J'ai beaucoup aimé
Titre : Un bon musulman
(The Good Muslim)
Auteur : Tahmima ANAM
Traductrice : Sophie BASTIDE-FOLTZ
Parution : en anglais (Bangladesh) en 2011
et en français en 2012
Editeur : Actes Sud
Pages : 288
Présentation de l'éditeur :
Très perturbée par la métamorphose de son frère, auquel elle est profondément attachée, Maya quitte la maison de son enfance. A son retour, dix ans plus tard, le fossé s’est encore creusé. Lorsque Sohail décide d’envoyer son fils dans une madrasa, Maya se sent contrainte d’agir, quitte à provoquer le déclenchement, longtemps retardé, d’une inéluctable tragédie.
Histoire d’une famille et d’un pays guetté par le fondamentalisme à
l’ombre persistante d’une guerre dont les blessures peinent à se
refermer, Un bon musulman est une plongée aussi inédite que
bouleversante au coeur même de l’intégrisme tel qu’il se vit, s’exprime
ou se combat au quotidien, chez des hommes et des femmes de chair et de
sang dont il confisque douloureusement le destin.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Avis :
Dans cet après-guerre aux décombres encore fumants, où chacun compte ses morts et mesure le poids de ses traumatismes - en particulier toutes ces femmes violées, et désormais ostracisées, dont personne ne veut les bébés de la honte –, la population hagarde voit, avec une déception amère, se mettre en place un régime dictatorial prêt à pactiser avec les collaborateurs et les criminels de guerre. Si Maya poursuit le combat à sa manière, luttant pour les droits et la liberté des femmes, militant ardemment pour la justice et la sauvegarde de ses idéaux, Sohail se retire peu à peu du monde réel. De plus en plus barricadé dans un refuge de principes rigides et mortifères qui finissent par l’exonérer de tout sentiment et le dépouiller de la moindre parcelle d’humanité, il se métamorphose bientôt en fondamentaliste intolérant, prêt à tout sacrifier à sa doctrine, y compris sa famille.
A travers Sohail et Maya se dessinent tous les possibles de ce nouveau pays tiraillé entre avenir et tradition, à une période charnière et fragile où tout peut basculer au gré d’un coup d’état et de la prise de pouvoir d’un nouveau dirigeant. Dans les campagnes en particulier, l’ignorance et la superstition y conduisent à des situations dramatiques et choquantes, où toujours les femmes se retrouvent en droite ligne d’une vindicte violente et meurtrière, tant elles demeurent le réceptacle de toutes les craintes et de toutes les hontes. Si Maya représente l’espoir et le progrès, Sohail rappelle la menace, ô combien d’actualité, de l’obscurantisme et de l’intégrisme religieux qui, dans un insidieux mais imparable processus, peuvent s’emparer d’une société meurtrie, en perte de repères.
Combat entre ombre et lumière, entre progrès et obscurantisme, ce récit foisonnant et traversé d’un puissant souffle romanesque est aussi une plongée dépaysante et passionnante dans un pan de l’histoire bangladaise, peu explorée en littérature. (4/5)
Citations :
— Quoi ?
— Boire de l’eau.
— Pourquoi, parce que l’eau est sale ?
— Ça aussi, mais pas seulement. Tu vois, si tu es une femme et que tu vis dans ce taudis, tu te réveilles au milieu de la nuit et, à la faveur de l’obscurité, tu vas à la lisière du bidonville, tu relèves ton sari et tu t’accroupis au-dessus de l’égout à ciel ouvert. Puis tu reviens sur la pointe des pieds te recoucher avec ton mari et, le reste de la journée, tu attends, tu attends, jusqu’à ce qu’il fasse nuit à nouveau, tu as l’impression d’avoir des aiguilles plein le ventre, ça te brûle à l’intérieur, mais tu ne peux rien faire, non rien, tu dois attendre la nuit que tout le monde soit couché pour pouvoir aller pisser tranquille, pour la seule et unique fois de la journée.”
Et là, soudain, avec ces boulettes, le sucre qui fondait dans la bouche et les rayons du soleil rose orangé sur la joue de sa mère, tous les moments où elle avait été aimée lui revinrent en mémoire. C’était comme ça, avec sa mère – elle s’autorisa à se les rappeler maintenant –, une superposition de souvenirs, comme les plumes d’un oiseau sauvage, qui sont là pour lui tenir chaud ou pour voler si besoin est. Sa mère, c’étaient ses ailes, ses propres ailes.
Treize. Ce bréchet brisé qu’était son pays avait treize ans. Pas très vieux, à première vue, mais au cours de cette période, on avait vu et revu les blindés défiler. On avait élu et nommé des dirigeants. Assassiné deux présidents. A ses débuts, le pays avait commencé à se cannibaliser lui-même, tuant les paysans du Sud, noyant des villages pour installer des barrages, rasant les vieux arbres de la forêt de Modhupur. Un pays en action : prompt à se mettre en colère, prompt à s’autodétruire.
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