Coup de coeur 💓
Titre : Nul ennemi comme un frère
Auteur : Frédéric PAULIN
Parution : 2024 (Agullo)
Pages : 480
Présentation de l'éditeur :
Beyrouth, 13 avril 1975. Des membres du FPLP ouvrent le feu sur une
église dans le quartier chrétien d’Ain el-Remmaneh. Quelques minutes
plus tard, un bus palestinien subit les représailles sanglantes des
phalangistes de Gemayel, inaugurant un déferlement de violence sans
commune mesure qui dépassera bientôt les frontières du Liban et du
Proche-Orient.
Michel Nada part alors pour la France, où il espère rallier la droite française à la cause chrétienne. Édouard et Charles, ses frères, choisissent la voie du sang. Dans la banlieue sud de Beyrouth, Abdul Rasool al-Amine et le Mouvement des déshérités se préparent au pire pour enfin faire entendre la voix de la minorité chiite.
À l’ambassade de France, le diplomate Philippe Kellermann va, comme son pays, se retrouver pris au piège d’une situation qui échappe à tout contrôle.
Mais comment empêcher une escalade des tensions dans un pays où la guerre semble être devenue le seul moyen de communication ? La France de Giscard et de Mitterrand en a-t-elle encore seulement le pouvoir, alors qu’elle se voit menacer au sein même de son territoire ?
Première partie du projet le plus ambitieux de Frédéric Paulin à ce jour, Nul ennemi comme un frère retrace les premières années de la guerre du Liban.
Michel Nada part alors pour la France, où il espère rallier la droite française à la cause chrétienne. Édouard et Charles, ses frères, choisissent la voie du sang. Dans la banlieue sud de Beyrouth, Abdul Rasool al-Amine et le Mouvement des déshérités se préparent au pire pour enfin faire entendre la voix de la minorité chiite.
À l’ambassade de France, le diplomate Philippe Kellermann va, comme son pays, se retrouver pris au piège d’une situation qui échappe à tout contrôle.
Mais comment empêcher une escalade des tensions dans un pays où la guerre semble être devenue le seul moyen de communication ? La France de Giscard et de Mitterrand en a-t-elle encore seulement le pouvoir, alors qu’elle se voit menacer au sein même de son territoire ?
Première partie du projet le plus ambitieux de Frédéric Paulin à ce jour, Nul ennemi comme un frère retrace les premières années de la guerre du Liban.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Frédéric Paulin écrit des romans noirs depuis presque dix ans. Il
utilise la récente Histoire comme une matière première dont le travail
peut faire surgir des vérités parfois cachées ou falsifiées par le
discours officiel.
Ses héros sont bien souvent plus corrompus ou faillibles que les mauvais garçons qu’ils sont censés neutraliser, mais ils ne sont que les témoins d’un monde où les frontières ne seront jamais plus parfaitement lisibles. Il a notamment écrit Le monde est notre patrie (Goater, 2016), La peste soit des mangeurs de viande (La Manufacture de livre, 2017) et Les Cancrelats à coups de machette (Goater, 2018).
Ses héros sont bien souvent plus corrompus ou faillibles que les mauvais garçons qu’ils sont censés neutraliser, mais ils ne sont que les témoins d’un monde où les frontières ne seront jamais plus parfaitement lisibles. Il a notamment écrit Le monde est notre patrie (Goater, 2016), La peste soit des mangeurs de viande (La Manufacture de livre, 2017) et Les Cancrelats à coups de machette (Goater, 2018).
Avis :
Après sa trilogie Benlazar qui remontait aux origines du djihadisme, Frédéric Paulin entame un nouveau triptyque, consacré cette fois à la guerre civile libanaise de 1975 à 1990. Ce premier volet, minutieusement documenté en même temps qu’emporté par un grand souffle romanesque, nous plonge dans le chaos des huit premières années du conflit : un retour dans le passé indispensable pour comprendre le présent.
Dense, sans chapitres, la lecture est exigeante, mais c’est un guide hors pair, fort d’une documentation titanesque, qui nous donne accès au dédale d’une guerre d’une insondable complexité. Comment ce pays, mosaïque confessionnelle qui vivait jusqu’ici en harmonie, a-t-il pu basculer dans une telle somme de violences inter-, mais aussi intracommunautaires, les interventions étrangères – invasions syrienne et israélienne, immixtions de l’Iran, de la Ligue arabe et de la France – ne faisant que démultiplier cette guerre en sous-conflits inextricables ? Le Liban se fait bientôt la chambre d’écho de toutes les crises du Proche-Orient, cette première phase culminant avec les effroyables massacres de Sabra et Chatila et s’exportant à coups d’attentats terroristes jusque sur le territoire français.
Cette réalité historique intriquée, Frédéric Paulin la met à notre portée dans un récit aussi passionnant qu’instructif, laissant le soin de nous en révéler les multiples facettes à une poignée de personnages fictifs disposant d’un large point d’observation. C’est ainsi que l’on se retrouve aussi bien aux côtés de Michel Nada, un avocat qui fuit la guerre pour tenter de rallier la Droite française à la cause maronite pendant que ses frères phalangistes se raidissent d’une manière de plus en plus sanglante autour de la cause chrétienne au Liban, du chiite Abdul Rasool Al-Amine et de la belle interprète Zia al-Faqîh, eux aussi entraînés corps et âme dans une escalade qui, sous l’influence des islamistes iraniens, donnera naissance au Hezbollah, que de Philippe Kellerman à l’ambassade de France à Beyrouth, du capitaine Christian Dixneuf des services secrets français, ou encore du commissaire Caillaux de la section antiterroriste des Renseignements Généraux.
Impeccable tant du point de vue documentaire que de la crédibilité de ses personnages imaginés dans toutes leurs complexités et ambivalences, ce polar politique s’avère largement à la hauteur de son ample ambition historique. Autant impressionné que captivé par cette première partie, l’on ne pourra que répondre avec empressement au prochain rendez-vous avec l’auteur, la suite étant annoncée pour le printemps 2025. Coup de coeur. (5/5)
Dense, sans chapitres, la lecture est exigeante, mais c’est un guide hors pair, fort d’une documentation titanesque, qui nous donne accès au dédale d’une guerre d’une insondable complexité. Comment ce pays, mosaïque confessionnelle qui vivait jusqu’ici en harmonie, a-t-il pu basculer dans une telle somme de violences inter-, mais aussi intracommunautaires, les interventions étrangères – invasions syrienne et israélienne, immixtions de l’Iran, de la Ligue arabe et de la France – ne faisant que démultiplier cette guerre en sous-conflits inextricables ? Le Liban se fait bientôt la chambre d’écho de toutes les crises du Proche-Orient, cette première phase culminant avec les effroyables massacres de Sabra et Chatila et s’exportant à coups d’attentats terroristes jusque sur le territoire français.
Cette réalité historique intriquée, Frédéric Paulin la met à notre portée dans un récit aussi passionnant qu’instructif, laissant le soin de nous en révéler les multiples facettes à une poignée de personnages fictifs disposant d’un large point d’observation. C’est ainsi que l’on se retrouve aussi bien aux côtés de Michel Nada, un avocat qui fuit la guerre pour tenter de rallier la Droite française à la cause maronite pendant que ses frères phalangistes se raidissent d’une manière de plus en plus sanglante autour de la cause chrétienne au Liban, du chiite Abdul Rasool Al-Amine et de la belle interprète Zia al-Faqîh, eux aussi entraînés corps et âme dans une escalade qui, sous l’influence des islamistes iraniens, donnera naissance au Hezbollah, que de Philippe Kellerman à l’ambassade de France à Beyrouth, du capitaine Christian Dixneuf des services secrets français, ou encore du commissaire Caillaux de la section antiterroriste des Renseignements Généraux.
Impeccable tant du point de vue documentaire que de la crédibilité de ses personnages imaginés dans toutes leurs complexités et ambivalences, ce polar politique s’avère largement à la hauteur de son ample ambition historique. Autant impressionné que captivé par cette première partie, l’on ne pourra que répondre avec empressement au prochain rendez-vous avec l’auteur, la suite étant annoncée pour le printemps 2025. Coup de coeur. (5/5)
Citations :
— Weinberger a ordonné aux marines de quitter le Liban le 3 septembre, je vous rappelle. Une semaine plus tard, les Français et les Italiens de la Force multinationale les ont imités. Gemayel s’est fait tuer, les Israéliens sont entrés à Beyrouth-Ouest et ont pris position autour de Sabra et Chatila, ils ont envoyé les chrétiens finir le boulot, je vous dis.
— Des conneries, tente Dixneuf. Les Israéliens sont des enfoirés parfois, c’est vrai, mais ça, ils ne peuvent pas l’accepter. Pas eux, pas les Juifs.
— Moi je vous dis que l’invasion des camps était programmée par Begin et Sharon.
Dixneuf prend le paquet de cigarettes de Cahour et en allume une.
— Le rêve sioniste d’un Liban chrétien qui serait l’allié indéfectible d’Israël dans le monde arabe passe par le massacre des Palestiniens, capitaine.
— Des conneries, tente Dixneuf. Les Israéliens sont des enfoirés parfois, c’est vrai, mais ça, ils ne peuvent pas l’accepter. Pas eux, pas les Juifs.
— Moi je vous dis que l’invasion des camps était programmée par Begin et Sharon.
Dixneuf prend le paquet de cigarettes de Cahour et en allume une.
— Le rêve sioniste d’un Liban chrétien qui serait l’allié indéfectible d’Israël dans le monde arabe passe par le massacre des Palestiniens, capitaine.
— Et alors ? Combien d’enfants sont morts sous les bombes israéliennes ?
Sitaf se tait. Il sait comme tout le monde au Liban que dès qu’un homme naît, il est assez vieux pour mourir. Il sait que dès qu’un chiite naît, il est assez vieux pour être un chahid. [martyr]
Nassim Nada est vieux. Il a appris que tout homme qui fait la guerre est un criminel. Cet homme arguera de la justesse de sa cause ou de l’état de nécessité qui l’a poussé à tuer. Mais toujours il sera un criminel. Depuis ces décennies de violence, Nada a accepté qu’un homme bon puisse être un criminel parce que l’Histoire l’y oblige. Mais ce qui s’est passé à Chatila, c’est autre chose.
Tous ces morts, des femmes, des enfants, des vieillards.
Ces tortures et ces corps enterrés à la va-vite pour éviter un décompte macabre.
Ces bulldozers qui ont aplani les lieux comme pour effacer les crimes.
C’est autre chose parce qu’Édouard et Charles ont participé à ces horreurs.
Nassim Nada est vieux, il sait qu’il est responsable de ce qu’ont fait ses Nassim Nada est vieux, il sait qu’il est responsable de ce qu’ont fait ses fils là-bas. Il les a élevés dans la méfiance, il les a entraînés pour se défendre des musulmans et des Palestiniens qui un jour viendraient pour les tuer, tuer leur mère et leur sœur. Mais jamais il n’aurait cru que l’Histoire de son pays pousserait ses fils à de tels actes. Ils faisaient la guerre, ils étaient des criminels. Ce qu’ils ont fait à Chatila, cela n’en fait-il pas des monstres ?
— Israël a été bâti sur le territoire de la Palestine et pour ce faire, une population arabe a été contrainte à l’exil par les armes. La Nakba est impardonnable pour la conscience arabe, n’oublie jamais ça.
Il se retourne et l’observe de ce même regard bienveillant.
— Le refus d’Israël est un point sur lequel toute divergence a été condamnée par la communauté arabe, et par la Ligue des États arabes. El-Sadate est mort d’avoir outrepassé cette règle à Camp David.
Il revient s’asseoir à côté de lui, lui tapote le genou.
— Et cela s’appliquera d’autant plus au Liban que c’est le seul pays arabe qui a un chef d’État non musulman.
La diplomatie sans les armes, c’est de la musique sans les instruments, songe Kellermann, amer. Qui a dit ça déjà ? Bismarck, peut-être.
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