samedi 14 septembre 2024

[Snégaroff, Thomas] Les vies rêvées de la baronne d'Oettingen

 



 

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Titre : Les vies rêvées de la baronne
            d'Oettingen

Auteur : Thomas SNEGAROFF

Parution : 2024 (Albin Michel)

Pages : 256

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Qui était Hélène d’Oettingen, née Elena Miontchinska en Ukraine avant de devenir l’une des grandes figures de la Belle Époque ? Peintre, poétesse, romancière, cette femme passionnée et avant-gardiste fut à la fois muse et mécène, empruntant autant de pseudonymes que de vies. Derrière, une seule et même personnalité hors du commun.
Habité par la légende de son arrière-grand-père, célèbre imprimeur d’art et ami d’Hélène, Thomas Snégaroff retrace le destin de cette femme mystérieuse, morte dans l’anonymat et la pauvreté. Au fil d’une enquête littéraire, il fait de la vie d’Hélène d’Oettingen un roman.
C’est toute la bohème fiévreuse de Montparnasse qui est ici convoquée, celle de Modigliani, d’Apollinaire, du Douanier Rousseau ou de Picasso, dans les ombres et les lumières des vies rêvées d’une femme éprise de liberté.

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Thomas Snégaroff, journaliste et historien, est l’auteur d’essais consacrés à l’histoire de l’Amérique, et d’un roman, Putzi, le pianiste d’Hitler (Gallimard, 2020) qui a rencontré un grand succès.

 

Avis :

Alors que se remettant d’un cancer du sang, Thomas Snégaroff s’interroge sur son histoire et sur celle, trouée de silences, de sa famille, le voilà qui, s’acharnant sur le tiroir resté longtemps bloqué du bureau hérité de son arrière-grand-père imprimeur, y découvre des dessins signés François Angiboult, nom de peintre de la baronne d’Oettingen. L’historien qu’il est s’empresse d’enquêter, se plonge dans le Montparnasse de la Belle Epoque et, fasciné par la personnalité de cette Hélène d’Oettingen qui côtoya les plus grands artistes de son temps en tant que muse et mécène, mais aussi comme peintre, poète et écrivain sous différents pseudos, laisse libre champ à son imagination pour la faire revivre dans une œuvre de fiction.

Née en Russie d’un père inconnu et d’une comtesse polonaise, la jeune Hélène divorce sitôt mariée du Baron d’Oettingen dont elle conserve le titre et, attirée comme un papillon par les lumières de Paris, s’empresse de venir s’y installer en compagnie de son cousin Serge Férat, un peintre qu’elle fait passer pour son frère. Très fortunés, ils deviennent les mécènes du foisonnant Paris artistique de la Belle Epoque. Bientôt se pressent dans les salons d’Hélène tout ceux qui comptent dans l’art moderne, en tête desquels et parmi tant d’autres, Apollinaire et Picasso, pendant que, tâtant elle-même, non sans succès, de la peinture et de l’écriture, elle s’impose comme une figure aussi solaire que fantasque, aux mœurs résolument émancipées et aux humeurs toujours excessives, les emportements de son âme slave ne se départissant jamais d’une irrépressible et profonde mélancolie. Mais surviennent la révolution russe et la Grande Guerre. Sa fortune sous séquestre et ses amis artistes en partie décimés, la baronne ne survivra plus qu’en vendant peu à peu ses biens et ses tableaux, pour s’éteindre dans le dénuement et l’amertume en plein mitan du XXe siècle.

Aussi multiple que ses pseudos, difficile à cerner tant elle cultiva sa liberté et son propre mythe – ses autobiographies sont le strict reflet de son inventivité –, toujours extrême et passionnée, elle fournit au romancier l’étoffe d’un personnage d’exception en même temps que le cadre fabuleux d’un monde effervescent, peuplé des plus grands noms de l’art de son siècle. Et si l’ensemble, touffu jusqu’à risquer d’effriter l’attention du lecteur dans le tourbillon des détails et des personnalités rencontrées, perd un peu de son élan romanesque dans ses aspects les plus documentaires, l’on reste fasciné par ce portrait flamboyant et par ce destin traversé par tant d’immenses figures artistiques. Il est heureux qu’un tiroir décoincé lui ait permis de sortir de l’oubli ! (3,5/5)

 

Citations : 

À part Max Jacob qui semble accroché à sa Butte Montmartre, tout ce que Paris compte d’artistes ou de poètes a posé ses bagages à Montparnasse. Picasso a, comme toujours, montré la voie. Qu’on le veuille ou non, on se croise sans cesse dans ce village des arts dont Apollinaire est à la fois la boussole et le gouvernail.

Hélène, Roch, François ou Léonard. La baronne, le peintre, l’écrivain ou le poète. Femme ou homme, jusqu’à la tombée de la nuit. Certains insectes éphémères ne vivent-ils pas qu’une seule journée ?

Hélène se met aussi à écrire des romans dans lesquels elle parle des carpes et des déchirures de l’enfance, de ses voyages en train, des thermes et des ruines de l’Italie, de ses souvenirs de la guerre, aussi. Elle y entrelace des fictions, du merveilleux, comme pour y perdre le réel. Quel intérêt de raconter la vie telle qu’elle a été ? Elle s’amuse à imaginer le lecteur du futur tentant, en vain bien sûr, de démêler les fils du réel de ceux de l’invention. Après tout, le fruit de son imagination n’est-il pas davantage elle-même que ce qu’elle a réellement vécu ? Ce que l’on rêve dit plus de la vérité de notre âme que ce que l’on vit. Qui peut prétendre qu’un mausolée ressemble trait pour trait à la personne à qui il rend hommage ?


 

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