dimanche 22 mai 2022

[Didierlaurent, Jean-Paul] Malamute

 



 

 

Coup de coeur 💓

 

Titre : Malamute

Auteur : Jean-Paul DIDIERLAURENT

Parution : 2021 (Au diable vauvert)

Pages : 368

 

  

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Le vieux Germain vit seul dans une ferme au coeur des Vosges. Sa fille lui impose de passer l’hiver avec Basile, lointain neveu qui vient faire sa saison de conducteur d’engin de damage dans la station voisine. Une jeune femme froide et distante qui conduit les engins des neiges mieux que tous ses collègues masculins, habite la ferme voisine, où ses parents élevaient une meute de chiens de traîneaux quarante ans auparavant. Mais bientôt, le village est isolé par une terrible tempête de neige qui, de jours en semaines puis en mois, semble ne pas vouloir s’achever. Alors l’ombre des Malamutes ressurgit dans la petite communauté coupée du monde...
JPDL revient avec un grand roman situé dans un village de montagne au coeur d’une forêt omniprésente qui réunit tous les éléments du succès du Liseur du 6h27 : tendresse et humour, réalisme magique et incroyable inventivité, personnages hauts en couleur et machines broyeuses, jeunesse et relations intergénérationnelles, noirceur et rédemption.... Dépeignant la nature et des gens d’aujourd’hui dans une maîtrise narrative impeccable, Malamute est un conte moderne plein de mystère et de poésie qui enchante au moins autant que le Liseur du 6h27.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Nouvelliste exceptionnel, Jean-Paul Didierlaurent a été lauréat de nombreux concours de nouvelles, dont le Prix Hemingway, qu’il a remporté deux fois à Nîmes en 2010 et 2012. À lui qui est salarié d’Orange, ce succès historique l'autorise à se consacrer à l’écriture de son premier roman dans la résidence des Avocats du Diable à Vauvert. Ce sera Le Liseur du 6h27, une déclaration d’amour éternelle à la littérature qui enchantera les lecteurs du monde entier, connaissant un succès immense à l’international d’abord, vendu dans 38 pays avant parution, puis au Diable vauvert et enfin chez Folio (360.000 ex vendus à ce jour en France), recevra les prix du Roman d’Entreprise et du Travail, Michel Tournier, du Festival du Premier Roman de Chambéry, du CEZAM Inter CE, du Livre Pourpre, Complètement livres, ainsi que de nombreux prix de lecteurs en médiathèques. Il est aujourd'hui en cours d’adaptation au cinéma. Il publie ensuite Macadam, un premier recueil de ses nouvelles, puis Le Reste de leur vie, La Fissure et enfin Malamute, son dernier roman, situé dans les Vosges qu’il aimait tant et lauréat du prix Erckmann-Chatrian en octobre 2021. Jean-Paul Didierlaurent est prématurément décédé le 5 décembre 2021, à 59 ans.


 

Avis :

Inquiète de le laisser passer l’hiver seul dans sa ferme des Vosges qu’il ne quitterait pour rien au monde, sa fille ne lui a pas laissé le choix : le vieux Germain va devoir supporter la compagnie d’un lointain neveu, Basile, trentenaire qui, chaque saison, vient s’employer comme conducteur d’engin de damage dans la station voisine. D’ailleurs, cette année, la ferme d’à-côté, à l’abandon depuis le départ d’un couple, qui, quarante ans plus tôt, avait tenté d’y élever des chiens de traîneaux, sera aussi habitée. Une jeune femme, également conductrice d’engins des neiges, s’y est installée. Mais voilà que la neige s’est mise à tomber, des mois entiers sans discontinuer. Dans le village bientôt totalement isolé, les conditions de vie deviennent de plus en plus compliquées, voire très préoccupantes. C’est alors que resurgissent les ombres du passé, en particulier celles des Malamutes, qui, il y a près d’un demi-siècle, n’avaient pas fait l’unanimité à La Voljoux…

L’on est immédiatement séduit par les personnages plus vrais que nature, tant l’auteur a réussi à les saisir dans une parfaite justesse de comportements et de reparties, souvent savoureuses. Tandis que se précise la silhouette bougonne et taiseuse d’un vieil homme alourdi par un mystérieux vécu ombré de remords et de culpabilité, l’on s’imprègne peu à peu du décor âpre et majestueux de ce coin de montagne ouaté d’épaisses forêts. D’abord riant lorsqu’il se soumet à la domestication des bûcherons et des dameurs de pistes de ski, cet environnement a pourtant tôt fait de devenir hostile et de nous rappeler notre vulnérabilité. En particulier lorsqu’il l’enferme dans l’implacable huis clos d’un déluge de neige, propre à réveiller, en même temps que ces peurs viscérales qui nous glacent l’échine à la seule évocation d’un long et lugubre hurlement de loup, ce qui ressemble bien à la crainte diffuse d’une sorte de châtiment divin.

Dès lors, tout semble ligué pour forcer Germain à enfin affronter sa mauvaise conscience et à apporter réparation dans un sacrifice qui n’est pas sans évoquer quelque rite païen censé calmer on ne sait plus quelle divinité ou esprit de la forêt. Ce qui, commencé dans la légèreté pleine d’humour d’un inoffensif enchaînement de circonstances, vire au cauchemar un rien fantastique, s’avère une impressionnante histoire de rédemption, aussi noire et réaliste que poétique et magique. Et comme la plume de l’auteur nous réserve quelques trouvailles de toute beauté, c’est avec délice que l’on se laisse emporter par tant de justesse et d’inventivité.

Ayant plusieurs fois pensé à Franck Bouysse au cours de cette lecture, je ne suis pas surprise de découvrir qu’il est l’auteur qui inspirait le plus particulièrement Jean-Paul Didierlaurent. Coup de coeur. (5/5)

 

Citations :

Clotilde aimait consigner les choses, des choses aussi insignifiantes que la chute des premiers flocons. De la même manière elle se plaisait à s’emprisonner l’existence dans un corset d’habitudes, le feuilleton télé du début d’après-midi, la séance de cinéma du lundi avec les amies, les cours de poterie du mardi soir, le marché du mercredi matin, la médiathèque le vendredi, la pâtisserie du dimanche, autant d’œillets où glisser le lacet pour bien enserrer les jours, et avancer d’un rendez-vous à un autre sans avoir à contempler l’abîme du temps qui passe. Sans parler de cette manie exaspérante de dresser la table du petit-déjeuner pour le lendemain avant l’heure du coucher, comme on dresse un pont entre deux rives.

Les sillons profonds qui barraient le front du vieux dessinaient une portée de musique sur la peau patinée par des années de vie au grand air. La bouteille paraissait minuscule entre les mains épaisses aux doigts noueux. Un arbre, songea Basile en contemplant le vieillard. Un de ces arbres d’altitude battus par les vents à longueur d’année, aux branches torturées, à l’écorce craquelée et au bois aussi dur que la pierre.

Un papier peint uni de couleur vert pâle habillait les murs. Posé sur l’édredon gigantesque qui ornait le lit, tel un pétale délicat sur la bedaine d’un pachyderme, l’attendait un mot manuscrit.

Posée sur le champ de neige, la bâtisse avait des allures de vieux rafiot, un rafiot prêt à sombrer dans l’immensité blanche avec pour seule trace de vie les volutes de fumée s’échappant de sa cheminée.

 Vous savez comment sont les rumeurs, des trains sans conducteur impossibles à arrêter une fois lancés sur les rails.


 

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