dimanche 20 octobre 2019

[Papillon, Fabrice] Régression






J'ai aimé

Titre : Régression

Auteur : Fabrice PAPILLON

Année de parution : 2019

Editeur : Belfond

Pages : 480






 

 

Présentation de l'éditeur :

Ils sont prêts.
Ils reviennent d’un lointain passé, d’une époque glorieuse.
Ils forment ce que Socrate et Homère nommaient déjà la race d’or.
Ils viennent sauver la terre, et les hommes qui peuvent encore l’être.
Pour les autres, ils n’auront aucune pitié.

L’heure du Grand Retour a sonné… et, pour le commandant Marc Brunier, celle de son ultime enquête. Une chasse à l’homme exceptionnelle à travers le monde et les âges.
 
36 000 ans avant Jésus-Christ. Une famille résiste au froid au fond d’une grotte de la péninsule Ibérique quand des hommes font irruption et massacrent les parents. Fascinés par la peau claire et les yeux bleutés du fils, les assaillants l’épargnent et l’enlèvent.


Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Journaliste scientifique, producteur de nombreux documentaires, Fabrice Papillon est l’auteur de huit ouvrages de vulgarisation scientifique, avec d’éminents savants dont Axel Kahn. Pour son premier roman, Le Dernier Hyver (Belfond, 2017), il a reçu le prix du Meilleur Polar 2018 des lecteurs de Points.


Avis : 

Il y a près de 40 000 ans, l’espèce des Homo Sapiens commençait à prendre le dessus sur les autres hominidés, tels les Néandertaliens amenés progressivement à l’extinction. De nos jours, les Sapiens, toujours plus nombreux et destructeurs, continuent à dominer la planète et à causer la disparition des autres espèces. En Corse, un premier charnier est découvert, bientôt suivis par d’autres aux quatre coins de l’Europe. L’enquête de police met rapidement au jour des détails troublants, qui pourraient remettre en cause nombre de nos certitudes quant à la suprématie de l’homme actuel.

Alternant entre l’enquête de police contemporaine, menée sur un rythme trépidant et avec une précision d’orfèvre, et une traversée des siècles où des personnages illustres et éclairés se transmettent un secret désormais sur le point d’éclore, l’auteur s’amuse à imaginer une interprétation fantaisiste de notre évolution depuis la préhistoire, jalonnée d’évocations historiques et scientifiques intelligemment détournées. Faisant du réchauffement climatique le signe d’une prochaine apocalypse d’un genre pour le moins inattendu, c’est toute la question de nos origines et de ce que nous avons infligé à cette planète et à ses autres habitants, qui est ici évoquée.

Nombreuses sont les thématiques intéressantes abordées par ce livre, comme la fin encore mystérieuse de l’homme de Néandertal, l’hypothèse de son métissage avec l’Homo Sapiens, le petit pourcentage de gênes qu’il nous a transmis, l’épigénétique et ce qu’elle explique de l’adaptation des espèces : autant d’éléments qui permettent d’appréhender l’extraordinaire évolution qui a mené jusqu’à nous aujourd’hui. Pourtant, à l’heure où les nuisances humaines compromettent l’avenir environnemental, faut-il parler de progrès ou de régression ?

Sous la forme d’un divertissement mêlant imagination et suspense à quelques considérations historiques, religieuses, philosophiques ou scientifiques, exploitées avec une astucieuse fantaisie, ce livre aborde de façon originale notre responsabilité quant à l’avenir de notre monde, nous lançant à la figure cette certitude : avec ou sans nous, la Terre continuera de tourner. (3/5)


Citations : 

Le prophète s’approcha plus près encore de son jeune adepte, et susurra :
— Jean, je te le dis : si les hommes ne retrouvent pas le chemin de la paix et de la bonté, qu’ils ne respectent ni les femmes, ni les faibles, qu’ils assèchent la terre et gaspillent les fruits que Dieu nous a confiés parce qu’ils font passer leurs plaisirs égoïstes, sans limites, avant le salut de leur âme ; alors, ils connaîtront la destruction. Comme les marchands du Temple, ils seront pourchassés et honnis. La Terre les reprendra, et les engloutira. Ensuite, avec de nombreux compagnons, je reviendrai, pour sauver ceux qui pourront l’être. Ceux qui auront été choisis, parce qu’ils auront accueilli l’âme des ancêtres que Dieu nous insuffle.
Jean trembla en entendant ces paroles effrayantes et sinistres. Était-ce bien Jésus qui s’exprimait, tout contre lui, qui annonçait de telles calamités et menaçait l’homme de destruction ?
 — Il te faudra aussi porter cette parole, Jean, même si je perçois ton émoi et tes doutes. C’est une partie essentielle de la Révélation. Me le promets-tu ?
— Oui, je te le promets…



Nous détruisons la Terre à grand feu. Savez-vous qu’au 1er août de chaque année, nous vivons à crédit ? Que nous consommons plus de ressources naturelles que la Terre est capable d’en régénérer, et que nous rejetons plus de gaz à effet de serre que la planète peut en absorber en une année ? À partir du 2 août, vivre est, en soi, un acte criminel.



Lamarck était embarrassé. La fin qui s’approchait poussait le maître à ressasser de vieilles lubies dont il s’était pourtant lui-même affranchi, depuis des années.
— Eh bien… Je crois me souvenir, Maître, de ces mots qui ont fait couler beaucoup d’encre… Vous affirmiez qu’il n’y a eu originairement qu’une seule espèce d’hommes, qui, s’étant multipliée et répandue sur toute la surface de la Terre, a subi différents changements par l’influence du climat, par la différence de la manière de vivre…
Buffon toussa brutalement et manqua de s’étouffer. Lamarck se précipita et le redressa du mieux qu’il put. Il remonta son oreiller garni de plumes d’oie.
— Maître, voulez-vous que je fasse mander un médecin ?
— Non, non ! Il faut que je vous parle, encore, Jean-Baptiste… Ces mots, que vous citez brillamment, ont plu à quelque philosophe, n’est-ce pas… ?
 — Certes. Jean-Jacques Rousseau a écrit dans son Discours sur l’inégalité qu’il vous avait lu avec attention et qu’il en déduisait que, si l’homme était né bon et pur, avant de «dégénérer», c’est alors que la civilisation l’avait perverti. L’homme serait naturellement bon, mais aurait perdu toute son innocence en raison des méfaits de la société. 



— L’épigénétique, Vannina, c’est un processus prodigieux beaucoup plus puissant que la génétique pure. Notre ADN ne comporte qu’un pour cent de gènes « codants », ceux que nous avons séquencés au début des années 2000. On pensait détenir cent mille gènes différents, et on n’en a découvert cinq fois moins ! Sais-tu combien de gènes comporte l’ADN d’une paramécie ?
(...)
— La paramécie ? C’est un microbe, c’est ça ? 
— Un organisme unicellulaire, oui. Eh bien, la paramécie possède quarante mille gènes, Vannina. Deux fois plus que l’être humain ! Et la plante du riz, idem ! Pourtant, on a l’air un peu plus sophistiqués qu’une paramécie ou qu’un pied de riz, non ? 
— …
— Écoute-moi bien : tout le secret de notre régression tient dans ce que nous ne savons voir avec les yeux. Comme le Petit Prince, tu te souviens ? On s’est concentrés pendant des décennies sur nos vingt mille gènes répartis sur nos chromosomes, alors que la vérité est ailleurs. Les quatre-vingt-dix-neuf pour cent de notre ADN qui ne portent pas nos gènes, on les a très longtemps négligés. On a même appelé ça l’«ADN poubelle». Comme s’ils ne servaient strictement à rien. Une espèce de décharge qui accumulait de vieilles séquences génétiques inopérantes et redondantes, héritées de virus, de bactéries et d’espèces animales qui nous ont précédés pendant les millions d’années de notre lente évolution. Comme si la nature avait gardé des milliards de séquences sans intérêt, et qui ne joueraient aucun rôle dans notre destin biologique ! Mais c’est tout le contraire ! Cet ADN poubelle est capable de «sculpter» notre destin biologique à une vitesse déconcertante, à l’échelle d’une vie, ce qui remet en cause les lois de l’évolution de Darwin. C’est ce qu’avait découvert Lamarck… Sais-tu que Jean-Baptiste Lamarck avait compris qu’on pouvait acquérir de nouveaux caractères biologiques dans sa vie, et les transmettre à la génération suivante ? C’est ce que nous sommes en train de faire, Vannina… Le changement est rapide, en quelques années, comme Lamarck l’avait postulé avec sa théorie du transformisme – la transformation des caractères acquis. À l’époque, il n’appelait pas ça l’épigénétique, mais c’est la même chose.



Je vais te donner un exemple : les abeilles sont toutes de parfaites jumelles. Elles ont toutes exactement le même ADN. Comme si la Terre était peuplée de milliards de Vannina, tu vois ? Eh bien, figure-toi que le seul fait de changer l’alimentation des larves peut les transformer radicalement. Avec une bouillie de miel et de pollen, les larves deviennent de simples petites ouvrières. Mais avec de la gelée royale, une larve se transforme en reine, puissante, géante, capable de pondre des milliers d’œufs ! Et ce prodige n’est possible qu’à l’aide d’un mécanisme épigénétique qui modifie l’expression des gènes de croissance de l’abeille, en fonction de son alimentation.


La Ronde des Livres - Challenge 
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