jeudi 8 septembre 2022

[Bordes, Gilbert] Jésus : trois jours avant sa mort

 



 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Jésus : trois jours avant sa mort

Auteur : Gilbert BORDES

Parution : 2022 (XO)

Pages : 288

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Qui était vraiment Jésus ? L’« homme Jésus » qui, pendant l’occupation romaine, prêchait l’amour de son prochain et la liberté, le non-violent capable de colères face aux marchands, l’ami de Marie-Madeleine, le descendant de David, héritier de la couronne d’Israël, dont la popularité gênait les pouvoirs en place : les prêtres du Temple, le tétrarque Hérode, et – dans une posture plus trouble – le procurateur Ponce Pilate ?

Durant les trois jours qui suivirent son entrée dans Jérusalem pour la Pâque, s’est joué l’avenir de Jésus et sa condamnation à la croix. Ce sont ces trois jours, essentiels pour l’humanité, que Gilbert Bordes raconte à la lumière des érudits et des historiens. L’histoire d’un complot pour éliminer celui qui menaçait les puissants. Un crime politique.

Avec ce roman sidérant de réalisme, Gilbert Bordes montre aux croyants la profondeur humaine d’un Jésus trop souvent masquée par les paraboles. Aux autres, il  fait découvrir un homme semblable à eux-mêmes et leur ouvre – dans un récit où s’engage une course pour sauver le prophète – les portes d’une intense réflexion spirituelle.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Grand romancier de l’histoire, Gilbert Bordes est membre de l’École de Brive. il a remporté le prix RTL-grand public et le prix des Maisons de la presse.

 

Avis :

L’état des connaissances historiques permet aujourd’hui aux scientifiques, croyants ou non, d’affirmer l’existence au premier siècle de notre ère d’un rabbi juif nommé Jésus, dont la parole charismatique rassemblait les foules, et qui fut crucifié sur l’ordre du Romain Ponce Pilate, alors préfet en Judée, à la demande des grands prêtres juifs de Jérusalem. S‘inspirant de ces sources en laissant de côté l’immense versant symbolique et mythique développé autour de Jésus, Gilbert Bordes s’est intéressé à ce qu’ont pu être les réalités humaines du personnage, retraçant ses trois derniers jours dans une narration aussi concrète que possible, indéniablement bouleversante.

Rien, bien sûr, ne permet de retracer avec certitude les détails de ces trois jours. Mais ce que l’on sait du contexte historique – Dans une Palestine troublée par les luttes intestines pour le pouvoir, alors que Rome s’avère incapable d’intégrer les particularités juives, si contraignantes sur les règles de vie qu’elles sont l’occasion de conflits incessants avec l’occupant, les crises violentes se multiplient, d’émeutes en massacres répressifs, rendant bien délicat l’équilibre politique entre l’autorité romaine représentée par Ponce Pilate, le tétrarque Hérode devenu son vassal, et les grands prêtres juifs agressés dans leurs traditions. Le discours transgressivement égalitaire, et donc reçu comme intégrateur, d’un Jésus bienveillant aux humbles est perçu comme une menace par les notables juifs, et ce sont eux qui manoeuvrent pour le faire condamner par Pilate, qui seul a le droit de prononcer la peine de mort. –, ce qui nous est parvenu du contexte historique donc, même abordé ici avec, semble-t-il, pour principale référence le polémique Gérald Messadié, permet au conteur qu’est Gilbert Bordes de combler les pointillés dans une restitution si frappante de réalisme, qu’elle ne peut que réunir ses lecteurs, quelles que soient leurs convictions sur le plan religieux, dans la même profonde émotion.

Car, si Jésus a bien existé, et qu’aussi raisonnablement que Gilbert Bordes a entrepris de la reconstituer, l’on aborde, nonobstant toute considération religieuse, la terrible élimination d’un homme rendu gênant par sa libre parole, à contre-courant des positions établies, alors qu’elle ne prônait qu’amour et liberté, puis ensuite son incommensurable impact sur le monde, c’est toute une réflexion sur les valeurs essentielles et universelles de l’humanité qui se met en branle au plus profond de soi, dans une exploration morale, philosophique et éthique, qui, même dissociée de la religion et de la foi en un Dieu, renvoie bien néanmoins à une forme de spiritualité.

Etonnamment, alors que tout un chacun connaît l’histoire et son dénouement, Gilbert Bordes parvient à instaurer une tension chez son lecteur, pleine d’espoir en dépit de toute raison, alors qu’une véritable course s’engage pour tenter de sauver malgré lui cet homme qu’une foi inébranlable en son destin rend imperméable à toute prudence. Et c’est un récit aux multiples péripéties pleines de surprises et de détails historiques, dont, il est vrai, on ne sait plus toujours lesquels sont reconnus, lesquels sujets à controverse – mais peu importe, le livre dépasse largement les limites de ces débats –, qui cascade jusqu’à son terme, pour s’achever dans une émotion qui pourra bien prendre au dépourvu jusque les plus sceptiques.

Ce livre, passionnant dans son approche si humaine et si réaliste du personnage sans doute le plus mythique de l’Histoire de l’humanité, possède une portée universelle, propice à l’émotion et à la réflexion, auxquels les précédents ouvrages de l'auteur, souvent centrés sur l’intimité d’un terroir, ne nous ont pas accoutumés. On en redemande ! (4/5)

 

 

Citations : 

Voilà trois années qu’il ne cesse de multiplier les blasphèmes contre notre religion, qu’il monte la population contre nous. Il serait un agent payé par les Romains qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Si on le laisse faire, dans moins d’un siècle, on ne parlera plus du peuple juif. Cet homme doit mourir au plus vite afin de faire taire ses milliers de partisans qu’il ne faudra pas hésiter à passer au fil de l’épée.
- N’a-t-il pas déclaré : « Je détruirai ce Temple et je le reconstruirai en trois jours ! » ajouta le voisin de Gedalha. Mais qui est cet homme qui se croit tout permis ? Le Messie ?
Caïapha se redressa lentement en s’appuyant sur le rebord du meuble devant lui, inspira et déclara :
- Je vous l’ai dit, cet homme doit mourir et il mourra avant une semaine. Il a commis les crimes auxquels on s’attendait et qui dévoilent sa nature perverse. Il va mourir ici, à Jérusalem, dans la ville sacrée. Le Temple et le peuple juif doivent montrer par cet acte fort qu’ils ne cèdent à aucune pression. Car Jésus n’est pas de notre côté.


Quand le soir arrivait, la troupe s’arrêtait dans un village, ou un groupe de fermes. C’était la fête. Alors, Jésus parlait et les gens écoutaient avec ravissement. Mais dans ces paroles bienfaisantes, Annas avait bien perçu la menace pour la société de Jérusalem. Sous ses apparences de douceur, de générosité, Jésus appelait le peuple à la révolte.


- Tu dis aussi, ajouta le lépreux, que-que si on te ta-a-pe sur une joue…
D’un geste, Jésus l’arrêta et sourit :
- Si tu as un animal furieux en face de toi, tu as le devoir de te défendre par la force. Et quand il y en a plusieurs, les animaux comme les hommes ne pensent plus par eux-mêmes.
Par ces paroles, Jésus ne venait-il pas de justifier la guerre, les luttes fratricides entre provinces et factions qui endeuillaient la Palestine ? Il conclut :
- Les coupables sont ceux qui portent le premier coup.

 

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