dimanche 20 septembre 2020

[Huchu, Tendai] Le meilleur coiffeur de Harare





J'ai aimé

 

Titre : Le meilleur coiffeur de Harare
            (The Hairdresser of Harare)

Auteur : Tendai HUCHU

Traductrice : Odile FERRARD

Parution : en anglais (Zimbabwe) en 2010,
                   en français en 2014 (Zoé)

Pages : 256

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :   

Vimbai est la meilleure coiffeuse du Zimbabwe. Fille-mère au caractère bien trempé, c’est la reine du salon de Madame Khumala. Jusqu’à l’arrivée de Dumi : surdoué, beau, généreux, attentionné, très vite il va détrôner Vimbai.
Quand Vimbai comprend enfin le secret de Dumi, elle fait un chemin intérieur que le pouvoir au Zimbabwe est loin de suivre.
Le meilleur coiffeur de Harare ne se contente pas d’une romance aigre-douce et des cancans d’un salon de coiffure. Outre la dénonciation de l’homophobie, il propose une peinture légère, mais implacable de la vie quotidienne et politique au Zimbabwe.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Tendai Huchu est né en 1982 à Bindura au Zimbabwe et vit aujourd’hui à Edinbourg en Ecosse. Le Meilleur Coiffeur de Harare est son premier roman. Acclamé par la critique, il a été short-listé pour le Caine Prize 2014.

 

 

Avis :

A Harare, au Zimbabwe, la narratrice Vimbai règne sur le salon de coiffure de Madame Khumala où elle est employée, lorsque l’arrivée du séduisant et talentueux Dumi vient lui voler la vedette auprès de toutes les clientes. Mais le jeune homme cache un secret qui le met en danger dans son pays, ce que Vimbai finira par découvrir.

Certes, l’essentiel du récit tient dans une romance tirée par quelques grosses ficelles et parsemée de clichés qui, par certains côtés, pourrait prêter à sourire : assez souvent improbable, l’intrigue repose sur la candeur, il faut le dire plutôt niaise, de Vimbai. Mais l’intérêt du livre est ailleurs et fait vite pardonner ces points faibles : bien écrit et très plaisant à lire, il nous plonge dans la vie quotidienne au Zimbabwe pendant la dictature du président Mugabe, évoquant le déclin économique du pays et l’hyperinflation, le chômage, les pénuries et les longues queues qui s’étirent partout, la corruption de la police et de l’administration, les passages à tabac de qui déplaît au pouvoir. L’homosexualité est un crime qui peut conduire à la mort. Condamnée par tous, elle est contrainte à la plus grande clandestinité : malheur à celui ou celle dont le secret s’évente.

Sous ses dehors légers de romance à deux sous, cette histoire est ainsi un émouvant plaidoyer contre l’homophobie et ses violences, accompagné d’une découverte du terrible quotidien au Zimbabwe, un des pays les plus pauvres au monde qui bascula de la colonisation britannique à une longue dictature. (3/5)

 

 

Citations :

Pour être une coiffeuse prisée, il n’y a qu’un secret et je ne l’ai jamais caché à personne : lorsqu’elle quitte le salon, votre cliente doit avoir la sensation d’être Blanche. Pas métisse, ni Indienne, ni Chinoise. Je l’ai dit à tous ceux qui m’ont posé la question. Et ce que tous veulent savoir, c’est comment il faut s’y prendre pour faire en sorte qu’une femme se sente Blanche. Soupir, bâillement, grattement de tête. La réponse est simple. « La blancheur est un état d’esprit.»

Il y a très longtemps, bien avant le temps des hommes, quand les animaux et les oiseaux régnaient sur le monde, les oiseaux, voyant que les animaux avaient le lion pour roi, décidèrent de se choisir un chef. Le hibou, affirmant qu’il était le seul à avoir des cornes, insista pour que ce soit lui. Terrorisés par ces terribles cornes, les oiseaux renoncèrent à se choisir un roi. Le hibou régna donc par la peur, jusqu’au jour où, alors qu’il dormait, une petite hirondelle s’approcha des terribles cornes et découvrit que ce n’était en fait que de grosses touffes de plumes.

La file d’attente du bureau des passeports était la plus longue que j’avais jamais vue, ce qui n’est pas peu dire. Elle s’enroulait autour du bureau de l’état civil, puis continuait le long de la rue. Les individus qui attendaient semblaient tous jeunes. Leur désir désespéré de quitter le pays se lisait sur leur visage. Matraque en main, un agent de sécurité vêtu d’une salopette bleue qui pendait sur sa carcasse filiforme longeait la file, ordonnant aux gens de rester à leur place. Durant la guerre d’indépendance, les gens n’avaient pas fui comme ils le faisaient aujourd’hui sous le gouvernement révolutionnaire qui les a libérés. Quelle ironie. L’indépendance était-elle devenue un fardeau plus lourd que le joug de l’oppression coloniale ?

Des enfants des rues s’étaient joints à la queue. Ces gamins débrouillards vendaient leur place à l’avant de la file et retournaient à la fin pour remonter lentement et attendre la prochaine âme impatiente qui achèterait leur place. Faire la queue était devenu une activité tellement ordinaire dans la conjoncture actuelle que les prix demandés étaient assez uniformes, comme s’ils étaient soumis à une sorte d’autorité de régulation. La main invisible de l’économie était à l’œuvre.

«Les Blancs ont prétendu que c’est David Livingston qui les [ Les Chutes de Victoria ] a découvertes parce que les autochtones avaient peur de s’en approcher. En même temps, ils affirment que ce sont les autochtones eux-mêmes qui les lui ont montrées. C’est le genre de paradoxe que seul un esprit colonial peut soutenir.»

«Aujourd'hui, j'ai compris que je suis né comme ça…et tant que le Zimbabwe ne pourra pas l'accepter, il vaudra mieux que je vive ailleurs.»

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