dimanche 6 octobre 2019

[Bégué, Régis] S.N.O.W.






 

J'ai aimé

Titre : S.N.O.W.

Auteur : Régis BEGUE

Année de parution : 2018

Editeur : Lucien Souny

Pages : 266






 

 

Présentation de l'éditeur :

Sylvie déambule de la manière la plus naturelle qui soit dans le merveilleux jardin de cette grandiose demeure du VIIe arrondissement. Toutefois, elle sait qu’elle n’est pas la bienvenue. L’élégante, la délicieuse, la charmante Caroline, la veuve de Jean-Baptiste, a eu la singulière attention de convier sa rivale à la réception donnée à la suite de la messe-anniversaire de la mort de son époux. Sylvie a accepté l’invitation, n’ignorant pas que dans l’esprit des convives, elle est la principale suspecte de l’assassinat de celui qui s’est honteusement enrichi sur la débâcle de la S.N.O.W. N’avait-elle pas menacé Jean-Baptiste de tous les maux dans un mail de triste mémoire ? Elle le jure, pourtant : malgré la colère et la rancune, elle n’a pas tué son ami, spéculateur habile. Mais le laborieux commandant Papadakis n’a pas l’air convaincu de son innocence. Il l’arrête et la place en garde à vue à la sortie de la garden-party.


Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Formé aux mathématiques, à l’économie et au commerce, c’est par hasard que Régis Bégué entre dans la finance, en 1994. D’abord courtier, il est aujourd’hui gestionnaire dans une grande institution. Un détail d’importance puisque ce nouveau polar prend corps sur fond d’intrigue financière et de spéculation boursière.

Ce métier exigeant nécessite des soupapes d’aération et d’oxygène. Il les a trouvées avec l’écriture, mais également le piano, la peinture, le théâtre, le chant ! En 2000, il s’est attelé à son premier roman, Les cimes ne s’embrassent pas, dans lequel il a créé le village imaginaire de Saint-Ravèze, que l’on retrouve dix-huit ans plus tard dans S.N.O.W. Entre les deux, il n’a jamais vraiment posé la plume ni abandonné le clavier. Et tant qu’il aura des histoires à raconter et qu’il y aura des gens pour les lire et les aimer, il continuera !


Il est né, a grandi et réside en région parisienne.


Vous pouvez lire ici mon interview de Régis Bégué.



Avis :

Cela fait un an que Sylvie est la principale suspecte de l’assassinat de Jean-Baptiste, ce financier qui s’était traîtreusement enrichi de la faillite de la S.NO.W., la société qu’elle dirigeait. De nouveaux éléments décident soudain le commandant de police Papadakis à l’arrêter et à la mettre en garde à vue. L’interrogatoire de Sylvie est l’occasion de revenir sur les trente dernières années et de découvrir peu à peu l’engrenage qui mena au crime : mais réussira-t-on enfin à identifier et à confondre le meurtrier ?

Lui-même professionnel des marchés de la finance, l’auteur s’amuse à exploiter l’univers qui lui est familier pour nous livrer une histoire bien troussée, non dénuée d’humour, qui réussit à maintenir le suspense d’un bout à l’autre, et, qui plus est, s’avère intéressante quant aux mécanismes et pratiques évoqués. Des personnages ordinaires, et d’autant plus attachants, s’y retrouvent les victimes malheureuses de requins n’ayant pour sentiment que le seul appât du gain. L’on y comprend très bien comment les marchés financiers et la spéculation peuvent aussi bien soutenir que détruire l’activité économique.

Voici donc un petit polar sympathique, truffé de piquantes et ironiques réflexions, pour un moment récréatif agréable et tout sauf bête, que j’ai quitté avec le sourire et le sentiment d’avoir appris deux ou trois choses.


Merci à Régis Bégué pour sa confiance.


Citations :

Il est des mariages qui usent les sentiments, les broient, les transforment en une indifférence teintée d’exaspération, de haine toute simple parfois. Il en est d’autres sans doute qui, au fil du temps, finissent par créer une tendresse qui n’existait pas au commencement.

Trimbaler les gens pour un prix dérisoire à des milliers de kilomètres de chez eux… mais quel est le sombre crétin qui a eu cette idée le premier ? Il faudrait le retrouver et lui faire rendre gorge, à ce salaud, pour toutes les atrocités dont il est responsable. Le monde crève à cause de lui. Le tourisme de masse, voilà le vrai cancer de la planète. Il a métastasé sur tous les continents, il est hors de contrôle. La transhumance d’une moitié de l’humanité qui juge utile d’aller passer ses vacances à l’autre bout du monde, à grand renfort de kérosène extrait au plus profond des entrailles de la Terre, et de l’autre moitié qui profite du départ de la première pour faire le voyage en sens inverse, constitue le pire désastre écologique imaginable. Les seuls à ne pas bouger sont ceux qui profitent de cette absurde manie de l’homme moderne de gigoter autour du globe, ce sont ceux qui les accueillent, hôteliers, restaurateurs et vendeurs de souvenirs.

Toujours était-il, m’expliqua-t-il, que, lorsque les investisseurs allaient réaliser qu’on ne respectait pas les ratios d’endettement auxquels nous étions engagés, c’est-à-dire les fameux
covenants, le CDS s’envolerait et la machine infernale se mettrait en place : hausse du coût de la dette, baisse des résultats, affaiblissement bilanciel, d’où un nouveau renchérissement de la dette, et ainsi de suite. Oui, le CDS, parfaitement. Il y avait peu, moi aussi, j’ignorais de quoi il s’agissait. Credit Default Swap : un instrument financier tout spécialement créé pour permettre de spéculer sur la santé financière des entreprises endettées. Il fonctionnerait à peu comme un thermomètre qu’on leur collerait dans le derrière. Premièrement, ce n’était jamais agréable ; deuxièmement, plus il montait, plus il indiquait que la maladie était grave.

- Ma petite, vous ne comprenez décidément vraiment rien à la politique ! Rien de rien ! Il y a plusieurs choses à savoir avant de démarrer comme vous le faites, sottement. Premièrement, il faut toujours se souvenir que vos adversaires ne sont pas ceux que l'on imagine. Vos ennemis, les vrais, sont dans votre propre camp, pas dans celui qui vous combat ! Retenez bien ça. Ensuite, si vous voulez atteindre un point A, ne le révélez jamais, n'en parlez jamais et concentrez l'attention de vos opposants sur le point B qui, peut-être, se trouve aux antipodes. Vous visez la neige ? Imaginez un scandale sur les plages de la Côte d'Azur ! Enfin, et c'est le plus important, ne vous dévoilez jamais complètement. "On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment", disait le cardinal de Retz. Grand homme !

L’image de marque, la communication, c’est là que tout commence et que tout finit. La réalité pécuniaire n’est en fait qu’une vague conséquence de ce qu’on est capable de faire en matière de marketing. (…) Regardez Jérôme Kerviel, me dit-il. Bandit de grand chemin mais de petite envergure. Comment cet homme qui, globalement, volait aux pauvres pour donner aux riches, jusqu’à ce qu’il se fasse pincer, a-t-il réussi l’extraordinaire exploit de de faire passer pour le Robin des Bois des temps modernes ? C’est une énorme prouesse de communication, tout simplement ! Comment un tel tour de force a-t-il été possible? Je vais vous le dire, c ‘est très simple. Premièrement, entre gendarme et voleur, le Français a toujours voué une affection naturelle au voleur. C’est comme ça, c’est dans les gênes, le Français est rebelle. Donc, première étape, se faire aimer comme un voleur. Un peu larmoyant, un peu barbu, un peu fumeur, la clope au bec et le cheveu au vent. Un poil marcheur, nomade au grand coeur, seul ou accompagné d’un prêtre, se rendant à pied jusqu’au cachot qui l’attend, tel Jésus sur le Golgotha portant sa croix jusqu’au lieu de son supplice, tel a été le comportement de notre trader préféré. Ensuite, Kerviel s’est affiché en David pendant que la Société Générale endossait, sans le savoir, sans le vouloir, les habits de Goliath. Colosse aux pieds d’argile que Kerviel venait pourtant d’inonder et qui chancelait déjà, la banque était une baleine et le petit Jérôme était Pinocchio. Même si son nez s’allongeait dangereusement lors de chacune de ses interventions télévisées, ce n’est pas ce qui comptait dans le coeur du public. Pour le peuple désormais, le marcheur solitaire qu’était devenu le trader véreux se battait nu contre des juges en rouge et noir inféodés à la banque aux mêmes couleurs. C’est lui qu’on aima.

La carence en iode provoque un syndrome mêlant troubles physiques et mentaux, connu sous le nom de crétinisme. La présence constante de la maladie dans les régions montagneuses a laissé une expression dans le langage courant : crétin des Alpes. 
 


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