Coup de coeur 💓
Titre : The White Darkness
Auteur : David GRANN
Traducteur : Johan-Frédérik HEL GUEDJ
Parution : 2018 en anglais (Etats-Unis)
2021 en français
(Editions du Sous-Sol)
Pages : 160
Présentation de l'éditeur :
Comme souvent dans les récits de David Grann, un homme est dévoré par son idéal.
Ce personnage d’un autre temps sorti tout droit d’un film de Werner Herzog, se nomme Henry Worsley. The White Darkness raconte son extraordinaire histoire. Celle d’un militaire britannique fasciné par l’exemple d’Ernest Shackleton (1874-1922) et par ses expéditions polaires ; un homme excentrique, généreux, d’une volonté exceptionnelle, qui réussira ce que Shackleton avait raté un siècle plus tôt : relier à pied une extrémité du continent à l’autre. Une fois à la retraite, il tentera d’aller encore plus loin en traversant l’Antarctique seul, sans assistance.
Il abandonne tout près du but, dans un état de santé tel qu’il meurt quelques heures après son sauvetage. Édifiant destin d’un homme perdu par une quête d’impossible, qui n’est pas sans rappeler Percy Fawcett, autre explorateur guidé par une obsession, dont David Grann avait conté l’histoire dans La Cité perdue de Z.
“Tout le monde a son Antarctique”, a écrit Thomas Pynchon, rien n’est moins vrai dans ce récit magnifique qu’on ne peut lâcher avant de l’avoir accompagné jusqu’à son terme.
Ce personnage d’un autre temps sorti tout droit d’un film de Werner Herzog, se nomme Henry Worsley. The White Darkness raconte son extraordinaire histoire. Celle d’un militaire britannique fasciné par l’exemple d’Ernest Shackleton (1874-1922) et par ses expéditions polaires ; un homme excentrique, généreux, d’une volonté exceptionnelle, qui réussira ce que Shackleton avait raté un siècle plus tôt : relier à pied une extrémité du continent à l’autre. Une fois à la retraite, il tentera d’aller encore plus loin en traversant l’Antarctique seul, sans assistance.
Il abandonne tout près du but, dans un état de santé tel qu’il meurt quelques heures après son sauvetage. Édifiant destin d’un homme perdu par une quête d’impossible, qui n’est pas sans rappeler Percy Fawcett, autre explorateur guidé par une obsession, dont David Grann avait conté l’histoire dans La Cité perdue de Z.
“Tout le monde a son Antarctique”, a écrit Thomas Pynchon, rien n’est moins vrai dans ce récit magnifique qu’on ne peut lâcher avant de l’avoir accompagné jusqu’à son terme.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Né en 1967 à New York, il débute sa carrière de journaliste au
Mexique puis collabore à plusieurs journaux, parmi lesquels le New York Times Magazine et le Washington Post. Ancien rédacteur en chef de The New Republic et The Hill, David Grann est depuis 2003 journaliste au New Yorker. Salué par ses pairs, il fut finaliste du prestigieux National Magazine Awards en 2010. En France, La Cité perdue de Z. (2010) a paru aux éditions Robert Laffont. Les éditions Allia, qui comptent déjà à leur catalogue Un crime parfait (2009), Le Caméléon (2009) et Trial by Fire (2010), ont publié en janvier 2013 Chronique d’un meurtre annoncé.
Avis :
En 2015, Henry Worsley, ancien officier de l’armée britannique, entreprend à cinquante-cinq ans la traversée pédestre de l’Antarctique, en solitaire et sans assistance. Ce n’est pas sa première expédition polaire, puisque, depuis toujours fasciné par Ernest Shackleton, il avait déjà relié à pied les deux extrémités du continent, en équipe, menant à bien ce que son prédécesseur n’avait pu terminer cent ans plus tôt. Réussira-t-il ce nouvel exploit que les plus grands spécialistes jugent inouï ?
A pied, sans ravitaillement en cours de route, sans chiens ni voile pour l’aider à tirer son traîneau sur les plus de mille six cents kilomètres de son périple, Henry Worsley part pour ce qu’il estime quatre-vingts jours d’épreuves, au travers d’un désert où les températures peuvent atteindre moins soixante degrés, les vents trois cent vingt kilomètres à l’heure, et où l’altitude moyenne de deux mille trois cents mètres s’accompagne de dénivelés abrupts parsemés de dangereuses et traîtresses crevasses. Y sévissent de terrifiants épisodes de whiteout, lorsque l’absence totale de visibilité dans un univers uniformément blanc fait perdre tout repère et jusqu’au sens-même de l‘équilibre. Survivre dans un tel environnement exige une condition physique, un mental et des capacités hors normes. Ce dont notre homme dispose comme personne…
A pied, sans ravitaillement en cours de route, sans chiens ni voile pour l’aider à tirer son traîneau sur les plus de mille six cents kilomètres de son périple, Henry Worsley part pour ce qu’il estime quatre-vingts jours d’épreuves, au travers d’un désert où les températures peuvent atteindre moins soixante degrés, les vents trois cent vingt kilomètres à l’heure, et où l’altitude moyenne de deux mille trois cents mètres s’accompagne de dénivelés abrupts parsemés de dangereuses et traîtresses crevasses. Y sévissent de terrifiants épisodes de whiteout, lorsque l’absence totale de visibilité dans un univers uniformément blanc fait perdre tout repère et jusqu’au sens-même de l‘équilibre. Survivre dans un tel environnement exige une condition physique, un mental et des capacités hors normes. Ce dont notre homme dispose comme personne…
Accompagné d'appréciables photographies, le récit embraye directement au plus profond de l’aventure, instituant dès le début une tension qui ne va pas lâcher le lecteur. Henry Worsley est parvenu aux trois quarts de son trajet et, épuisé, il doute. Doit-il s’entêter ou rester fidèle à cette phrase qui a sauvé son cher Shackleton plusieurs fois : “Mieux vaut un âne vivant qu’un lion mort” ? La réponse attendra la fin du livre, le temps d’un arrêt sur image et d’un long flash-back, qui vont nous permettre de comprendre l’obsession d’Henry pour son héros, l’influence de ce dernier sur toute sa vie et sa carrière, et son inextinguible besoin de dépassement de soi. Ce sont ainsi deux fascinants aventuriers, séparés d’un siècle, que le récit nous fait rencontrer, dans une narration fascinante qui fait la part belle à leurs extraordinaires personnalités, autant qu’aux incroyables rebonds de leurs destins. Plongé depuis son fauteuil dans l’aventure la plus extrême, la plus dépaysante et souvent la plus étonnante, le lecteur captivé en prend plein les yeux. Il ne peut que frémir face au niveau d’engagement de ces hommes, constamment à la limite du point de rupture, et que leurs incursions répétées dans la zone rouge du danger exposent à l’inéluctable.
Les ultimes rebondissements du périple d’Henry Worsley ne seront finalement pas ceux auxquels, ni lui-même, ni le lecteur, pouvaient s’attendre. Après la trépidation et les sensations de l’aventure par procuration, ce dernier n’échappera pas à l’émotion et restera songeur face à la puissance de certains destins. Coup de coeur. (5/5)
Les ultimes rebondissements du périple d’Henry Worsley ne seront finalement pas ceux auxquels, ni lui-même, ni le lecteur, pouvaient s’attendre. Après la trépidation et les sensations de l’aventure par procuration, ce dernier n’échappera pas à l’émotion et restera songeur face à la puissance de certains destins. Coup de coeur. (5/5)
Citations :
Le succès n’est pas une finalité, l’échec n’est pas une fatalité : c’est le courage de continuer qui compte.
Quatre ans plus tard, prenant son premier commandement, il commença à mettre sur pied l’expédition Nimrod. Cette fois, ses trois compagnons et lui arrivèrent plus près du pôle Sud que quiconque avant eux : quatre-vingt-dix-sept milles marins. (Le mille marin, utilisé en navigation polaire, équivaut à 1 852 mètres.) Pourtant, inquiet du bien-être de ses hommes, Shackleton battit à nouveau en retraite. Après son retour en Angleterre, il ne discuta pas de son échec avec son épouse, Emily, mais lui glissa : “Un âne vivant vaut mieux qu’un lion mort, n’est-ce pas ?
– Oui, mon chéri, c’est aussi mon avis”, lui répondit-elle.
Le 18 janvier 1915, à moins de cent cinquante kilomètres du camp de base, l’Endurance se trouva prise dans la mer de glace – figée, selon la formule de l’un des hommes, “comme une amande au milieu d’une barre de chocolat”. La banquise flottante dérivait au large, emportant l’Endurance avec elle, et fin février, avec le début de l’hiver, Shackleton comprit que son équipage et lui-même resteraient emprisonnés à bord de leur navire enserré dans les glaces jusqu’à la fonte de novembre.
Quatre ans plus tard, prenant son premier commandement, il commença à mettre sur pied l’expédition Nimrod. Cette fois, ses trois compagnons et lui arrivèrent plus près du pôle Sud que quiconque avant eux : quatre-vingt-dix-sept milles marins. (Le mille marin, utilisé en navigation polaire, équivaut à 1 852 mètres.) Pourtant, inquiet du bien-être de ses hommes, Shackleton battit à nouveau en retraite. Après son retour en Angleterre, il ne discuta pas de son échec avec son épouse, Emily, mais lui glissa : “Un âne vivant vaut mieux qu’un lion mort, n’est-ce pas ?
– Oui, mon chéri, c’est aussi mon avis”, lui répondit-elle.
Le 18 janvier 1915, à moins de cent cinquante kilomètres du camp de base, l’Endurance se trouva prise dans la mer de glace – figée, selon la formule de l’un des hommes, “comme une amande au milieu d’une barre de chocolat”. La banquise flottante dérivait au large, emportant l’Endurance avec elle, et fin février, avec le début de l’hiver, Shackleton comprit que son équipage et lui-même resteraient emprisonnés à bord de leur navire enserré dans les glaces jusqu’à la fonte de novembre.
Ils restèrent plusieurs mois pris au piège sous des tentes sur leur île de glace qu’ils baptisèrent “Patience Camp”. Frank Worsley se demandait “pourquoi les gens avaient toujours représenté l’enfer comme un endroit où il fait chaud” et non comme un royaume aussi “froid que la glace qui semble devoir devenir notre tombeau”.
Ainsi que le remarqua l’historien Max Jones dans son livre The Last Great Quest (“la dernière grande quête”) paru en 2003, les héros sont un reflet des sociétés qui les admirent.
Ainsi que le remarqua l’historien Max Jones dans son livre The Last Great Quest (“la dernière grande quête”) paru en 2003, les héros sont un reflet des sociétés qui les admirent.
Plus il étudiait l’Antarctique, plus elle lui semblait redoutable. Le continent s’étend sur près de quatorze millions de kilomètres carrés – davantage que l’Europe – et l’hiver, quand ses eaux littorales gèlent, il double de taille. Approximativement quatre-vingt-dix-huit pour cent de l’Antarctique sont couverts d’une calotte glaciaire qui se soulève, s’abaisse et se plisse suivant une topographie très changeante. Cette calotte épaisse par endroits de cinq mille mètres contient à peu près soixante-dix pour cent de l’eau douce et quatre-vingt-dix pour cent de la glace de la Terre.
Pourtant, à cause de très faibles niveaux de précipitations, l’Antarctique entre dans la catégorie des déserts. C’est à la fois le continent le plus sec et le plus haut, avec une élévation moyenne de deux mille trois cents mètres. C’est aussi le plus venteux, avec des rafales de vent atteignant trois cent vingt kilomètres à l’heure, et le plus froid, avec des températures qui chutent dans l’intérieur des terres à moins soixante degrés. (Des scientifiques se sont servis de l’Antarctique pour tester des combinaisons spéciales destinées à l’exploration de Mars, où la température moyenne est de moins cinquante-cinq degrés.)Plus il étudiait l’Antarctique, plus elle lui semblait redoutable. Le continent s’étend sur près de quatorze millions de kilomètres carrés – davantage que l’Europe – et l’hiver, quand ses eaux littorales gèlent, il double de taille. Approximativement quatre-vingt-dix-huit pour cent de l’Antarctique sont couverts d’une calotte glaciaire qui se soulève, s’abaisse et se plisse suivant une topographie très changeante. Cette calotte épaisse par endroits de cinq mille mètres contient à peu près soixante-dix pour cent de l’eau douce et quatre-vingt-dix pour cent de la glace de la Terre.
Devant la station de recherche, une tige de métal étincelant surgie de la glace à hauteur de la taille était surmontée d’un sextant en laiton. Les scientifiques de la base s’en servaient comme marqueur du pôle Sud – l’endroit où convergent toutes les lignes de longitude et où la Terre ne tourne pas. Cette tige étant plantée dans une calotte glaciaire mouvante, elle devait être repositionnée tous les ans de quelques dizaines de centimètres, afin de coïncider avec l’emplacement précis du pôle.
Il estimait qu’il lui faudrait trois semaines pour achever le reste de son périple, et il espérait que le plus dur était derrière lui. Dans son journal, il avait écrit : “Prions simplement que la route vers le nord soit beaucoup plus facile.” Pourtant, sur les pentes du dôme Titan, il trouva l’ascension “mortelle”. Il avait perdu plus de dix-huit kilos et ses vêtements sales lui pesaient. “Toujours très faible – les jambes comme des allumettes et les bras maigrichons”, notait-il dans son journal. Il avait les yeux creusés, ourlés de cernes. Ses doigts étaient engourdis. Ses tendons d’Achille étaient enflés. Ses hanches étaient marbrées de contusions, éraflées par les secousses du harnais. Il s’était cassé une incisive en mordant dans une barre de protéine gelée et il avait plaisanté avec l’opérateur d’ALE sur son allure de pirate. L’altitude lui provoquait des étourdissements et il avait des hémorroïdes sanglantes.
Pourtant, à cause de très faibles niveaux de précipitations, l’Antarctique entre dans la catégorie des déserts. C’est à la fois le continent le plus sec et le plus haut, avec une élévation moyenne de deux mille trois cents mètres. C’est aussi le plus venteux, avec des rafales de vent atteignant trois cent vingt kilomètres à l’heure, et le plus froid, avec des températures qui chutent dans l’intérieur des terres à moins soixante degrés. (Des scientifiques se sont servis de l’Antarctique pour tester des combinaisons spéciales destinées à l’exploration de Mars, où la température moyenne est de moins cinquante-cinq degrés.)Plus il étudiait l’Antarctique, plus elle lui semblait redoutable. Le continent s’étend sur près de quatorze millions de kilomètres carrés – davantage que l’Europe – et l’hiver, quand ses eaux littorales gèlent, il double de taille. Approximativement quatre-vingt-dix-huit pour cent de l’Antarctique sont couverts d’une calotte glaciaire qui se soulève, s’abaisse et se plisse suivant une topographie très changeante. Cette calotte épaisse par endroits de cinq mille mètres contient à peu près soixante-dix pour cent de l’eau douce et quatre-vingt-dix pour cent de la glace de la Terre.
Devant la station de recherche, une tige de métal étincelant surgie de la glace à hauteur de la taille était surmontée d’un sextant en laiton. Les scientifiques de la base s’en servaient comme marqueur du pôle Sud – l’endroit où convergent toutes les lignes de longitude et où la Terre ne tourne pas. Cette tige étant plantée dans une calotte glaciaire mouvante, elle devait être repositionnée tous les ans de quelques dizaines de centimètres, afin de coïncider avec l’emplacement précis du pôle.
Il estimait qu’il lui faudrait trois semaines pour achever le reste de son périple, et il espérait que le plus dur était derrière lui. Dans son journal, il avait écrit : “Prions simplement que la route vers le nord soit beaucoup plus facile.” Pourtant, sur les pentes du dôme Titan, il trouva l’ascension “mortelle”. Il avait perdu plus de dix-huit kilos et ses vêtements sales lui pesaient. “Toujours très faible – les jambes comme des allumettes et les bras maigrichons”, notait-il dans son journal. Il avait les yeux creusés, ourlés de cernes. Ses doigts étaient engourdis. Ses tendons d’Achille étaient enflés. Ses hanches étaient marbrées de contusions, éraflées par les secousses du harnais. Il s’était cassé une incisive en mordant dans une barre de protéine gelée et il avait plaisanté avec l’opérateur d’ALE sur son allure de pirate. L’altitude lui provoquait des étourdissements et il avait des hémorroïdes sanglantes.
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