J'ai beaucoup aimé
Titre : Seules les bêtes
Auteur : Colin NIEL
Parution : 2017 (Rouergue)
Pages : 224
Présentation de l'éditeur :
Une femme a disparu. Sa voiture est retrouvée au départ d’un sentier de
randonnée qui fait l’ascension vers le plateau où survivent quelques
fermes habitées par des hommes seuls. Alors que les gendarmes n’ont
aucune piste et que l’hiver impose sa loi, plusieurs personnes se savent
pourtant liées à cette disparition. Tour à tour, elles prennent la
parole et chacune a son secret, presque aussi précieux que sa propre
vie. Et si le chemin qui mène à la vérité manque autant d’oxygène que
les hauteurs du ciel qui ici écrase les vivants, c’est que cette
histoire a commencé loin, bien loin de cette montagne sauvage où l’on
est séparé de tout, sur un autre continent où les désirs d’ici battent
la chamade.
Avec ce roman choral, Colin Niel orchestre un récit saisissant dans une campagne où le monde n’arrive que par rêves interposés. Sur le causse, cette immense île plate où tiennent quelques naufragés, il y a bien des endroits où dissimuler une femme, vivante ou morte, et plus d’une misère dans le cœur des hommes.
Avec ce roman choral, Colin Niel orchestre un récit saisissant dans une campagne où le monde n’arrive que par rêves interposés. Sur le causse, cette immense île plate où tiennent quelques naufragés, il y a bien des endroits où dissimuler une femme, vivante ou morte, et plus d’une misère dans le cœur des hommes.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Colin Niel est l’une des grandes voix de la littérature d’aujourd’hui. Il a reçu de très nombreux prix littéraires et toute son œuvre est publiée aux Éditions du Rouergue. Sa série guyanaise multiprimée : Les Hamacs de carton (2012, prix Ancres noires 2014), Ce qui reste en forêt (2013, prix des lecteurs de l’Armitière 2014, prix Sang pour Sang Polar 2014), Obia (2015, prix des lecteurs Quais du polar/20 Minutes 2016, prix Polar Michel Lebrun 2016) et Sur le ciel effondré (2018) met en scène le personnage d’André Anato, un gendarme noir-marron à la recherche de ses origines. En 2017 il publie Seules les bêtes, pour lequel il reçoit notamment le prix Landerneau Polar ainsi que le prix Polar en Séries. Ce roman est adapté au cinéma par Dominik Moll. En 2019, en collaboration avec le photographe Karl Joseph, paraît un album : La Guyane du capitaine Anato. En 2020 paraît Entre fauves, lauréat du prix Libraires en Seine 2021, du prix Libr'à nous 2021, du prix du Livre pyrénéen 2021 et du prix Livres à vous 2021. En 2022 paraît son nouveau roman, Darwyne.
Avis :
Au village, où superstitions et vieilles histoires ne demandent qu’à revivre, les langues vont bon train, mais ceux qui savent, ou croient savoir, se taisent. Ils sont cinq, suffisamment embarrassés pour n’avoir aucune envie de s’épancher auprès des gendarmes, à connaître chacun un aspect de la tragédie sans pouvoir tout s’expliquer. A travers leurs récits, qui, un à un, nous font pénétrer au coeur de leurs propres drames à défaut d’élucider tout de suite celui de la disparition, revient, en lancinant leitmotiv, une effroyable solitude, vécue au sein de couples bancals, ou, le plus souvent, au seul contact de leurs bêtes par ces fermiers veufs ou restés célibataires, accrochés comme les derniers des Mohicans à une terre désormais si peu nourricière qu’elles les usent jusqu’à la corde de la pendaison, s’ils ne finissent pas un jour par partir à leur tour. Alors, avant que cet isolement ne les terrasse tout à fait de désespoir et de folie, tous tentent de faire face à leur façon, cherchant l’amour et l’affection là où ils le peuvent, ou bien là où certains les emmènent…
Habilement construit autour de personnages campés en profondeur, le récit fait aisément oublier une ou deux improbabilités pour nous emporter au bout de la curiosité, vers un dénouement plein de surprises et non dénué d’humour. Si la tension ne faiblit jamais, rendant le texte addictif de bout en bout, ce sont la qualité des portraits et la restitution du désespoir de ces petits agriculteurs, écrasés de travail et de solitude pour survivre à peine, avant la très ironique description de l’exploitation de cette détresse par d’autres plus misérables encore, profitant autant qu’ils peuvent de leur emprise jetée par-dessus les continents, qui sortent définitivement du lot ce roman choral noir, quasi sociologique.
Une histoire que n’aurait sans doute pas reniée Franck Bouysse, ce qui, du coup, m’a volé mon coup de coeur, tant je m’y suis prise de nostalgie pour la plume de cet autre auteur. Pourtant, dans un style très différent, celle de Colin Niel brille agréablement de justesse et de malice. (4/5)
Citations :
Joseph, ç’aurait pu être un adhérent comme un autre de la mutualité agricole, un de ceux que je visite chaque jour dans le secteur dont je suis responsable. C’est ça notre boulot, à moi, à Éliane, aux trois autres. Cinq assistantes sociales pour quatre mille paysans, sillonnant les fermes du territoire pour rencontrer ceux que plus grand monde ne va voir, pour leur expliquer que Non, ils ne sont pas tout seuls, qu’ils ont des droits, qu’il existe des aides pour embaucher une femme de ménage ou laisser son troupeau à quelqu’un au moins une semaine en août. Personne n’imagine ce qui se passe à l’intérieur de ces exploitations où seuls rentrent encore quelques professionnels. Nous, on est dedans jusqu’au cou. Les réussites agricoles, les jeunes qui s’installent, qui innovent, qui créent de l’emploi et se développent sur Internet, ceux qui font honneur à la profession, on sait qu’ils existent, on y pense parfois pour se donner du courage. Mais on ne les voit pas.
Ce qu’on voit, nous, c’est des familles en vrac, des couples qui explosent parce que madame veut un enfant quand monsieur veut une nouvelle étable, des hommes qui sombrent dans la dépression sous le poids du travail, des retraités qui se laissent dépérir lorsque part leur moitié et que les fils ont fui la campagne.
Ce qu’on voit, nous, c’est des familles en vrac, des couples qui explosent parce que madame veut un enfant quand monsieur veut une nouvelle étable, des hommes qui sombrent dans la dépression sous le poids du travail, des retraités qui se laissent dépérir lorsque part leur moitié et que les fils ont fui la campagne.
Moi, ces jours-là, c’est pas rare que je baisse les yeux et que je regarde mon ombre qui devient plus petite avec les heures. Je suis son mouvement sur les herbes sèches et sur les pierres grises. Je me dis que cette ombre au moins, elle sera toujours là. Que j’ai pas besoin de lui causer ou de faire je sais pas quoi pour qu’elle reste.
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