J'ai beaucoup aimé
Titre : Chronique d'une emprise
Auteur : Christelle FOUIX
Parution : 2020
Editeur : Libre 2 Lire
Pages : 152
Présentation de l'éditeur :
Pendant un déménagement, Christelle, hantée par le souvenir d’une
relation malsaine dix-sept ans plus tôt, retrouve ses journaux intimes
d’adolescente. Au même moment, celui qui a détruit sa vie se plonge lui
aussi dans ses écrits de l’époque du lycée. À travers leurs regards croisés, l’histoire se dessine sous les yeux du
lecteur, spectateur impuissant d’une descente aux enfers que tout le
monde regarde mais que personne ne voit.
Dans un dialogue intimiste entre la femme et l’adolescente, où le monstre prend lui aussi la parole, la narratrice dissèque les rouages de la manipulation mentale. Jusqu’où ira cette relation toxique ? Comment se mettent en place les mécanismes d’une emprise ? Peut-on guérir d’avoir croisé la route d’un pervers ? Et surtout, peut-on se remettre de l’humiliation de lui avoir fait confiance ?
Dans un dialogue intimiste entre la femme et l’adolescente, où le monstre prend lui aussi la parole, la narratrice dissèque les rouages de la manipulation mentale. Jusqu’où ira cette relation toxique ? Comment se mettent en place les mécanismes d’une emprise ? Peut-on guérir d’avoir croisé la route d’un pervers ? Et surtout, peut-on se remettre de l’humiliation de lui avoir fait confiance ?
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Christelle Fouix est née en 1986 dans la Nièvre. Éducatrice spécialisée
et formatrice, elle a travaillé auprès d’enfants et d’adultes porteurs
de handicap, et accompagné des classes de futurs travailleurs sociaux.
Elle aime observer l’humain dans sa complexité et se passionne pour
l’écriture de romans et de nouvelles intimistes et humanistes. Elle vit
et écrit à la campagne, entourée de son mari, sa fille et ses animaux.
Avis :
Après un premier épisode de harcèlement scolaire qui lui fait changer de lycée, la naïve et fragile adolescente qu’est Christelle à seize ans se retrouve la cible d’un lycéen pervers narcissique qui n’aura de cesse de la tenir corps et âme sous sa coupe. Vingt ans après, Christelle tente toujours de surmonter son traumatisme. N’ayant pu trouver d’aide suffisante dans la psychanalyse, elle entreprend d’écrire son histoire sous la forme de ce roman, s’adressant à son persécuteur dans l’espoir de parvenir à soulager sa souffrance.
Récit très personnel d’une expérience vécue, ce livre émeut par toute la détresse qu’il exprime : davantage encore que tous les autres adolescents, Christelle est à seize ans dans l’état de vulnérabilité du homard en pleine mue, seul et sans carapace face à ses prédateurs. Alors qu’atypique et solitaire, déjà meurtrie par l’expérience du rejet de ses alter ego, elle se retrouve à jouer les caméléons pour tenter de s’intégrer aux groupes de son âge, voilà qu’elle trouve le coup de grâce dans les mains d’un garçon atteint du trouble de la personnalité narcissique. Manipulateur et dépourvu d’empathie, tout entier consacré à s’affirmer par la dévalorisation d’autrui, cet expert de la violence verbale, psychologique et même physique finement camouflée sous le masque de la plus parfaite séduction, achèvera d’isoler Christelle, en exploitant la faille déjà béante de son manque de confiance en elle et en torpillant insidieusement son image auprès des autres lycéens. Il sera bien vite impossible pour la jeune fille, pensionnaire et loin des siens, d’échapper à la sape de son tortionnaire au double visage, qui sait si bien la faire passer pour une déséquilibrée.
Christelle Fouix a su trouver pour ce roman la structure adéquate : alternant les points de vue de la fille et du garçon, elle fait parfaitement comprendre les motivations et l’état d’esprit de l’un, en même temps que leurs effets dévastateurs sur l’autre, au gré d’une mécanique implacable qui se met en place au nez et à la barbe de leur entourage. Ce texte qui vous tient en haleine, longtemps suspendu à l’imminence d’un désastre annoncé, retranscrit avec la plus grande crédibilité l’ambiance lycéenne et l’incroyable hâte de tous ces jeunes à plonger trop vite et sans défense dans l’expérimentation de la vie adulte, dans un tourbillon de sexe, d’alcool et de drogue dont enseignants et parents sont loin de se douter. Nul doute que ce récit glaçant du calvaire insoupçonné de Christelle a de quoi secouer et alerter sur le devoir de vigilance de l’entourage scolaire et parental, apparemment totalement dupe dans ce cas précis. Il sera peut-être aussi décisif pour convaincre d’autres victimes de l’anormalité de leur situation.
Totalement prise et souvent heurtée par cette lecture, je suis restée troublée par son dénouement, incapable de me rasséréner complètement sur la catharsis de la narratrice par son récit. J’aurais rêvé d’une conclusion froide et cinglante, capable de signifier le mépris désormais distancié, et non la colère qui laisse à Christophe la satisfaction d’avoir encore, quelque part, prise sur son ancienne victime.
Merci à Christelle Fouix de m’avoir fait découvrir son livre qui, en plus d’un témoignage bouleversant, s’avère un récit prenant et immersif, d'une qualité littéraire indéniable. (4/5)
Récit très personnel d’une expérience vécue, ce livre émeut par toute la détresse qu’il exprime : davantage encore que tous les autres adolescents, Christelle est à seize ans dans l’état de vulnérabilité du homard en pleine mue, seul et sans carapace face à ses prédateurs. Alors qu’atypique et solitaire, déjà meurtrie par l’expérience du rejet de ses alter ego, elle se retrouve à jouer les caméléons pour tenter de s’intégrer aux groupes de son âge, voilà qu’elle trouve le coup de grâce dans les mains d’un garçon atteint du trouble de la personnalité narcissique. Manipulateur et dépourvu d’empathie, tout entier consacré à s’affirmer par la dévalorisation d’autrui, cet expert de la violence verbale, psychologique et même physique finement camouflée sous le masque de la plus parfaite séduction, achèvera d’isoler Christelle, en exploitant la faille déjà béante de son manque de confiance en elle et en torpillant insidieusement son image auprès des autres lycéens. Il sera bien vite impossible pour la jeune fille, pensionnaire et loin des siens, d’échapper à la sape de son tortionnaire au double visage, qui sait si bien la faire passer pour une déséquilibrée.
Christelle Fouix a su trouver pour ce roman la structure adéquate : alternant les points de vue de la fille et du garçon, elle fait parfaitement comprendre les motivations et l’état d’esprit de l’un, en même temps que leurs effets dévastateurs sur l’autre, au gré d’une mécanique implacable qui se met en place au nez et à la barbe de leur entourage. Ce texte qui vous tient en haleine, longtemps suspendu à l’imminence d’un désastre annoncé, retranscrit avec la plus grande crédibilité l’ambiance lycéenne et l’incroyable hâte de tous ces jeunes à plonger trop vite et sans défense dans l’expérimentation de la vie adulte, dans un tourbillon de sexe, d’alcool et de drogue dont enseignants et parents sont loin de se douter. Nul doute que ce récit glaçant du calvaire insoupçonné de Christelle a de quoi secouer et alerter sur le devoir de vigilance de l’entourage scolaire et parental, apparemment totalement dupe dans ce cas précis. Il sera peut-être aussi décisif pour convaincre d’autres victimes de l’anormalité de leur situation.
Totalement prise et souvent heurtée par cette lecture, je suis restée troublée par son dénouement, incapable de me rasséréner complètement sur la catharsis de la narratrice par son récit. J’aurais rêvé d’une conclusion froide et cinglante, capable de signifier le mépris désormais distancié, et non la colère qui laisse à Christophe la satisfaction d’avoir encore, quelque part, prise sur son ancienne victime.
Merci à Christelle Fouix de m’avoir fait découvrir son livre qui, en plus d’un témoignage bouleversant, s’avère un récit prenant et immersif, d'une qualité littéraire indéniable. (4/5)
Citations :
J’ai eu beau te raconter, ça n’a fait qu’ouvrir une plaie que je pensais pouvoir refermer seule. Mais je n’y suis pas arrivée. Avec un psy, ça n’a pas marché non plus. C’est donc ensemble que nous allons suturer la béance nauséabonde qu’est notre histoire aujourd’hui dans ma mémoire.
Tu connais peut-être ça toi aussi, si tu as continué d’écrire. Tu commences par ouvrir un fichier sur ton ordi, tu jettes les bases, les contours, tu tapes quelques pages et puis tu dois t’arrêter pour faire à manger, faire tourner une machine, aller chercher ton gosse à l’école, aller bosser, bref vivre. Et puis en vivant, l’histoire que tu as commencée continue dans ta tête. Les dialogues se lancent tout seuls, les personnages s’affinent, des visages s’y accrochent comme si tu faisais un casting, certaines tournures te ravissent tellement, que tu es dégoûté de ne pas pouvoir t’arrêter dans ce que tu fais pour reprendre sur le clavier l’histoire là où tu l’as laissée.
Comme une radio qui ne s’éteint jamais, qui fait une petite sourdine, un bruit de fond qui habille chacun de tes gestes. On croit qu’on dort, qu’on mange, qu’on regarde un film en famille, mais à l’intérieur, l’histoire s’écrit toujours, comme un monologue sans fin et sans empreinte, et on pourrait passer, je crois, une vie entière à regretter de ne pas avoir de quoi écrire quand la phrase parfaite se pose comme un papillon sur une casserole qui déborde dans le feu du quotidien ou sur un mouchoir qu’on tend à son enfant alors que c’est déjà trop tard, qu’il a déjà éternué et qu’il en a partout.
Je vais donc, et cette fois-ci sans psy, aller chercher avec Joana mes souvenirs, et nommer précisément cette relation qui a été la nôtre, pour la dézinguer, la désosser, l’autopsier, lui faire perdre de sa superbe, de son drame, braquer ma lampe torche sur tes petits yeux torves et tes mains tordues.
Mon nouveau credo : observer beaucoup, parler très peu. Imiter les mots des autres. Me museler. Paraître normale, tel que je le concevais. Parce que je sentais bien qu’entre les autres et moi, il y avait toujours un fleuve que je ne savais pas comment traverser.
Tu connais peut-être ça toi aussi, si tu as continué d’écrire. Tu commences par ouvrir un fichier sur ton ordi, tu jettes les bases, les contours, tu tapes quelques pages et puis tu dois t’arrêter pour faire à manger, faire tourner une machine, aller chercher ton gosse à l’école, aller bosser, bref vivre. Et puis en vivant, l’histoire que tu as commencée continue dans ta tête. Les dialogues se lancent tout seuls, les personnages s’affinent, des visages s’y accrochent comme si tu faisais un casting, certaines tournures te ravissent tellement, que tu es dégoûté de ne pas pouvoir t’arrêter dans ce que tu fais pour reprendre sur le clavier l’histoire là où tu l’as laissée.
Comme une radio qui ne s’éteint jamais, qui fait une petite sourdine, un bruit de fond qui habille chacun de tes gestes. On croit qu’on dort, qu’on mange, qu’on regarde un film en famille, mais à l’intérieur, l’histoire s’écrit toujours, comme un monologue sans fin et sans empreinte, et on pourrait passer, je crois, une vie entière à regretter de ne pas avoir de quoi écrire quand la phrase parfaite se pose comme un papillon sur une casserole qui déborde dans le feu du quotidien ou sur un mouchoir qu’on tend à son enfant alors que c’est déjà trop tard, qu’il a déjà éternué et qu’il en a partout.
Je vais donc, et cette fois-ci sans psy, aller chercher avec Joana mes souvenirs, et nommer précisément cette relation qui a été la nôtre, pour la dézinguer, la désosser, l’autopsier, lui faire perdre de sa superbe, de son drame, braquer ma lampe torche sur tes petits yeux torves et tes mains tordues.
Mon nouveau credo : observer beaucoup, parler très peu. Imiter les mots des autres. Me museler. Paraître normale, tel que je le concevais. Parce que je sentais bien qu’entre les autres et moi, il y avait toujours un fleuve que je ne savais pas comment traverser.
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