J'ai beaucoup aimé
Titre : Le Pouilleux massacreur
Auteur : Ian MANOOK
Parution : 2024 (La manufacture de livres)
Pages : 320
Présentation de l'éditeur :
« Je m’appelle Sorb, c’est le diminutif de Sorbonne. Ceux de la
bande m’ont donné ce surnom parce qu’ils me trouvent plus instruit
qu’eux. Ce ne sont pas vraiment des voyous, juste une bande. Des mecs de
Meudon-la-Forêt, c’est tout. On zone, on fout la pagaille, on choure
deux ou trois trucs, rien de méchant. »
Pourtant, un jour, une femme meurt à cause de l’un des leurs. Un accident, comme il dit, et il faut bien que les autres le couvrent quand la police arrive. Dans cette France de 1962, où la jeunesse s’ennuie dans des cités dortoirs, c’est pour eux le début d’une dégringolade vers le pire. Sorb sait que ceux de la bande finiront mal et que lui, peut-être, pourrait s’en sortir. Mais comment ?
Dans ce roman d’initiation aux accents autobiographiques, Ian Manook nous raconte une jeunesse qui promène sa désillusion des bars de banlieue aux rues chics de Paris, et le destin d’un jeune homme aux rêves trop grands pour son HLM.
Pourtant, un jour, une femme meurt à cause de l’un des leurs. Un accident, comme il dit, et il faut bien que les autres le couvrent quand la police arrive. Dans cette France de 1962, où la jeunesse s’ennuie dans des cités dortoirs, c’est pour eux le début d’une dégringolade vers le pire. Sorb sait que ceux de la bande finiront mal et que lui, peut-être, pourrait s’en sortir. Mais comment ?
Dans ce roman d’initiation aux accents autobiographiques, Ian Manook nous raconte une jeunesse qui promène sa désillusion des bars de banlieue aux rues chics de Paris, et le destin d’un jeune homme aux rêves trop grands pour son HLM.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Aventurier,
journaliste, romancier, on ne compte plus les métiers exercés par Ian
Manook. Pas plus que les nombreux prix qui ont couronné ses romans :
Polar SNCF, Elle Polar, Quais du polar…
Avis :
Rompant avec le registre des ethno-polars qui l’ont distingué, Ian Manook nous plonge cette fois dans une histoire bien franchouillarde, aux résonances autobiographiques, sur fond de délinquance en banlieue HLM dans les années 1960.
Issu comme l’auteur d’une famille arménienne établie à Meudon, dans une banlieue ouvrière qui, si blême soit-elle, s’accroche comme elle peut à tout ce qui la sépare des bidonvilles de Nanterre peuplés par la diaspora algérienne, marocaine et portugaise, Sorb ne sait que faire de sa vie et n’en fait donc pas grand-chose. Lui, l’étudiant à la Sorbonne qui fréquente une fille rebelle des beaux quartiers, qui rêve d’ascension sociale mais ne parvient pas à se dissocier de la bande de jeunes qui zone dans son quartier, est si bien en perte de repères qu’offert à toutes les influences, il est une pierre qui roule à la merci de la moindre pente.
Tout bascule lorsque, par accident, l’un des garçons cause la mort d’une femme et entraîne toute la bande dans une spirale descendante. Entré dans le récit par la découverte du cadavre et par l’ouverture d’une enquête par un commissaire à la Audiard, l’on aurait tort de se croire embarqué dans ce qui ne serait qu’un polar aux accents argotiques des années 1960. La véritable chair du roman est son ambiance directement condensée à partir du vécu de l’auteur, pour une restitution plus vraie que nature d’un temps où la stratification sociale ne laissait guère d'espoir d’échapper à son milieu.
Pendant que les filles de bourgeois, si indociles soient-elles, ont toutes les chances de finir par se soumettre au mariage de raison arrangé par leurs parents, les enfants de prolétaires sont une minorité à oser rêver de s’arracher à la grisaille de leurs quartiers, soit comme Sorb par le biais d’études supérieures, soit comme son ami Figos, engagé comme mercenaire en Afrique. Sinon, l’on s’échine de père en fils à Billancourt, entre ennui et soulagement d’échapper à pis encore, lorsque, dans une France en cette année 1962 encore traumatisée par les « événements » en Algérie, les harkis s’entassent dans des camps de fortune.
Au travers d’un Sorb hésitant dangereusement sur la ligne de crête de sa vie, l’on se retrouve ainsi à traverser l’actualité française bien chaotique de 1962, entre attentats de l’OAS, ratonnades et manifestations à Paris, répression policière au métro Charonne, enfin grand référendum destiné à sauver la légitimité de de Gaulle. Et toujours, en fil rouge débouchant sur un final superbement métaphorique, le jeu du pouilleux massacreur auquel s’adonne, au propre comme au figuré, Sorb et sa bande de copains, en chute libre vers la loubardisation.
Entre polar et roman social aux accents autobiographiques, une belle occasion de se plonger dans le tumulte politique de 1962 en France, année de tous les dangers pour les jeunes personnages du livre. (4/5)
Issu comme l’auteur d’une famille arménienne établie à Meudon, dans une banlieue ouvrière qui, si blême soit-elle, s’accroche comme elle peut à tout ce qui la sépare des bidonvilles de Nanterre peuplés par la diaspora algérienne, marocaine et portugaise, Sorb ne sait que faire de sa vie et n’en fait donc pas grand-chose. Lui, l’étudiant à la Sorbonne qui fréquente une fille rebelle des beaux quartiers, qui rêve d’ascension sociale mais ne parvient pas à se dissocier de la bande de jeunes qui zone dans son quartier, est si bien en perte de repères qu’offert à toutes les influences, il est une pierre qui roule à la merci de la moindre pente.
Tout bascule lorsque, par accident, l’un des garçons cause la mort d’une femme et entraîne toute la bande dans une spirale descendante. Entré dans le récit par la découverte du cadavre et par l’ouverture d’une enquête par un commissaire à la Audiard, l’on aurait tort de se croire embarqué dans ce qui ne serait qu’un polar aux accents argotiques des années 1960. La véritable chair du roman est son ambiance directement condensée à partir du vécu de l’auteur, pour une restitution plus vraie que nature d’un temps où la stratification sociale ne laissait guère d'espoir d’échapper à son milieu.
Pendant que les filles de bourgeois, si indociles soient-elles, ont toutes les chances de finir par se soumettre au mariage de raison arrangé par leurs parents, les enfants de prolétaires sont une minorité à oser rêver de s’arracher à la grisaille de leurs quartiers, soit comme Sorb par le biais d’études supérieures, soit comme son ami Figos, engagé comme mercenaire en Afrique. Sinon, l’on s’échine de père en fils à Billancourt, entre ennui et soulagement d’échapper à pis encore, lorsque, dans une France en cette année 1962 encore traumatisée par les « événements » en Algérie, les harkis s’entassent dans des camps de fortune.
Au travers d’un Sorb hésitant dangereusement sur la ligne de crête de sa vie, l’on se retrouve ainsi à traverser l’actualité française bien chaotique de 1962, entre attentats de l’OAS, ratonnades et manifestations à Paris, répression policière au métro Charonne, enfin grand référendum destiné à sauver la légitimité de de Gaulle. Et toujours, en fil rouge débouchant sur un final superbement métaphorique, le jeu du pouilleux massacreur auquel s’adonne, au propre comme au figuré, Sorb et sa bande de copains, en chute libre vers la loubardisation.
Entre polar et roman social aux accents autobiographiques, une belle occasion de se plonger dans le tumulte politique de 1962 en France, année de tous les dangers pour les jeunes personnages du livre. (4/5)
Citations :
Les crimes ne résultent pas que de la confrontation des individus. Ils sont la conséquence de ce que la société fait de nous tous. Assassins ou victimes, ils le doivent aussi à leur éducation, à la morale ambiante, à leur situation sociale et économique, au regard de la société sur ce qu’ils sont, et au hasard. L’imparable faute à pas de chance. Le célèbre mauvais endroit au mauvais moment. Sans sa morne vie de prolo qui l’échoue chaque soir dans sa solitude, abruti de fatigue et de solitude, Laurent n’aurait pas eu besoin de se trouver une bande, il ne t’aurait pas connu, il ne t’aurait pas rejoint au Baltimore, et il ne serait pas devenu le poing du destin pour cette pauvre femme.
– Le sexe est l’expression ultime du pouvoir. Les partouzes, les ballets roses, la pédophilie, c’est l’ultime arrogance de ceux qui croient tout avoir et en veulent plus encore. Et tu sais pourquoi ?
– C’est vous le professeur en saloperies…
– Parce que c’est l’avilissement de l’autre, l’affirmation de sa victoire contre la morale, contre l’humanité, l’accession au parterre des dieux, pour disposer comme eux des pauvres humains qui ne peuvent que subir. Baiser dans ces conditions, c’est tuer. C’est poignarder avec son sexe. Il n’y a pas de pouvoir sans sexe. Jamais !
L’enfance ne fait pas de nous ce que nous devenons, mais c’est ce que nous devenons qui tue notre enfance. Après, il ne reste plus que l’idée que nous nous en faisons.
Le ciel bas est laineux. De chaque côté de la rue, des champs de boue le brisent en reflets mats dans des flaques et des ornières. Tout est sinistre et miséreux soudain. C’est une morne plaine qui s’étend jusqu’à l’horizon, jonchée d’immeubles tristes et géométriques au milieu de terrains vagues morcelés de chantiers et de cabanons. Et pour seuls arbres, des grues squelettiques qui construisent d’autres clapiers démesurés.
– M’man, la plupart de ces hommes ont un travail et gagnent leur vie. Ils ont un salaire. Une voiture même, souvent.
– Mais alors pourquoi vivent-ils dans de telles conditions ?
– Parce que, malgré leur salaire, on ne leur donne pas de logement.
– Mais pourquoi, Mathieu, pourquoi ?
– Parce qu’ils sont Arabes, m’man.
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