lundi 14 juin 2021

[Lahiri, Jhumpa] Où je suis

 


 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Où je suis
            (Dove mi trovo)

Auteur : Jhumpa LAHIRI

Traductrice : Hélène FRAPPAT

Parution : en italie en 2018,
                   en français en 2021

Editeur : Actes Sud

Pages : 160

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Effarement et exubérance, enracinement et étrangeté : dans ce nouveau roman, Jhumpa Lahiri pousse l’exploration des thèmes qui sont les siens à leur limite. La femme qui se tient au centre de l’histoire est professeur, elle a quarante ans et pas d’enfants. Elle oscille entre immobilité et mouvement, entre besoin d’appartenance et refus de nouer des liens. La ville italienne qu’elle habite, et qui l’enchante, est sa confidente : les trottoirs autour de chez elle, les parcs, les ponts, les piazzas, les rues, les boutiques, les cafés, la piscine dans laquelle elle se fond, la station de métro qui l’emmène toujours plus loin, et quelquefois chez sa mère, murée dans une solitude sans remède depuis la mort de son mari. Elle a des amies femmes, des amis hommes, et puis il y a « lui », une ombre qui la réconforte et la trouble tout à la fois. Mais en l’espace d’une année, au fil des saisons, une transformation se produit. Et un jour, à la plage, submergée et comblée par la chaleur vitale du soleil, la femme s’éveille et renaît.

Roman spectral et délicat, le premier de son auteur à avoir été écrit en italien, Où je suis brûle du désir de passer les frontières et de forger une nouvelle langue littéraire.

  

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Romancière américaine originaire du Bengale et née à Londres, Jhumpa Lahiri est l’auteur à succès de L’Interprète des maladies (prix Pulitzer 2000, Mercure de France) et, plus récemment, chez Robert Laffont de Un nom pour un autre (2006), Sur une terre étrangère (2010) et Longues distances  (2015). Chez Actes Sud : En d'autres mots (novembre 2015).

 

 

Avis :

La narratrice, professeur de lettres de quarante-cinq ans, vit seule dans son petit appartement plein de livres, quelque part en Italie. Elle y mène une vie tranquille, sans grande aspérité, uniquement occupée des petites choses du quotidien qu’elle observe avec finesse, emplissant de jolis carnets que personne ne lira jamais. Personne, sauf les lecteurs de ce petit livre...

Les notes et les observations quotidiennes que la narratrice accumule comme pour exorciser le vide et la solitude, voire même pour exister, sont autant de délicats instantanés d’une vie si plate que le moindre détail en acquiert un singulier relief. Tous ces petits riens auxquels viennent s’accrocher l’âme et la sensibilité de cette femme finissent par dessiner en creux un portrait frémissant d’humanité, dont les ombres, bien mieux que des mots, laissent deviner sa personnalité et ses émotions profondes.

Elle-même, étrangère à toute introspection, ne se livre guère. Heureuse de ses choix de vie quand elle s’agace du besoin de sa mère de se sentir perpétuellement entourée, en même temps étonnée de voir son amie lui envier le calme de son existence, elle semble osciller, sans en avoir vraiment conscience, entre le rassurant et confortable attachement à son chez elle, à sa ville et à sa routine, et la vague intuition de passer à côté de quelque chose. En particulier lorsque sa complicité avec l’un de ses amis mariés éveille chez elle un discret trouble… Longtemps prisonnière de ses hésitations, elle finira par opter pour le changement, en partant pour une année d’études dans une autre ville. Mais, sans remise en cause, trouvera-t-elle l’herbe plus verte ailleurs ?

L’on referme ce livre impressionné par la maîtrise et la subtilité de sa construction, qui, touche après touche, révèle un motif d’ensemble confondant de profondeur, de justesse et de délicatesse. Que de charme et d‘élégance dans ce roman hors du commun ! (4/5)


Citations :  

Faire la solitaire est devenu mon métier. Il s’agit d’une discipline, je m’efforce de la perfectionner mais pourtant j’en souffre, la solitude a beau être une habitude elle me désespère, sans doute à cause de l’influence de ma mère. Ma mère a toujours eu peur de la solitude et désormais sa vie de vieille l’accable, au point que quand je l’appelle pour avoir de ses nouvelles, elle se contente de répondre : Plutôt seule. Elle manque d’occasions amusantes et surprenantes, bien qu’en réalité elle ait de nombreux amis qui l’aiment, une vie sociale plus complexe et mouvementée que la mienne. La dernière fois que je lui ai rendu visite, par exemple, le téléphone n’a pas arrêté de sonner. Il n’empêche qu’elle me paraît toujours en attente, de quoi, je l’ignore, le passage du temps est devenu son fardeau.

La solitude exige une évaluation précise du temps, j’en ai conscience depuis toujours, comme de l’argent dans le porte-monnaie : la quantité qu’il faut tuer, la quantité qu’il reste avant le dîner, avant d’aller au lit.

Mes étudiants ne savent quasiment pas écrire à la main, il suffit d’appuyer sur des touches pour s’informer, pour s’aventurer dans le monde. Leurs pensées surgissent sur l’écran, elles habitent dans un nuage dépourvu d’existence, disponible à tout le monde.

Désormais ma mère est attachée à la vie comme un morceau de scotch jauni, dans un album de photos, qui peut lâcher à tout instant en accomplissant sa tâche. Il suffit de tourner la page pour qu’il se détache en laissant derrière lui, sur le papier, une tache claire, carrée.


 

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