. A leur façon aussi, les Schrader étaient des magiciens, des fakirs. Tirant sur les peaux comme l’on retend les cordes d’une tente après la pluie, ils vendaient à des prix inabordables l’éphémère illusion de la jeunesse. A la fois maquilleurs et maquignons, ils s’efforçaient de donner au décrépit l’aspect de la patine.

L’ultimatum expira et plus jamais le téléphone ne sonna. Je savais que je laissais filer une chance de changer ma vie. Peut-être était-elle infime. Mais je reconnais avoir eu peur de la tenter. Parce que je ne crois pas plus en l’amour qu’aux prévisions météorologiques à dix jours. J’ai foi en un certain nombre de choses, comme la patience, le respect, le silence et même le mensonge. Mais je me défie de l’amour, ce sentiment hallucinogène éphémère qui paralyse l’esprit, et vous laisse ensuite pour mort, dans la posture de l’électrocuté. Un homme aimant vit toujours dans un verre à dents.

 

 

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