J'ai beaucoup aimé
Titre : Etre ici est une splendeur
Auteur : Marie DARRIEUSSECQ
Année de parution : 2016
Editeur : P.O.L
Pages : 160
Présentation de l'éditeur :
Paula Modersohn-Becker voulait peindre et c'est tout. Elle était amie
avec Rilke. Elle n'aimait pas tellement être mariée. Elle aimait le riz
au lait, la compote de pommes, marcher dans la lande, Gauguin, Cézanne,
les bains de mer, être nue au soleil, lire plutôt que gagner sa vie, et
Paris. Elle voulait peut-être un enfant - sur ce point ses journaux et
ses lettres sont ambigus. Elle a existé en vrai, de 1876 à 1907.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Marie Darrieussecq est née en 1969 au Pays Basque. Elle est écrivain et psychanalyste. Elle vit plutôt à Paris.
Avis :
Paula Modersohn-Becker (1876 - 1907) est une peintre allemande méconnue en France, même si elle y vécut quelque temps et rencontra alors les artistes de Montparnasse. Elle épousa un autre peintre, Otto Modersohn, et fut très proche du poète Rilke. Etre femme et peintre à cette époque impliquait d'office d'immenses difficultés pour se faire un nom, et convoquait d'emblée un destin hors du commun, une liberté bien au-delà de la norme.
Ce courage et ce non-conformisme se retrouvent dans la peinture de Paula, en rupture avec les conventions de son temps, et témoignant d'un style très personnel. Malgré sa modernité, Paula fut toutefois cruellement rattrapée par la condition féminine de son époque, puisqu'elle mourut à trente-et-un ans des suites d'un accouchement. Elle a laissé environ 750 toiles, dont beaucoup disparurent au cours de la seconde guerre mondiale, et qui la classent parmi les plus précoces expressionnistes allemands.
Marie Darrieussecq a choisi de faire revivre Paula en raison d'une émotion toute personnelle ressentie devant ses toiles, mais aussi d'une sympathie évidente pour cette femme qu'elle a décidé de rappeler à notre mémoire. Elle a écrit ce roman biographique en préparant une exposition sur Paula au Musée d'Art Moderne de Paris en 2016. Rien n'est inventé. Tout est fidèle à la trace qu'elle a pu reconstituer au travers d'un important travail de documentation.
Plus que son oeuvre qu'il vous faudra découvrir sur internet, c'est surtout Paula en tant que femme que nous fait connaître ce livre, dans ses espoirs et ses désillusions, son combat de pionnière pour parvenir à exister comme peintre et à affirmer son propre style. Le récit, vivant et fluide, est empreint d'émotion et de tendresse pour les personnages depuis longtemps disparus, qu'il ressuscite en pointillés à travers la brume du temps, grâce aux lettres et aux extraits de journaux qui nous sont parvenus. Le tout est globalement empreint d'une certaine tristesse, d'une sorte de compassion pour cette femme dont la vie fut si brève, mais qui réussit malgré tout, grâce à son talent, à laisser une empreinte restée injustement dans l'ombre des grands noms masculins de la peinture.
Ce livre est donc un hommage, mais aussi une tentative de réparation d'un préjudice, qui fait qu'encore aujourd'hui, le talent d'une femme tombe plus facilement dans l'oubli que celui de ses homologues masculins. Il laisse sur une frustration, celle de devoir se rendre à Brème pour contempler l'oeuvre de Paula Modersohn-Becker. (4/5)
Ce courage et ce non-conformisme se retrouvent dans la peinture de Paula, en rupture avec les conventions de son temps, et témoignant d'un style très personnel. Malgré sa modernité, Paula fut toutefois cruellement rattrapée par la condition féminine de son époque, puisqu'elle mourut à trente-et-un ans des suites d'un accouchement. Elle a laissé environ 750 toiles, dont beaucoup disparurent au cours de la seconde guerre mondiale, et qui la classent parmi les plus précoces expressionnistes allemands.
Marie Darrieussecq a choisi de faire revivre Paula en raison d'une émotion toute personnelle ressentie devant ses toiles, mais aussi d'une sympathie évidente pour cette femme qu'elle a décidé de rappeler à notre mémoire. Elle a écrit ce roman biographique en préparant une exposition sur Paula au Musée d'Art Moderne de Paris en 2016. Rien n'est inventé. Tout est fidèle à la trace qu'elle a pu reconstituer au travers d'un important travail de documentation.
Plus que son oeuvre qu'il vous faudra découvrir sur internet, c'est surtout Paula en tant que femme que nous fait connaître ce livre, dans ses espoirs et ses désillusions, son combat de pionnière pour parvenir à exister comme peintre et à affirmer son propre style. Le récit, vivant et fluide, est empreint d'émotion et de tendresse pour les personnages depuis longtemps disparus, qu'il ressuscite en pointillés à travers la brume du temps, grâce aux lettres et aux extraits de journaux qui nous sont parvenus. Le tout est globalement empreint d'une certaine tristesse, d'une sorte de compassion pour cette femme dont la vie fut si brève, mais qui réussit malgré tout, grâce à son talent, à laisser une empreinte restée injustement dans l'ombre des grands noms masculins de la peinture.
Ce livre est donc un hommage, mais aussi une tentative de réparation d'un préjudice, qui fait qu'encore aujourd'hui, le talent d'une femme tombe plus facilement dans l'oubli que celui de ses homologues masculins. Il laisse sur une frustration, celle de devoir se rendre à Brème pour contempler l'oeuvre de Paula Modersohn-Becker. (4/5)
Citations :
Les femmes n’ont pas de nom. Elles ont un prénom. Leur nom est un prêt transitoire, un signe instable, leur éphémère. Elles trouvent d’autres repères. Leur affirmation au monde, leur « être là », leur création, leur signature, en sont déterminés. Elles s’inventent dans un monde d’hommes, par effraction.
Chez Paula il y a de vraies femmes. J’ai envie de dire des femmes enfin nues : dénudées du regard masculin. Des femmes qui ne posent pas devant un homme, qui ne sont pas vues par le désir, la frustration, la possessivité, la domination, la contrariété des hommes. Les femmes dans l’œuvre de Modersohn-Becker ne sont ni aguicheuses (Gervex), ni exotiques (Gauguin), ni provocantes (Manet), ni victimes (Degas), ni éperdues (Toulouse-Lautrec), ni grosses (Renoir), ni colossales (Picasso), ni sculpturales (Puvis de Chavannes), ni éthérées (Carolus-Duran). Ni « en pâte d’amande blanche et rose » (Cabanel, moqué par Zola). Il n’y a chez Paula aucune revanche. Aucun discours. Aucun jugement. Elle montre ce qu’elle voit.
Je ne sais pas s’il existe une peinture de femmes, mais la peinture des hommes est partout. Quand Paula visite le Louvre, le musée n’expose que quatre femmes artistes : Élisabeth Vigée-Lebrun, la première à y être entrée ; Constance Mayer et ses peintures allégoriques ; Adélaïde Labille-Guiard et ses portraits au pastel ; et Hortense Haudebourt-Lescot, une artiste un peu plus récente, qui entre au Louvre début XXe. Une lettre de Rilke à Clara à propos du Salon d’automne 1907 parle d’une salle entière consacrée à Berthe Morisot, et une cimaise à Eva Gonzalès ; c’est suffisamment rare pour être noté. Musées ou galeries, il y a immensément moins de femmes exposantes que de femmes exposées, et ces dernières sont très souvent nues. Et pour avoir peint des nus, Constance Mayer, sous Napoléon, a été moquée et conspuée.
Chez Paula il y a de vraies femmes. J’ai envie de dire des femmes enfin nues : dénudées du regard masculin. Des femmes qui ne posent pas devant un homme, qui ne sont pas vues par le désir, la frustration, la possessivité, la domination, la contrariété des hommes. Les femmes dans l’œuvre de Modersohn-Becker ne sont ni aguicheuses (Gervex), ni exotiques (Gauguin), ni provocantes (Manet), ni victimes (Degas), ni éperdues (Toulouse-Lautrec), ni grosses (Renoir), ni colossales (Picasso), ni sculpturales (Puvis de Chavannes), ni éthérées (Carolus-Duran). Ni « en pâte d’amande blanche et rose » (Cabanel, moqué par Zola). Il n’y a chez Paula aucune revanche. Aucun discours. Aucun jugement. Elle montre ce qu’elle voit.
Je ne sais pas s’il existe une peinture de femmes, mais la peinture des hommes est partout. Quand Paula visite le Louvre, le musée n’expose que quatre femmes artistes : Élisabeth Vigée-Lebrun, la première à y être entrée ; Constance Mayer et ses peintures allégoriques ; Adélaïde Labille-Guiard et ses portraits au pastel ; et Hortense Haudebourt-Lescot, une artiste un peu plus récente, qui entre au Louvre début XXe. Une lettre de Rilke à Clara à propos du Salon d’automne 1907 parle d’une salle entière consacrée à Berthe Morisot, et une cimaise à Eva Gonzalès ; c’est suffisamment rare pour être noté. Musées ou galeries, il y a immensément moins de femmes exposantes que de femmes exposées, et ces dernières sont très souvent nues. Et pour avoir peint des nus, Constance Mayer, sous Napoléon, a été moquée et conspuée.
Le coin des curieux :
Worpswede est une ville de Basse-Saxe, au nord-ouest de l’Allemagne, célèbre pour sa colonie d’artistes : en 1889, une communauté de peintres s’y installe, cherchant, au contact de la Nature, à développer une esthétique nouvelle, éloignée des conventions académiques. S’inspirant de l’École française des Impressionnistes, ils y peignent le paysage du coin, déjà fortement transformé par l’activité humaine à cette époque. Heinrich Vogeler y achète une ferme en 1895, Barkenhoff, aujourd'hui transformée en musée, où il invite des artistes significatifs, comme Otto Modersohn, Paula Modersohn-Becker, Hans am Ende, Fritz Mackensen et Fritz Overbeck. Dans les années 1910, il y ouvre une communauté socialiste utopiste, qui restera active jusqu'en 1932. Aujourd'hui encore, près de cent trente artistes y vivent en permanence.
C'était le sort des femmes à cette époque : subir la domination des hommes et, parfois, comme c'est le cas dans ce livre, mourir d'un accouchement. Terrible !
RépondreSupprimerElle aurait pu connaître Marie Laurencin, une grande artiste qui ne s'est pas laissé écraser par le talent de Guillaume Apollinaire.
Bonjour Alain,
SupprimerLes femmes qui ont réussi à se forger un nom en sont sans doute d'autant plus admirables. Mais pour combien d'autres talents étouffés et perdus ?