dimanche 17 novembre 2024

[Humm, Philibert] Roman de gare

 



 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Roman de gare

Auteur : Philibert HUMM

Parution : 2024 (Equateurs)

Pages : 224

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

« Roman de gare est à même de fournir un loisir ou une distraction salutaire à ceux qui n’attendent plus grand-chose de la littérature et de la vie en général. Il aura cet avantage de leur faire voir du pays sans les désagréments relatifs aux voyages.
Attention, il ne s’agit pas d’un roman inspirant sur le thème de la résilience. »
Deux hommes, une gare, un train. Un roman qui part en retard, s’arrête sur les voies et finit en eau de boudin.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :   

Philibert Humm, journaliste et écrivain est notamment l'auteur aux Equateurs du Tour de France par deux enfants d’aujourd’hui.

 

 

Avis :   

Après Roman fleuve il y a deux ans, récit humoristique d’une descente de la Seine en canoë multipliant les références à Trois hommes dans un bateau, le journaliste écrivain Philippe Humm poursuit dans la même veine en se faisant cette fois vagabond du rail, en clin d’oeil à Jack London, pour un nouveau roman de pseudo-aventure jouant la dérision jusque dans son titre : Roman de gare. 
 
Tout part d’une idée lancée entre quelques verres, au bar où les habitués, mi-sérieux mi-moqueurs, l’enjoignent à renouer avec sa vie d’aventurier du dimanche. Ce défi s’ajoutant aux reproches de son banquier, inquiet de la nouvelle persistance des comptes de son client à sombrer dans le rouge, voilà notre homme qui aussitôt relève le gant : avec son complice et ami Simon, ils se feront « hobos », comme ces vagabonds d’autrefois sautant clandestinement d’un train de marchandises à l’autre en quête de petits boulots à travers les Etats-Unis et devenus des figures mythiques de l’imaginaire américain.

Sitôt dit, sitôt fait. Rebaptisés pour l’occasion Buck et Callaghan en hommage à London et Kerouac, les deux compères s’élancent, sac au dos et rêve en tête, dans une épopée dont la moindre difficulté ne sera clairement pas d’accéder aux trains de fret, entre grillages et barbelés, dispositifs de surveillance et maréchaussée. Ponctué des commentaires ironiques, des dessins et des notes de bas de page déjantées accompagnant l’affèterie feinte par le narrateur, le récit s’évertue à faire fi des obstacles et de l’empreinte permanente de notre époque sur les paysages – particulièrement peu avenante le long des voies ferrées où se dévoilent « toutes choses qu’on n’est pas censés voir. La face cachée de la lune. Le cul du pays. » – pour tenter de se couler dans l’insouciance et la rêverie promises, comme en témoignent les multiples références littéraires auquel il se raccroche, par ce retour à la liberté.

Pas facile donc l’évasion en terre « civilisée », même si « le monde est si haut de plafond quand on décide que dehors c’est dedans. » Vite confrontés à leurs limites, Buck et Callaghan verront avant minuit leurs trains se transformer en citrouilles. Mais l’humour pince-sans-rire, les remarques corrosives et les digressions pleines de sel de ce roman enlevé à l’écriture aussi soignée que succulente en font, même si l’effet de surprise ne joue plus comme la première fois, un nouveau moment de pur plaisir, irrésistible de malice et de cocasserie. (4/5)

 

 

Citations :

Le paysage le long des voies ferrées est différent de celui qu’on voit par la fenêtre d’une voiture : c’est l’envers du décor, la scène depuis les pendrillons, une longue variation d’arrière-cours et de jardins en friches, de râteaux sur le toit et de vélos sur le balcon, d’appentis écroulés, mangés par le lierre, de potagers en herbe et de ballons crevés. Toutes choses qu’on n’est pas censés voir. La face cachée de la lune. Le cul du pays.


J’ai toujours préféré les soirs aux matins. L’aube a la jeunesse pour elle, rien ne l’arrête, elle est pleine de promesses. Le crépuscule, lui, ne promet rien sinon l’extinction des feux, mais il oblige à jouir du peu qu’il reste. L’approche de la nuit, comme celle de la mort, exacerbe es sens, dilate les pupilles, écarquille l’esprit. Le soir venant, il n’est plus temps d’élaborer de grands projets, plus temps de tergiverser, de reculer, plus temps d’en garder sous le pied.


Seuls les amis véritables peuvent se payer le luxe de se taire côte à côte, sans éprouver la moindre gêne. Buck savait des choses que je ne lui avais jamais dites et dont nous ne parlerions jamais. Il en allait de même pour moi. Comme en cordée, je l’assurais et il me rassurait. Nous étions amis, voilà tout. Ces choses-là se passent d’explications.

 

 

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