mardi 4 juin 2019

[Yvars, Alain] Que les blés sont beaux : l'ultime voyage de Vincent Van Gogh







Coup de coeur 💓

Titre : Que les blés sont beaux

Auteur : Alain YVARS

Année de parution : 2018

Editeur : Independently Published

Pages : 238








 

Présentation de l'éditeur :   

Une prémonition ? : « Je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d’alors apparussent comme des apparitions. » 
En écrivant cette phrase à sa sœur Wil, le 5 juin 1890, Vincent Van Gogh pouvait-il se douter que son souhait se réaliserait ? 

Je me suis rendu dans cette petite commune d’Auvers-sur-Oise où la présence de Vincent Van Gogh est toujours perceptible. Je l’ai rencontré. Il est devenu un ami. Je n’ai eu qu’à l’écouter. Tour à tour joyeux, mélancolique, il m’a raconté, au jour le jour, son activité durant les deux mois qu’il a passés dans cette ville où il était venu pour oublier son mal et se soigner. Intarissable, il m’a fait tout partager : ses joies, ses doutes, ses rencontres, sa tendresse pour son frère Théo. Il m’a décrit ses journées occupées à courir la campagne en quête de motifs et de modèles. Au sommet de son art, il peignait parfois plus d’un tableau par jour. Il m’a expliqué sa technique, sa passion pour cette peinture qui lui faisait dire : « Il y a du bon de travailler pour les gens qui ne savent pas ce que c'est qu'un tableau ».



Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Ayant toujours vécu dans la région parisienne, Alain Yvars, depuis la fin de sa vie professionnelle dans la gestion d'entreprise, a gardé intacte la passion de sa vie : la peinture. Après avoir peint de longues années, le blog qu’il a créé, « Si l’art était conté », est consacré à des récits, nouvelles, et écrits divers sur l’art. Il aime imaginer dans leur contexte historique les peintres qui ont fait l’histoire de l’art, ce qui lui permet de s’inspirer de leur talent pour écrire ses récits.

Son premier roman Que les blés sont beaux se veut un hommage à Vincent Van Gogh universellement admiré de nos jours. Des années de recherches dans l’impressionnante correspondance de l’artiste, divers documents, et de nombreuses visites dans les archives de la BNF ont été nécessaires pour donner une âme au livre. Il nous fait découvrir l’artiste qu’il a suivi au jour le jour durant deux mois à Auvers-sur-Oise : l’homme nous apparaît avec sa sensibilité, sa culture littéraire et artistique, son amour de la nature et des gens.


Après avoir obtenu, pour des pastels, diverses distinctions dans des expositions régionales de peinture et un prix dans un concours de nouvelles, quatre de ses nouvelles ont été enregistrées en livres audio.


Accédez à mon interview d'Alain Yvars le11 juin 2019.



Avis :

Nous sommes en juin 1890. Sur les conseils de son frère Théo, Vincent Van Gogh, à peine remis de ses dernières crises de violence qui l’ont amené à se faire interner lors de son séjour à Arles, décide de s’établir à Auvers-sur-Oise, où réside le docteur Gachet. Enchanté par cette campagne paisible où il est accueilli avec bienveillance, ragaillardi par la proximité de Théo et de sa femme Jo, Vincent se consacre à la peinture avec frénésie. Il est alors au sommet de son art. Pourtant, ses tableaux, avant-gardistes, ne se vendent pas. Il mène une vie indigente, aux crochets d’un frère qui connaît lui-même quelques difficultés financières. La trêve sera de courte durée, deux mois d’un été qui se terminera tragiquement, mais qui aura vu l’apothéose du talent de l’artiste.

Alain Yvars a mis à profit tout son amour de la peinture et toutes ses connaissances accumulées au cours d’un immense travail de documentation, pour se glisser dans la peau de Vincent et narrer en son nom ces deux mois passés à Auvers-sur-Oise. Il en résulte un roman parfaitement fidèle à la réalité connue, empreint de charme et de délicatesse, au ton délicieusement suranné et nostalgique, et à la lecture fluide et captivante. Alors que revivent lieux et atmosphères, évoqués si naturellement qu’ils en paraissent familiers, les derniers tableaux du peintre prennent forme sous nos yeux, capturant les vibrations de la vie par la seule force des couleurs.

Si le roman reste pudique sur les sentiments de Vincent, ne faisant qu’effleurer les tourments qui devaient ravager l’artiste, l’émotion est bel et bien présente au travers de l’évocation des toiles, qu’on a presque l’impression de voir naître sous nos propres doigts. Qui pouvait mieux décrire le combat de la création et la genèse de ces œuvres, qu’un autre peintre, familier des gestes nécessaires à la maîtrise du mouvement et des couleurs ?

Que les blés sont beaux
m’a fait redécouvrir certaines œuvres de Van Gogh, qu’il est dommage de ne pouvoir admirer dans cette édition mais qui sont visibles sur le blog de l’auteur. Il m’a aussi donné l’envie de retourner à Auvers-sur-Oise, que j'avais visité il y a quelques années, et où on se plairait à imaginer une exploitation touristique du roman.

Saluons par ailleurs le fait que les bénéfices de ce livre sont reversés à l’association Rêves, aidant les enfants gravement malades.

Coup de coeur. (5/5).


Merci à Alain Yvars pour sa confiance.



Citations :

J’étais dans le repère de Gachet. Des toiles, encore humides pour certaines, qu’il avait peintes récemment, déposées le long d’un mur, ne me paraissaient pas dépourvues de qualité. Un paysage hivernal brossé dans des tons ocre était bien senti. Je faillis faire tomber une pile de masques en plâtre superposés reposant sur une table. 
— Ne les cassez pas, mon ami ! Je suis membre d’une société d’anthropologie et je collectionne des moulages de têtes d’assassins qui furent exécutés par le passé. Vous avez entendu parler de Lacenaire, ce criminel écrivain et voleur ? Voici le moulage de sa tête guillotinée. 
Le docteur prit le grimaçant portrait et le contempla en ricanant. Il le reposa, en prit un autre au milieu de la pile, en caressa les formes affectueusement et le remit en place. Ces masques de cadavres blanchâtres m’impressionnaient et m’amusaient. Ce docteur est un sacré original, pensai-je !


Vincent, vous devez connaître la technique de l’eau-forte, mais je me permets de vous l’expliquer à nouveau… Comme vous le savez, c’est un procédé de gravure en creux dont l’origine remonte à plusieurs siècles… Voici une pointe sèche, un outil bien aiguisé avec lequel vous allez pouvoir exercer votre art directement sur la plaque de cuivre qui a été enduite d’un vernis spécial. Lorsque vous aurez terminé le dessin, nous ferons mordre la plaque dans un bain d’acide dilué d’eau, d’où le nom d’eau-forte… Le miracle va s’accomplir : l’acide va attaquer la plaque uniquement aux emplacements où le dessin sur le vernis a mis à nu le métal. Ensuite, celle-ci, nettoyée de son vernis, permettra de reproduire des estampes sur papier en quantité.


Je peins la vie comme je la ressens. Ma méthode : peindre en une seule fois en se donnant tout entier ; exagérer l’essentiel et laisser dans le vague, exprès, le banal. Un tableau doit être autre chose qu’un reflet de la nature dans un miroir, une copie, une imitation. J’ai compris qu’il ne fallait pas dessiner une main, mais un geste, pas une tête parfaitement exacte mais l’expression profonde qui s’en dégage, comme celle d’un bêcheur reniflant le vent quand il se redresse fatigué…


Un art populaire, tel est mon but ! Ma peinture doit pouvoir s’accrocher dans une cuisine, un corridor, un escalier. Jamais je ne serai préoccupé si elle ne figure pas en bonne place dans un salon. Ma technique peut paraître fruste, loin du classicisme qui est encore solidement implanté dans les salons officiels. Nous, les peintres contemporains, sommes en train de changer tout cela… Martinez, l’art a plus évolué dans ce seul siècle que durant tous les siècles précédents !
(…)
Je veux créer un art qui sera celui de l’avenir… Le portrait moderne est ce qui me passionne le plus dans mon métier, celui qui permet de révéler l’âme du modèle avant son apparence. Je voudrais faire des portraits qui apparaîtront aux gens qui les verront dans un siècle comme des apparitions…
 

— Qu’est-ce qu’elle vous a fait notre église ? 
Placé de biais sur la route, je n’avais pas vu arriver le jeune homme au sourire canaille planté derrière moi. Il était grand et svelte, habillé d’une chemise à rayures bleues verticales qui étiraient sa silhouette. 
— Pourquoi ? Elle ne vous plaît pas ? 
Le garçon ne répondit pas. Il observait avec attention l’oeuvre, penché sur mon épaule. Sa chevelure était aussi blonde que les blés gorgés de soleil aux alentours. Des mèches folles lui balayaient le visage en cachant partiellement ses yeux malicieux qui s’allumaient par instant d’un vert étrange. 
— Pour moi, elle souffre cette église ! 
Il se redressa, regarda le monument longuement, se pencha à nouveau vers ma toile pour vérifier ce qu’il ressentait. Il se décida : 
— C’est difficile à expliquer… votre église ne ressemble pas à notre église d’Auvers, calme, sereine. La vôtre dégage comme une douleur… Elle se plaint… On dirait qu’elle veut parler, exprimer quelque chose, sans y parvenir.
 Il remua sa bouche dans tous les sens, comme s’il malaxait quelque chose. 
— Mmm… Tout bouge dans votre tableau ! Les murs ne sont pas droits, les jointures de la toiture plient, se tordent… Cela me fait penser aux couleuvres prêtes à mordre que je dérange parfois en marchant dans les champs… Et puis ces couleurs ! Ce ciel sombre… Où est passé le soleil qui brille aujourd’hui ? Votre ciel écrabouille la malheureuse église qui est enserrée dans cette pince formée par les deux chemins de chaque côté. Elle ne risque pas de s’échapper ! Regardez vous-même, vous ne voyez pas qu’elle étouffe notre église? 
Il arrêta de parler pour contempler la bande de pré triangulaire et les chemins sablonneux de chaque côté. Il reprit : 
— La terre semble se soulever comme une vague qui s’apprête à happer l’église… Vous l’avez vraiment voulu ainsi ? Je ne voudrais pas être à la place de la femme sur le chemin qui paraît toute fragile à côté de ce vaisseau balayé par des éléments déchaînés. 
 
 
Pas facile à comprendre ma peinture, Tom… Je suis un avant-gardiste. En dix années de peinture, j’ai assimilé les différentes influences picturales des grands maîtres : Millet, Delacroix, Rembrandt… Ils ont ouvert la voie. Aujourd’hui, je me sers de ce qu’ils m’ont appris et tente, modestement, d’aller plus loin. Tom… seules la sincérité et l’émotion devant la nature doit guider notre travail. L’émotion… Celle-ci est parfois si forte que je travaille en oubliant que je peins. Les touches viennent d’elles-mêmes, avec des rapports entre elles comme des mots dans une lettre.


Les Japonais m’ont tout appris, Marguerite. A l’étude de leurs toiles, j’ai compris que l’utilisation des couleurs pures pouvait donner un résultat harmonieux. Il suffit de les mettre en musique comme vous le faites si bien avec les notes sur votre piano.


Le coin des curieux :

Le 19 juin prochain, à l'hôtel Drouot à Paris, va être mis aux enchères le revolver avec lequel Van Gogh se serait mortellement blessé. L'arme est estimée à entre 40 000 et  60 000 euros.

Trouvé par un agriculteur en 1965, dans le champ d'Auvers-sur-Oise où le peintre avait été retrouvé agonisant le 27 juillet 1890, le pistolet, difficile à authentifier formellement, est néanmoins considéré de provenance sérieuse. De même calibre que la balle responsable de la mort du peintre, il avait été remis après sa découverte au propriétaire de l'auberge Ravoux, à Auvers-sur-Oise, où résidait le peintre avant sa mort le 29 juillet 1890. Il a ensuite toujours été conservé par la même famille.

Surnommé "l'arme la plus célèbre de l'histoire de l'art", le revolver a été présenté pour la première fois en 2012, lors de la parution du livre Aurait-on retrouvé l'arme du suicide ? d'Alain Rohan. Il a été exposé par le Musée Van Gogh d'Amsterdam en 2016. L'analyse de l'arme, très abîmée, conclut qu'elle est restée dans le sol depuis une époque qui pourrait coïncider avec l'année 1890.



Visite d'Auvers-sur-Oise :

 




Du même auteur sur ce blog :

 

 

 




2 commentaires:

  1. Votre sensibilité de lectrice a parfaitement senti dans mes lignes ce que je souhaitais exprimer dans ce récit sur les deux derniers mois de Vincent. Celui-ci m’a beaucoup aidé en me racontant sa véritable histoire que l’on retrouve aisément dans les diverses correspondances et documents.
    Je ne voulais pas montrer le Van Gogh que l’on décrit habituellement, malade, triste, anxieux, fous selon certains. Sur les trois parties du livre, les deux premières sont une période heureuse pour l’artiste qui semble retrouver une joie de vivre et de peindre. Seul, le dernier mois de juillet annonce le dénouement final.
    Comme vous le faites remarquer, je voulais donner un vrai regard de peintre dans mon récit, et l’émotion est plus présente dans la description des tableaux que dans l’intrigue. Ceux qui connaissent l’œuvre reconnaîtront aisément les toiles.
    Je ne me suis pas trompé en vous confiant ce livre car vous l’avez ressenti avec le même cœur que celui que vous m’offrez gentiment à la fin de cette chronique. Un immense merci.

    PS : Très intéressant votre coin des curieux. J’avais vu sur le site du Van Gogh Museum l’histoire de ce pistolet retrouvé à Auvers et exposé en 2016 dans le musée. Vous m’apprenez que l’arme était possédée par les propriétaires de l’auberge et qu’elle sera mise en vente ce mois. Je ne connais pas le livre dont vous parlez d’Alain Rohan.

    Alain

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    Réponses
    1. C'est moi qui vous remercie pour votre confiance et pour le sincère moment de plaisir que m'a apporté votre livre : je serai très heureuse si quelques lecteurs le découvraient et partageaient ce bonheur de lecture grâce à cette chronique.

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