samedi 16 octobre 2021

[Tharreau, Estelle] Les eaux noires

 






J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Les eaux noires

Auteur : Estelle THARREAU

Parution : 2021 (Taurnada)

Pages : 256

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :    

Lorsque les eaux noires recrachent le corps de la fille de Joséfa, personne ne peut imaginer la descente aux enfers qui attend les habitants de la Baie des Naufragés.
L'assassin restant introuvable, à l'abri des petits secrets et des grands vices, une mécanique de malheur va alors tout balayer sur son passage…
Les révélations d'un corbeau, la détresse d'une mère et le cynisme d'un flic alimenteront l'engrenage de la rumeur, de la suspicion et de la haine.
Joséfa réussira-t-elle à survivre à la vérité ?

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Après avoir travaillé dans le secteur privé et public, cette passionnée de littérature sort son premier roman en 2016, Orages, suivi de L'impasse en 2017. Depuis, elle se consacre entièrement à l'écriture.

 

 

Avis :

Lorsque le corps de sa fille est rejeté par les eaux noires de la Baie des Naufragés, Joséfa n’a plus qu’une obsession du fond de sa détresse : que l’on identifie l’assassin. Mais l’enquête piétine, tandis que ragots et suspicions font rage, aiguillonnés par les insinuations venimeuses d’un mystérieux corbeau…

Ce modeste et minuscule quartier, situé à l’écart d’une petite station balnéaire du nord de la France, ne respirait déjà pas vraiment la joie de vivre en temps ordinaire. L’atmosphère y devient carrément poisseuse, lorsque ses quelques habitants se retrouvent l’objet de tous les soupçons. Si la plupart n’ont rien à se reprocher dans cette affaire de meurtre, aucun n’a très envie d’attirer l’attention sur ses petites habitudes et ses travers cachés sous les apparences de la respectabilité. Alors, tout ce petit monde s’observe avec méfiance, dans un climat propice aux pires rumeurs et calomnies. Celles-ci n’exacerbent que davantage une nervosité qu’un rien peut incendier, sans même parler des insidieux messages anonymes agissant comme de l’huile sur le feu.

Dans ce huis clos méphitique, évoluent des personnages aux multiples failles et zones d’ombre. Tous agissent, avec plutôt moins que plus de bonheur, en fonction d’intérêts et de sentiments mal contrôlés et mal assumés, dans un quotidien étriqué où les frustrations et les rancoeurs, mêlées de honte et de culpabilité, fermentent mesquinement dans la peur du qu’en dira-t-on et le souci de l’acceptation sociale.
Comble de l’hypocrisie quand son mutisme revient à couvrir un grand crime, cette petite société finit par se donner bonne conscience en se vengeant de ses propres lâchetés et compromissions par le lynchage de ceux qu’elle croit, sans preuve, coupables de petits vices. De même, elle en arrive à se dédouaner de ses responsabilités, en se prenant à douter des bonnes mœurs de la victime et de sa mère, dont le malheur porté avec colère et agressivité dérange. L’on n’aime guère se voir tendre un miroir de ses propres faiblesses, alors, faute d’un vrai coupable, l’on accuse les victimes de l’avoir finalement bien cherché, et l’on prend sa revanche avec d’autant plus de virulence, que l’on s’attaque, à bon compte et sans preuve, à quelque fautif commodément trouvé pour servir de dérivatif.

Bien plus que l’intrigue elle-même et son suspense somme toute modéré, c’est la manière dont l’auteur réussit à épaissir son ambiance fétide, à décortiquer le processus ravageur de la rumeur, et à faire fermenter les rancoeurs au sein d’un échantillon ordinaire et représentatif de notre société, qui impressionne le lecteur. Car, et c’est bien le plus terrible, tout y est d’une parfaite justesse psychologique et d’une totale crédibilité. (4/5)

 

 

Citations :

Elle alluma. Comme elle, tout était propre, inerte et usé. La propreté était la pierre angulaire de sa dignité. Ce qu’elle devait préserver pour faire oublier le reste. Joséfa ne vivait pas dans la pauvreté. Elle se tenait juste au bord de ce précipice, dans cet équilibre incertain qu’on appelle pudiquement la précarité. Tout comme elle, sa maison en était remplie : une femme et des objets vieux jamais renouvelés, jamais ménagés, toujours sous pression, utilisés jusqu’à la corde, rafistolés avec les moyens du bord sans avoir l’assurance de tenir jusqu’au bout. Un être et des choses du passé, incrustés dans le présent et au futur impossible.

La précarité, c’était cela aussi : ne pas avoir les moyens financiers de s’enfuir et de recommencer une nouvelle vie, ailleurs, loin de ses démons et de ses bourreaux.

 

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