lundi 20 mai 2019

[Zamir, Ali] Dérangé que je suis






J'ai beaucoup aimé

Titre : Dérangé que je suis

Auteur : Ali ZAMIR

Année de parution : 2019

Editeur : Le Tripode

Pages : 192








 

Présentation de l'éditeur :   

Sur l’île d’Anjouan, Dérangé est un humble docker. Avec son chariot rafistolé et ses vêtements rapiécés, il essaie modestement chaque jour de trouver assez de travail pour se nourrir. Mais un matin, alors qu’il s’est mis à la recherche d’un nouveau client, Dérangé croise le chemin d’une femme si éblouissante qu’elle « ravage tout sur son passage ». Engagé par cette femme dans un défi insensé qui l’oppose au Pipipi (trio maléfique des trois dockers Pirate, Pistolet et Pitié), le pauvre homme va voir son existence totalement chamboulée.

Avec ce troisième roman, Ali Zamir confirme la place très originale qu’il occupe dans la littérature francophone, son don pour les récits incongrus et l’usage de mots rares. Dans Dérangé que je suis, la vitalité de sa langue se met au service de l’histoire tragi-comique d’un pauvre docker. Le mélange survitaminé des genres (on passe en un clin d’œil du drame à la farce) et la puissance ininterrompue des scènes font de ce roman-film virevoltant un bonheur de lecture. 

Dérangé que je suis, c’est tout à la fois la folie du Surmâle d’Alfred Jarry ou de Wacky Races, la tendresse du Voleur de Bicyclette et la conviction d’avoir trouvé un nouveau Pagnol sur une île de l’océan Indien.



Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Ali Zamir est né en 1987 aux Comores. Il vit actuellement à Montpellier. Il est l’auteur au Tripode de Anguille sous roche (2016 ; récompensé notamment de la mention spéciale  du prix Wepler et du prix Senghor) et de Mon Étincelle (2017). Dérangé que je suis est son troisième roman (prix Roman France Télévisions).



Avis :

Dérangé est un pauvre diable : il fait partie de la nuée de misérables dockers, qui, chaque jour, guettent l’arrivée des bateaux dans ce port des Comores, et se disputent les clients dont ils vont charroyer la marchandise ou les bagages en échange de quelque monnaie. Lorsque s’ouvre cette histoire, Dérangé gît dans un lieu obscur, où il est enfermé, ligoté et ensanglanté. Que lui est-il donc arrivé ?

D’emblée, le récit nous embarque dans une atmosphère remuante et colorée : en quelques mots, exactement comme en deux coups de crayon, se dessinent des personnages plus vrais que nature, saisis sur le vif avec un réalisme et une puissance d’évocation saisissants. Il n’est pas une ligne qui ne crée l’impression de voir et d’entendre, comme si on y était vraiment.

Pauvre Dérangé ! Alors qu’il nous relate ses aventures tragi-comiques dont on se demande jusqu’à la fin comment elles ont pu se refermer en un piège si cruel, nous sommes emportés par une verve pittoresque et chatoyante, où se déploie le plaisir des mots le plus pur. Car Ali Zamir use des mots rares comme il enfilerait des perles, ciselant un texte truculent et poétique, où chaque terme inattendu mais si bien choisi vous arrache un sourire.

Ce petit livre si bref est un condensé de plaisir qui change de tout ce que vous avez lu jusqu’ici : précipitez-vous sur cette histoire injuste et féroce mais si réjouissante, à l’atmosphère prenante et aux personnages criants de vérité, mais surtout, à la langue si magique. (4/5)




Citations :

Dans ma chienne de vie, j'ai toujours dérangé ceux que dérangent les vies rangées.

C’était des gens qui ne laissaient pas rouiller leurs dents. Ils ne trouvaient pas à manger tous les jours, mais quand ils en trouvaient, ils faisaient comme s’ils avaient à se venger.

Le meilleur des hommes, c'est celui qui cherche non seulement à étreindre un rayon de soleil, après avoir percé les voiles, mais surtout à le partager. Sans arrière-pensée. En inondant de lumière la nuit des autres. 


L’astre de la nuit brillait à ravir sur nos têtes illuminées et le ciel était majestueusement diamanté jusqu’aux entrailles. Cela donnait envie de partir, de partir loin de ce monde plein de fange où tout perd sa valeur et devient objet matériel, où l’objet matériel se fait idolâtrer beaucoup plus que l’être humain et où l’humanité au milieu du tout et du néant ne pèse point un grain.  



Le coin des curieux :

Si, au cours de votre lecture de Dérangé que je suis, vous vous inquiétez de l'épithète de "tardigrade" que se lancent les dockers, sachez que :


Les tardigrades, du latin tardus gradus (marcheur lent), aussi appelés oursons d’eau, sont de tout petits animaux invertébrés et translucides, mesurant d’un demi à un millimètre, comportant une carapace et huit pattes griffues.

Ils sont capables de survivre aux pires conditions : au vide spatial comme aux plus fortes pressions, aux radiations, à de nombreux produits toxiques, à de très fortes salinités, à la déshydratation, à des températures extrêmes et au manque d’oxygène. En environnement hostile, ils se replient en cryptobiose : ils stoppent quasiment tout processus métabolique, se mettant en état de mort clinique, jusqu’à ce que les conditions leur permettent de « ressusciter ».

On en trouve un peu partout sur la planète, sous tous les climats, à toutes les altitudes et même en eau profonde. Leurs habitats de prédilection sont les zones favorables au développement de la mousse et du lichen (forêts et toundras), dont ils se nourrissent. Ils vivent de 1 à 2,5 ans, sans compter les périodes de cryptobiose.

En 2016, des chercheurs japonais ont constaté la réanimation de tardigrades après plus de 30 ans de congélation. On a trouvé ces petites bêtes dans les profondeurs de la banquise du Groenland, dans de la glace datée de plus de 2000 ans : ils ont repris vie une fois la glace fondue. Peut-être sont-ils capables de résister bien plus longtemps encore : des scientifiques s’intéressent à leur ADN dans l’espoir de futures percées médicales.

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