mardi 5 novembre 2024

[Bordes, Gilbert] La Malbête

 



 

J'ai aimé

 

Titre : La Malbête

Auteur : Gilbert BORDES

Parution : 2024 (XO)

Pages : 352

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Fort d’un minutieux travail d’enquête, Gilbert Bordes, lui, nous livre sa vérité dans ce roman fascinant.

Tapie dans l’ombre, elle rôde, rugit, menace. En cet été 1764, la rumeur se répand aussi vite que les cadavres de bergères et de jeunes enfants. Dans cette rude région isolée du Gévaudan, les habitants sont démunis devant cette bête qui ne ressemble en rien à un loup ordinaire.
Est-ce un animal échappé de l’enfer, comme le prêchent les curés, venu punir la population terrifiée pour ses maigres péchés ? une bête dressée par un criminel ? La question obsède Roger Desqeyroux, malicieux colporteur qui arpente le Gévaudan avec son âne et sa carriole.
Avec son apprenti, le jeune Mathieu, à qui il apprend à lire et à écrire, ils traquent la Malbête. Mais le mystère s’épaissit quand le colporteur constate que la bête du Gévaudan épargne Mathieu à chacune de leurs rencontres…

Des chemins arides du massif central à la cour de Louis XV, Gilbert Bordes nous plonge dans l’incroyable histoire de la Malbête. En cette période prérévolutionnaire, où les idées des philosophes cheminent jusque chez les paysans écrasés d’impôts, le pouvoir doit réagir devant cette menace qui a fait plus d’une centaine de victimes et déchaîne les superstitions.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :   

Gilbert Bordes a d’abord été instituteur puis journaliste avant de se consacrer à l’écriture. Romancier des situations contemporaines, avec notamment la Nuit des Hulottes (Prix RTL grand public 1991), il s’est aussi révélé un grand romancier de l’Histoire avec le Porteur de Destins (Prix des Maisons de la Presse 1992), les Frères du Diable et Lydia de Malemort. La Peste noire est son premier roman publié chez XO.

 

 

Avis :   

De 1764 à 1767 dans la province du Gévaudan – grosso modo la Lozère, une région alors particulièrement pauvre et enclavée en raison de son territoire accidenté et de ses rudes hivers –, une bête à l’agressivité singulière sème la terreur en attaquant et dévorant plus d’une centaine de personnes, principalement des enfants et des femmes chargés de garder les troupeaux. Son signalement n’évoque pas exactement un gros loup, ni même un chien-loup. Et comme, pourchassée, y compris par d’importantes forces militaires, elle déjoue tous les pièges, semble insensible aux balles et accompagne parfois ses méfaits d’étranges blessures difficilement imputables à un animal, les esprits encore plus épouvantés par le châtiment divin proclamé par l’Église ont tôt fait d’en faire l’objet de tous les fantasmes, créature du diable, loup-garou, ou bête sauvagement dressée et menée par l’intelligence meurtrière d’un homme. Toujours est-il qu’en Gévaudan, l’on ne vit plus, la disette qui plus est aggravée parce que l’on n’ose plus vaquer normalement aux tâches paysannes, tandis qu’à Versailles l’on s’alarme : il ne manquerait plus en ces temps déjà agités par l’esprit des Lumières qu’une nouvelle jacquerie éclate.

Suivant minutieusement le fil des événements dans une reconstitution historique fidèle et documentée qui donne un sérieux et passionnant aperçu de l’affaire, de son développement et de son retentissement, Gilbert Bordes mêle aux nombreuses figures réelles une poignée de personnages fictifs, prétexte à une seconde intrigue, beaucoup plus imaginative celle-là, qui a le mérite de nous attacher à deux observateurs privilégiés : le colporteur Desqeyroux et son aide le jeune Mathieu. L’on suit donc leur propre histoire d’un œil, avec l’idée qu’elle sert en réalité de fil rouge dans la découverte de ce qui fait le véritable intérêt du roman : la restitution des faits historiques, il faut le dire impressionnants dans leur vérité nue, et la compréhension du contexte qui a transformé un fait divers en affaire d’État, avant de nous le léguer sous forme de mythe et d’éternel mystère.

Et l’entreprise est réussie, qui passionne le lecteur au long de l’incroyable feuilleton de ces trois années sanglantes, reprenant une à une, en une liste accablante tant elle paraît ne jamais devoir prendre fin, les audacieuses attaques qui en viennent à compromettre les activités agricoles et à faire gronder les ventres vides. De toutes les hypothèses explicatives, l’auteur en choisit une qui en vaut sans doute bien d’autres, même si l’on aurait peut-être aimé que le mystère persiste au-delà du dénouement, comme dans la réalité. Après cet intéressant et soigné développement historique, dommage toutefois que le motif narratif imaginé autour de Mathieu s’achève de manière aussi improbable.

Nonobstant ce bémol final, l’un des meilleurs et plus passionnants ouvrages de l’auteur, dont il convient de saluer ici la minutieuse documentation historique. (3,5/5)

 

Citations :

Il ne se passe plus une journée sans que le sang coule. Les paysans tremblent, repliés dans leurs modestes maisons. Impossible de sortir les vaches et les moutons sur les pentes abritées où poussent les premières herbes. Il faut préparer la terre pour les semailles, mais les hommes n’osent plus s’éloigner de leur domicile, où ils retiennent leurs enfants.


La Bête est un loup par sa manière de marcher et d’approcher ses proies, poursuit Desqeyroux. C’est aussi un loup par ses oreilles pointues qu’elle rabat vers l’arrière, sa large gueule. Mais son pelage beaucoup plus fourni, sa crête de poils sombres sur le dos l’en différencient. Ce qui m’étonne surtout, c’est que les coups de fusil ne la terrassent pas. Je l’ai tirée une fois avec des balles contenant une double dose de poudre. Elle s’est ébrouée, puis elle est partie.

 

 

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