mercredi 2 juin 2021

[Delacomptée, Jean-Michel] Cabale à la cour

 


 



J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Cabale à la cour

Auteur : Jean-Michel DELACOMPTEE

Parution : 2021 (Robert Laffont)

Pages : 156

 

  

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Versailles, mercredi 1er janvier 1710, tôt le matin.
Philippe d’Orléans, le neveu de Louis XIV, attend la visite de son ami Saint-Simon.
Connu pour ses mœurs débauchées, le duc d’Orléans vit depuis dix ans un amour passionné avec sa maîtresse Mme d'Argenton, la seule femme qu’il ait jamais aimée. Il ignore qu’une terrible menace, qui pourrait lui valoir un exil immédiat, enfle dans son dos. Mme de Maintenon, en particulier, le hait pour une plaisanterie de mauvais goût qu’il a proférée à son encontre. Saint-Simon se doit de l’avertir. Plus encore, de lui éviter le châtiment qui le guette. À ses yeux, une seule chose peut sauver son ami : quitter Mme d'Argenton pour retrouver les bonnes grâces du roi. Mais Philippe d’Orléans concèdera-t-il un sacrifice si déchirant ?

Inspiré des Mémoires de Saint-Simon, un tête-à-tête tendu et palpitant qui nous introduit dans les arcanes de la cour du Roi-Soleil où prospéraient rumeurs et calomnies... Phénomène qui résonne de nos jours avec une force saisissante.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Romancier et essayiste, Jean-Michel Delacomptée a publié de nombreux portraits de personnages historiques et de gens de lettres comme La Boétie, Racine, François II, Ambroise Paré, Bossuet, Saint-Simon, des romans comme Le Sacrifice des dames, des essais comme Petit éloge des amoureux du silence, Adieu Montaigne ou Notre langue française, Grand Prix Hervé Deluen de l’Académie française, et récemment La Bruyère, portrait de nous-mêmes.

 

 

Avis :

Non content, depuis maintenant dix ans, de bafouer ouvertement son épouse, propre fille du roi, avec sa maîtresse Mme d’Argenton, Philippe d’Orléans, neveu de Louis XIV, s’est fait une ennemie mortelle de Mme de Maintenon au travers d’une mauvaise plaisanterie. Inconscient de la disgrâce et de l’exil qui le guettent, il reçoit la visite de son ami Saint-Simon, venu le mettre en garde. Acceptera-t-il de quitter sa maîtresse pour regagner les faveurs royales et conserver sa place à la Cour ?

Mi-roman historique, mi-pièce de théâtre, ce bref récit s’inspire des Mémoires de Saint-Simon, pour imaginer une conversation entre deux éminents personnages de la cour de Louis XIV. L’un est prince, l’autre duc et pair de France, mais tous deux se retrouvent écartés du pouvoir par un monarque qui préfère cantonner les grands du royaume au rôle de courtisans et gouverner avec des secrétaires d’État roturiers. Une grande amitié lie les deux hommes que pourtant tout oppose : autant Philippe d’Orléans ne pense qu’à ses plaisirs au point d’y avoir gagné une réputation de débauché, autant le vertueux Saint-Simon est ambitieux et se fait un observateur attentif de la vie et de la société de Cour. Leur dialogue tourne ici à l’exercice de rhétorique, tandis que Saint-Simon s’évertue à protéger son ami de ses faux pas de préséance.

En nous exposant la cabale prête à se déchaîner pour un mot de travers, ce conciliabule entre Saint-Simon et Philippe d’Orléans nous révèle toute la sauvagerie du microcosme de la Cour versaillaise, que Louis XIV tient dans sa main en jouant des rivalités et des conflits d’intérêts. Dans ce Versailles, aucune position n’est acquise, seule la faveur royale fait et défait les existences entre les feux de la Cour et l’obscurité de l’exil, et les complots se multiplient sur la seule base de la rumeur et de la calomnie. L’arme la plus commune est la manipulation, dont cette histoire est un morceau de choix : d’une parole malheureuse au sacrifice d’une femme aimée, il aura suffi de quelques mots glissés dans une ou deux oreilles opportunes pour que la crainte amène le contrevenant à se châtier de lui-même.

Réussissant le tour de force de nous faire appréhender en quelque cent cinquante pages le nid de vipères que Louis XIV avait fait de la Cour de Versailles pour la tenir à sa main, ce huis clos imaginé avec une grande exactitude historique prend une singulière acuité lorsque l’on pense aujourd’hui à l’explosion de la désinformation, du complotisme et des lynchages médiatiques grâce à internet et aux réseaux sociaux. (4/5)

 

Citations : 

Personne ne peut se disculper de fautes qu’il n’a pas commises. Rien n’est plus difficile à prouver que l’innocence.

La malveillance dont se nourrissent les rumeurs jouit d’inventer des monstres. Elle s’excite à peindre sous les couleurs les plus noires des gens que la foule déteste pour une raison ou une autre, sans se soucier des réputations ruinées ni des vies détruites. Ce sale esprit vomit ses venins comme un ivrogne son tord-boyaux.

DUC D’ORLÉANS — Vous avez tort, il est équitable. Je saurai lui parler. Face à la vérité, les calomnies s’effondrent.                     
SAINT-SIMON — Contre les calomnies, la vérité ne vaut rien.                     
LE DUC D’ORLÉANS — Ma sincérité la rendra évidente.                     
SAINT-SIMON — Vous vous leurrez, Monsieur. Le ressort est bandé, prêt à se détendre. Votre oncle est outré de colère contre vous. Aucune sincérité ne le fera fléchir.             
LE DUC D’ORLÉANS — On ne peut pas me détruire sur de simples soupçons.               

SAINT-SIMON — Sous un gouvernement despotique, les soupçons sont des preuves.                     

LE DUC D’ORLÉANS — Ma bonne foi s’imposera.                     
SAINT-SIMON — Non, vous avez trop d’ennemis, et des ennemis trop puissants. Tel est l’effrayant pouvoir de la calomnie. L’acide de la rumeur, des clans qui intriguent dans l’ombre. Les attaques anonymes, la haine qui se répand sans limites ni contrôle.

Sa mère, la princesse Palatine, bien qu’elle l’aime profondément, admirative de ses capacités, ne se méprend pas sur ses failles. Elle le définit joliment par un conte  : toutes les fées ayant été conviées à se pencher sur son berceau, elles l’ont doté de mille talents. Mais on a malheureusement oublié d’inviter une vieille fée qu’on ne voyait plus depuis longtemps. Vexée, la vieille fée s’est vengée  : elle l’a doté du talent de rendre inutiles tous ceux qu’il a reçus.

La première qualité du courtisan accompli est de savoir masquer ses jugements. Se confier présente toujours un risque. Émotions, sentiments doivent rester tapis au fond de soi. Le bon courtisan est un être double, triple, une enveloppe à ne jamais décacheter. Ses paroles, son visage couvrent la vérité d’un voile qu’il craint d’ôter même dans l’intimité. Il n’a nulle part où se découvrir sans danger. Le théâtre de la cour ne baisse jamais le rideau.

 

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