J'ai beaucoup aimé
Titre : Du côté sauvage
(On the Savage Side)
Auteur : Tiffany McDANIEL
Traduction : François HAPPE
Parution : en anglais (Etats-Unis) en 2023
en français (Gallmeister) en 2024
Pages : 720
Présentation de l'éditeur :
Arc
et Daffy sont jumelles, nées à une minute d’intervalle. Unies par leurs
indomptables chevelures rousses, les récits de leur grand-mère et une
imagination fertile, les deux sœurs sont inséparables. Ensemble, elles
fuient un quotidien sordide en plongeant dans un monde imaginaire.
Pourtant, irrémédiablement engluées dans les ténèbres familiales, elles
ne peuvent échapper aux fantômes qui les hantent. Devenue adulte, Arc
lutte toujours avec ses souvenirs lorsqu’on découvre le corps d’une
femme noyée dans la rivière. Bientôt, les cadavres s’accumulent. Alors
que ses amies disparaissent autour d’elle, Arc se rend peu à peu à
l’évidence : tenir la promesse qu’elle a faite à Daffy de les protéger
des puissants remous du "côté sauvage" de l’existence s’avère
impossible.
Le nouveau chef-d’œuvre élégiaque de Tiffany McDaniel est une ode à toutes celles qui ont disparu ou perdu un être cher, qui transcende par une plume virtuose et lumineuse.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
L'écriture de Tiffany McDaniel se nourrit des paysages de collines ondulantes et de forêts luxuriantes de la terre qu’elle connaît. Elle est également poète et plasticienne.En 2002, elle a dix-sept ans et la découverte de secrets de famille déclenche son envie d’écrire. En 2003, elle achève une première version de Betty, qu’elle envoie à des agents littéraires. Mais c’est seulement en 2017 que le prestigieux éditeur américain Knopf, maison littéraire du groupe Penguin, s’intéresse au roman. Les droits de publication à l’étranger sont cédés dans plusieurs pays, dont la France et l’Angleterre. Betty paraît en 2020. Le livre est un immense succès et remporte de nombreux prix littéraires : Prix du Roman Fnac 2020, Prix America du meilleur roman étranger 2020, Roman étranger préféré des libraires du Palmarès Livres Hebdo 2020, Prix des libraires du Québec 2021, Prix Libr’à Nous 2021 du meilleur roman étranger, Prix 2022 du club des irrésistibles des bibliothèques de Montréal.
L'été où tout a fondu, écrit quelques années après Betty, trouvera un éditeur en moins d’un mois : il s’agit donc du premier roman publié de Tiffany McDaniel, même si c’est le 5e ou 6e dans l’ordre d’écriture.
Tiffany McDaniel a obtenu le titre de Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres en juillet 2021.
Tout à leurs rêves d’enfants, les deux petites jumelles Arc et Daffy n’en sont pas moins confrontées à de bien dures réalités. Depuis qu’une overdose a emporté leur père, les « johns », autrement dit les michetons, seuls moyens pour leur mère et leur tante à la dérive de financer leur dépendance à l’héroïne, défilent à la maison, égarant parfois leur convoitise jusqu’aux fillettes. Leur grand-mère leur ayant appris à raccommoder le « côté sauvage » de l’existence comme l’on rentre les bouts de fils au revers d’une couverture au crochet, elles parviennent toutefois, à force de fantaisie et d’imagination, à retourner la vilaine face du monde pour en fantasmer une plus jolie version.
Elles conserveront cette habitude leur vie durant, bien après la mort de « mamie Milkweed », et même quand, désormais de jeunes femmes, la réalité sordide s’avérant de plus en plus difficile à conjurer, elles se seront elles aussi mises à chercher dans la drogue une nouvelle forme d’évasion. Comme leurs amies reines le temps d’un shoot mais bien vite rendues aux inextricables ténèbres de leur milieu d’origine, elles essaieront jusqu’au bout d’oublier la violence, la déchéance et la peur, surtout lorsque la rivière commencera à les voir flotter une par une dans ses eaux, mortes assassinées, sans que cela émeuve grand monde. De toute façon, Arc le sait depuis ses onze ans et son enfance abusée : « à qui pouvez-vous dénoncer les démons quand les démons sont ceux-là mêmes à qui vous allez les dénoncer ? »
D’un réalisme du noir le plus épais pour autant exempt de misérabilisme, ce roman social inspiré d’un sauvage fait divers s’illumine d’une langue tout en poésie, opposant à l’horrible crudité des faits une fantaisie enfantine pleine de fraîcheur, relayée par une sagesse merveilleusement imagée. Celle d’abord d’une grand-mère tâchant de préserver ses petites-filles avec le peu de moyens dont elle dispose, faite sienne ensuite par Arc la narratrice, d’autant plus touchante d’humanité et de dignité qu’elle n’a que cela comme bouclier face au déterminisme social et toutes les catastrophes qu’il lui réserve. Lorsque l’on naît au fond du trou, il est très difficile d’échapper aux pierres que la vie jette.
Après Betty et L’été où tout a fondu, Tiffany McDaniel tire de son Ohio natal une nouvelle tragédie sociale, reflet d’une réalité cruelle qu’elle investit avec plus de flamboyance que jamais. (4/5)
Avis :
En 2015 à Chillicothe dans l’Ohio, la disparition jamais élucidée de six femmes, toutes des prostituées junkies, dont quatre retrouvées mortes dans un cours d’eau, faisait courir la rumeur d’un tueur en série négligé par la police en raison du piètre statut des victimes. L’une d’elles ayant fréquenté la même école que Tiffany McDaniel, l’auteur leur rend hommage dans un roman entre ombre et lumière, aussi noir que somptueusement onirique.Tout à leurs rêves d’enfants, les deux petites jumelles Arc et Daffy n’en sont pas moins confrontées à de bien dures réalités. Depuis qu’une overdose a emporté leur père, les « johns », autrement dit les michetons, seuls moyens pour leur mère et leur tante à la dérive de financer leur dépendance à l’héroïne, défilent à la maison, égarant parfois leur convoitise jusqu’aux fillettes. Leur grand-mère leur ayant appris à raccommoder le « côté sauvage » de l’existence comme l’on rentre les bouts de fils au revers d’une couverture au crochet, elles parviennent toutefois, à force de fantaisie et d’imagination, à retourner la vilaine face du monde pour en fantasmer une plus jolie version.
Elles conserveront cette habitude leur vie durant, bien après la mort de « mamie Milkweed », et même quand, désormais de jeunes femmes, la réalité sordide s’avérant de plus en plus difficile à conjurer, elles se seront elles aussi mises à chercher dans la drogue une nouvelle forme d’évasion. Comme leurs amies reines le temps d’un shoot mais bien vite rendues aux inextricables ténèbres de leur milieu d’origine, elles essaieront jusqu’au bout d’oublier la violence, la déchéance et la peur, surtout lorsque la rivière commencera à les voir flotter une par une dans ses eaux, mortes assassinées, sans que cela émeuve grand monde. De toute façon, Arc le sait depuis ses onze ans et son enfance abusée : « à qui pouvez-vous dénoncer les démons quand les démons sont ceux-là mêmes à qui vous allez les dénoncer ? »
D’un réalisme du noir le plus épais pour autant exempt de misérabilisme, ce roman social inspiré d’un sauvage fait divers s’illumine d’une langue tout en poésie, opposant à l’horrible crudité des faits une fantaisie enfantine pleine de fraîcheur, relayée par une sagesse merveilleusement imagée. Celle d’abord d’une grand-mère tâchant de préserver ses petites-filles avec le peu de moyens dont elle dispose, faite sienne ensuite par Arc la narratrice, d’autant plus touchante d’humanité et de dignité qu’elle n’a que cela comme bouclier face au déterminisme social et toutes les catastrophes qu’il lui réserve. Lorsque l’on naît au fond du trou, il est très difficile d’échapper aux pierres que la vie jette.
Après Betty et L’été où tout a fondu, Tiffany McDaniel tire de son Ohio natal une nouvelle tragédie sociale, reflet d’une réalité cruelle qu’elle investit avec plus de flamboyance que jamais. (4/5)
Citations :
Ma mère a été une droguée presque toute ma vie, lui dis-je. Autrefois, je croyais qu’un jour elle se réveillerait et n’en serait plus une. J’ai essayé de l’aider de la seule manière que je pouvais imaginer en tant qu’enfant. Je prenais de petits objets. Une cuiller, une pince à linge, une capsule de bouteille. Je les mettais sur le bord de la table et je les poussais, prétendant que c’étaient les choses mauvaises de sa vie et que si elles pouvaient simplement tomber loin d’elle, tout irait mieux et elle cesserait de se détruire. Comme rien ne se passait, j’ai commencé à penser que c’était parce qu’elle ne m’aimait pas assez. Et je me suis mise à la détester. Mais plus je détestais ma mère, plus je me détestais moi-même. Ces choses-là sont liées, tu sais. Et même quand je suis dans une pièce remplie de gens, je suis toujours surprise de me sentir aussi seule, parce que la personne dont j’ai besoin n’est pas là. Une fille sans sa mère est une femme perdue en mer. C’est sa mère qui la sauve. Mais si la mère n’est pas là, la fille sera toujours perdue.
J’appelle la police tous les jours. Ils disent qu’elle est avec un dealer, ou un john, comme si elle méritait d’avoir disparu. Ils réagissent comme si je prenais trop de leur précieux temps. Comme si j’appelais à propos d’une chaussette perdue. Quelque chose qu’on peut remplacer aussi facilement que ça.
Les vies perdues en raison de la dépendance à la drogue ne sont pas toujours celles de ceux qui se droguent. Parfois, vous mourez parce que l’être que vous aimez est l’une de ces personnes dépendantes.
Quelle que soit l’origine de la dépendance, la fin est généralement la même. Des sirènes qui hurlent dans la rue. Un corps, étendu tout près d’un autre. Des croix blanches au bord des grandes routes.
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