mardi 10 janvier 2023

[Niel, Colin] Darwyne

 




 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Darwyne

Auteur : Colin NIEL

Parution : 2022 (Rouergue)

Pages : 288

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Darwyne Massily, un garçon de dix ans, légèrement handicapé, vit à Bois Sec, un bidonville gagné sur la jungle infinie. Et le centre de sa vie, c’est sa mère Yolanda, une femme qui ne ressemble à nulle autre, bien plus belle, bien plus forte, bien plus courageuse. Mais c’est compter sans les beaux-pères qui viennent régulièrement s’installer dans le petit carbet en lisière de forêt. Justement un nouvel homme entre dans la vie de sa mère : Jhonson, un vrai géant celui-là. Et au même moment surgit Mathurine, une employée de la protection de l’enfance. On lui a confié un signalement concernant le garçon. Une première évaluation sociale a été conduite quelques mois auparavant par une collègue qui a alors quitté précipitamment la région.
Dans ce roman où se déploie magistralement sa plume expressive, Colin Niel nous emporte vers l’Amazonie, territoire d’une puissance fantasmagorique qui n’a livré qu’une part infime de ses mystères. Darwyne, l’enfant contrefait prêt à tout pour que sa mère l’aime, s’y est trouvé un refuge contre le peuple des hommes. Ceux qui le voudraient à leur image.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Colin Niel est l’une des grandes voix de la littérature d’aujourd’hui. Il a reçu de très nombreux prix littéraires et toute son œuvre est publiée aux Éditions du Rouergue. Sa série guyanaise multiprimée : Les Hamacs de carton (2012, prix Ancres noires 2014), Ce qui reste en forêt (2013, prix des lecteurs de l’Armitière 2014, prix Sang pour Sang Polar 2014), Obia (2015, prix des lecteurs Quais du polar/20 Minutes 2016, prix Polar Michel Lebrun 2016) et Sur le ciel effondré (2018) met en scène le personnage d’André Anato, un gendarme noir-marron à la recherche de ses origines. En 2017 il publie Seules les bêtes, pour lequel il reçoit notamment le prix Landerneau Polar ainsi que le prix Polar en Séries. Ce roman est adapté au cinéma par Dominik Moll. En 2019, en collaboration avec le photographe Karl Joseph, paraît un album : La Guyane du capitaine Anato. En 2020 paraît Entre fauves, lauréat du prix Libraires en Seine 2021, du prix Libr'à nous 2021, du prix du Livre pyrénéen 2021 et du prix Livres à vous 2021. En 2022 paraît son nouveau roman, Darwyne.

 

Avis :

Darwyne Massily, dix ans, est né avec une malformation des pieds. Il vit avec sa mère Yolanda dans un bidonville relégué entre deux mondes, d’un côté la ville qui le repousse sur ses hauteurs, de l’autre, la forêt amazonienne de Guyane dont il faut sans cesse refouler la pression expansionniste. Yolanda semble une mère exemplaire, digne et courageuse, et l’enfant lui voue une véritable adoration, troublée de loin en loin par une succession de beaux-pères qui ne s’éternisent jamais longtemps avant de disparaître sans préavis. Un jour, l’aide sociale à l’enfance est alertée anonymement sur la situation de Darwyne...

Frêle silhouette contrefaite et boitillante se tenant toujours à l’écart, le taciturne et sauvage Darwyne ne présente aucun signe visible de maltraitance, et, même si sa mère en parle étrangement « comme [d’]un animal » à « redresser », Mathurine, l’éducatrice des services de protection de l’enfance, devrait en toute raison classer sans suite son dossier. Elle ne peut cependant s’y résoudre et, décidant d’apprivoiser l’enfant, elle entreprend de l’approcher au travers de leur passion commune : cette jungle amazonienne que leurs semblables combattent comme un ennemi monstrueux, menaçant et grouillant, toujours prêt à reprendre ses droits, mais que tous deux aiment explorer, fascinés par ce monde vivant d’une richesse infinie.

Peu à peu, au contact de cette forêt bruissante et enveloppante, qui, tel un organisme vivant, vibre et respire, s’incruste dans le moindre interstice pour mieux repousser à peine défrichée, et, selon le regard, se pare d’une merveilleuse fantasmagorie ou prend les allures d’une hydre dévoreuse, se précise, en même temps que se craquellent les masques des personnages et que se révèle leur vraie nature, un antagonisme fondamental, socle du roman. Tandis que l’on découvre la cruauté cachée sous les dehors bien lisses de la mère et que Darwyne apparaît transfiguré, épanoui et à son aise dans une jungle-refuge où, loin du mépris normatif des hommes, il a su développer d’incomparables talents, le combat entre les misérables habitants du bidonville et la luxuriante forêt appuyée par les éléments déchaînés se fait le symbole de l’opposition entre civilisation et sauvagerie, hommes et nature, la barbarie n’étant pas forcément là où l’on l’attendait le plus.

Habité par cette forêt amazonienne quasiment élevé au rang de personnage fantastique, Darwyne est un roman déconcertant et fascinant, et surtout, un magnifique appel à la réconciliation de l’homme avec son environnement. A tenter avec autant de présomptueuse inconséquence de domestiquer la planète, l’on en oublie la miraculeuse beauté de ses mystères et le bonheur de vivre en harmonie avec le monde. (4/5)

 

 

Citations : 

À son avis, les beaux-pères, ce sont toujours de mauvaises personnes : il y en a des plus grands que d’autres, des plus forts, des plus calmes, des qui rigolent, des qui crient, des qui jouent les gentils pour l’amadouer ou se faire mousser devant la mère, mais au fond ils sont tous pareils. Avec le temps et les souvenirs qui s’accumulent, Darwyne a appris à ne plus se faire d’illusion à ce sujet : il sait comment les choses commencent, et comment elles finissent. Toujours de la même manière, et plutôt mal, il lui semble. C’est un cycle qui se répète, en fait, il n’y a que le numéro qui change.
Alors avec le nouveau, le numéro huit, ce sera la même chose.             
Darwyne en est certain.


Quand la paroisse se répand devant la façade blanche, que s’engagent les palabres sur le bitume défoncé, rumeurs d’expulsions prochaines par les forces de l’ordre, tenues de consultations médicales gratuites par une association, Darwyne et sa mère ne s’attardent jamais. Elle n’aime pas les cancans, c’est ça l’explication. Mais Darwyne, il croit que ça a un peu à voir avec lui, avec l’allure qu’il a dans sa tenue trempée de sueur, le genre de tenue qui va très bien aux autres enfants mais à lui beaucoup moins.

 

Du même auteur sur ce blog :

 
 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire