Coup de coeur 💓💓
Titre : La redoutable veuve Mozart
Auteur : Isabelle DUQUESNOY
Parution : 2019 (Editions de la Martinière)
Pages : 304
Présentation de l'éditeur :
Wolfgang Amadeus Mozart était un génie.
Mort ruiné, enterré sans grande pompe, il aurait pourtant pu sombrer dans l'oubli... Si Constanze Mozart ne l'avait pas adoré au point de sacrifier leurs propres enfants à la gloire de son défunt mari. Si elle ne lui avait pas survécu pendant cinquante-et-un ans, bataillant jour et nuit pour la postérité de son œuvre. Si elle n'avait pas gratté la terre à mains nues pour retrouver son squelette, ni rebaptisé son jeune fils « Wolfgang Mozart II » pour le produire dans toutes les cours d’Europe…
Le deuil de Constanze révéla une femme d’affaires intransigeante, un caractère hors norme : une veuve redoutable. Voici le destin extraordinaire et romanesque d’une femme d’une grande modernité.
Mort ruiné, enterré sans grande pompe, il aurait pourtant pu sombrer dans l'oubli... Si Constanze Mozart ne l'avait pas adoré au point de sacrifier leurs propres enfants à la gloire de son défunt mari. Si elle ne lui avait pas survécu pendant cinquante-et-un ans, bataillant jour et nuit pour la postérité de son œuvre. Si elle n'avait pas gratté la terre à mains nues pour retrouver son squelette, ni rebaptisé son jeune fils « Wolfgang Mozart II » pour le produire dans toutes les cours d’Europe…
Le deuil de Constanze révéla une femme d’affaires intransigeante, un caractère hors norme : une veuve redoutable. Voici le destin extraordinaire et romanesque d’une femme d’une grande modernité.
Après la publication du très remarqué L’Embaumeur, lauréat de deux prix, Isabelle Duquesnoy revient avec un nouveau roman érudit et jubilatoire. Fascinée par la figure de Constanze Mozart, elle y a travaillé vingt ans.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Isabelle Duquesnoy est restauratrice d'art et écrivain. Elle vit entre la Basse-Normandie et la Corse. Elle est l'auteure de L'Embaumeur (La Martinière, 2017) et des Confessions de Constance Mozart (Points).
Avis :
Lorsque Mozart meurt en 1791, laissant une œuvre boudée par Vienne et une montagne de dettes, sa veuve Constance réagit en femme de tête avec une obsession : retrouver l’aisance et prendre sa revanche sur le mépris autrichien. Pendant un demi-siècle, elle s’activera à la postérité du musicien, valorisant son œuvre, travaillant à la reconnaissance de la propriété intellectuelle, impulsant la création de musées, fondations et monuments, encourageant le commerce d’objets à son effigie. Se révélant une redoutable femme d’affaires, elle assurera sa fortune et le succès posthume de Mozart, se montrant par ailleurs impitoyable pour ses deux fils, écrasés par la comparaison avec leur père…
Wolfgang et Constance Mozart ont déjà inspiré à Isabelle Duquesnoy plusieurs romans et films-documentaires qui lui ont valu la reconnaissance d’une expertise certaine sur le sujet. Elle nous fait découvrir ici le musicien sous un angle original, au travers des commentaires de sa veuve Constance sur leur vie commune, dans un long entretien apocryphe avec l’aîné de leurs deux fils encore vivants. La parfaite connaissance de l’auteur, tant de la vie de Mozart et de sa correspondance, que des plus fins détails historiques de l’époque, donne, non seulement un récit d’une véracité sans faille, mais aussi des personnages saisissants de vie et de profondeur, dans une narration aux mille précisions piquantes et souvent surprenantes.
Se dessine peu à peu le portrait d’une femme de caractère, autoritaire et astucieuse en affaires, qui sut retourner à son avantage une situation devenue critique et assurer à Mozart d’entrer à jamais dans la postérité. Impressionnante d’énergie et d’habileté, Constance apparaît aussi redoutablement vindicative et rancunière. Gare à ceux qu’elle trouva en travers de sa route : elle eut pour eux la dent particulièrement dure. Sacrifiés à son ambition, ses fils en ont eux aussi fait les frais, et l’on frémit au fil des pages des rigueurs de sa tendresse et de la dureté de ses propos.
J’avais été enchantée par L’embaumeur. La redoutable veuve Mozart renouvelle mon enthousiasme. Isabelle Duquesnoy excelle à distiller avec le plus grand naturel son immense culture historique, qui fait de ses récits des lectures passionnantes et des rencontres inoubliables avec des personnages littéralement ressuscités sous sa plume. Coup de coeur. (5/5)
Wolfgang et Constance Mozart ont déjà inspiré à Isabelle Duquesnoy plusieurs romans et films-documentaires qui lui ont valu la reconnaissance d’une expertise certaine sur le sujet. Elle nous fait découvrir ici le musicien sous un angle original, au travers des commentaires de sa veuve Constance sur leur vie commune, dans un long entretien apocryphe avec l’aîné de leurs deux fils encore vivants. La parfaite connaissance de l’auteur, tant de la vie de Mozart et de sa correspondance, que des plus fins détails historiques de l’époque, donne, non seulement un récit d’une véracité sans faille, mais aussi des personnages saisissants de vie et de profondeur, dans une narration aux mille précisions piquantes et souvent surprenantes.
Se dessine peu à peu le portrait d’une femme de caractère, autoritaire et astucieuse en affaires, qui sut retourner à son avantage une situation devenue critique et assurer à Mozart d’entrer à jamais dans la postérité. Impressionnante d’énergie et d’habileté, Constance apparaît aussi redoutablement vindicative et rancunière. Gare à ceux qu’elle trouva en travers de sa route : elle eut pour eux la dent particulièrement dure. Sacrifiés à son ambition, ses fils en ont eux aussi fait les frais, et l’on frémit au fil des pages des rigueurs de sa tendresse et de la dureté de ses propos.
J’avais été enchantée par L’embaumeur. La redoutable veuve Mozart renouvelle mon enthousiasme. Isabelle Duquesnoy excelle à distiller avec le plus grand naturel son immense culture historique, qui fait de ses récits des lectures passionnantes et des rencontres inoubliables avec des personnages littéralement ressuscités sous sa plume. Coup de coeur. (5/5)
Citations :
– Une domestique recevait 12 florins par an de salaire. Les dettes du couple Mozart en 1791 s’élevaient donc à deux cent cinquante années d’un salaire de serviteur ;
– une robe de dame, ornée de quelques fioritures, coûtait 100 florins ; pour s’en offrir une, la domestique des Mozart devait économiser l’intégralité de son salaire durant neuf ans. C’est pourquoi les vêtements, les perruques et les souliers des défunts étaient revendus. Les boutiques de prêt-à-porter n’existaient pas ; seules les personnes aisées pouvaient se faire confectionner des vêtements par une couturière, copiant les modèles représentés dans les revues de mode. Très influente, la mode française était suivie en Europe, mais de façon moins changeante ; ce qui n’était plus en vogue à Paris pouvait l’être encore à l’étranger durant plusieurs années.
Dans la matinée, un employé administratif que Trou du Cul avait fait mander s’avança vers toi tandis que je me précipitais, les bras écartés pour lui barrer le passage.
– Ne touchez pas à mes enfants !
– Madame, personne ne vous les retirera, répondit l’homme avec patience. Du moins jusqu’à ce que l’aîné ait atteint ses sept ans.
– Et après ? m’inquiétai-je, comme une folle que l’on menace de l’asile. L’inconnu se frotta le menton et s’adressa à toi.
– Quel âge as-tu, mon petit Carl ?
Tais-toi ! t’ordonnai-je. Ne réponds pas ! L’homme sourit un peu.
– Vous savez bien qu’il est interdit à une femme seule d’élever un garçon au-delà de cet âge. Il devra être confié à un homme, qui s’occupera de son éducation afin d’en faire un adulte sans vice.
Le vice était une obsession de cette époque, comme si les mères étaient responsables des mœurs de leurs fils. Dès qu’un père mourait, les garçonnets risquaient de tourner invertis ! Tu comprends, nous étions jugées inaptes à faire de vous de vrais hommes, il fallait donc vous sauver de nos griffes. Moi, je connais un père qui a transformé son garnement en imbécile, et cela ne l’a pas empêché de préférer la compagnie des garçons. Le père a respecté la loi, mais son chérubin risque la prison à la première dénonciation.
(…)
– Serai-je obligée de me remarier pour que vous me laissiez élever mes deux fils sans limite d’âge ?
– Non, répondit l’homme. Il suffira de leur octroyer un tuteur, mais l’aîné devra vivre chez lui.
– une robe de dame, ornée de quelques fioritures, coûtait 100 florins ; pour s’en offrir une, la domestique des Mozart devait économiser l’intégralité de son salaire durant neuf ans. C’est pourquoi les vêtements, les perruques et les souliers des défunts étaient revendus. Les boutiques de prêt-à-porter n’existaient pas ; seules les personnes aisées pouvaient se faire confectionner des vêtements par une couturière, copiant les modèles représentés dans les revues de mode. Très influente, la mode française était suivie en Europe, mais de façon moins changeante ; ce qui n’était plus en vogue à Paris pouvait l’être encore à l’étranger durant plusieurs années.
Dans la matinée, un employé administratif que Trou du Cul avait fait mander s’avança vers toi tandis que je me précipitais, les bras écartés pour lui barrer le passage.
– Ne touchez pas à mes enfants !
– Madame, personne ne vous les retirera, répondit l’homme avec patience. Du moins jusqu’à ce que l’aîné ait atteint ses sept ans.
– Et après ? m’inquiétai-je, comme une folle que l’on menace de l’asile. L’inconnu se frotta le menton et s’adressa à toi.
– Quel âge as-tu, mon petit Carl ?
Tais-toi ! t’ordonnai-je. Ne réponds pas ! L’homme sourit un peu.
– Vous savez bien qu’il est interdit à une femme seule d’élever un garçon au-delà de cet âge. Il devra être confié à un homme, qui s’occupera de son éducation afin d’en faire un adulte sans vice.
Le vice était une obsession de cette époque, comme si les mères étaient responsables des mœurs de leurs fils. Dès qu’un père mourait, les garçonnets risquaient de tourner invertis ! Tu comprends, nous étions jugées inaptes à faire de vous de vrais hommes, il fallait donc vous sauver de nos griffes. Moi, je connais un père qui a transformé son garnement en imbécile, et cela ne l’a pas empêché de préférer la compagnie des garçons. Le père a respecté la loi, mais son chérubin risque la prison à la première dénonciation.
(…)
– Serai-je obligée de me remarier pour que vous me laissiez élever mes deux fils sans limite d’âge ?
– Non, répondit l’homme. Il suffira de leur octroyer un tuteur, mais l’aîné devra vivre chez lui.
Un nouveau dentiste a lancé une mode épouvantable dis-je. Il arrache les dents blanches des jeunes ramoneurs pour les planter ensuite dans la bouche des nobles, peu regardants sur le prix. Ainsi est-il courant de croiser des vieillards souriants et de jeunes montagnards la bouche rentrée en dedans comme de vieux singes.
Puisque Vienne laissait crever ses artistes dans le dénuement, j’étais déterminée à faire en sorte que Wolfgang ne tombât jamais dans l’oubli. Je souhaitais que Vienne se morde les doigts d’avoir laissé Papa sans un florin devant lui ! Et s’il le fallait, j’étais prête à bâtir de mes propres mains une statue à son effigie, à dessiner les plans d’un musée à sa gloire. Ah, ce Requiem achevé m’insufflait une énergie qui me surprenait moi-même ! Quant à Salzbourg et toute sa race, je gardais en mémoire que Wolfgang haïssait cette ville jusqu’à la frénésie.
Dieu sait si le comité de la ville a tout tenté pour ralentir mes projets… Ce grand carré que tu vois là, dont on a ôté les pavés, sera l’endroit exact de la statue de bronze de ton père. On m’a montré le projet : il sera majestueux, quatre mètres de hauteur. Vêtu de ses habits favoris, il tiendra une plume dans sa main droite et une feuille de partition déroulée dans la gauche. Une longue cape, retenue à l’épaule par une houppette, lui sera drapée autour de la taille à la manière romaine. J’avais prédit qu’il reviendrait dans sa ville natale en vainqueur, alors j’ai exigé que son pied soit posé sur un rocher… Chacun interprétera ce caillou comme il le voudra ; les amateurs d’art y verront une astuce pour l’esthétique de sa posture, mais ceux qui me connaissent sauront que j’ai voulu représenter Salzbourg, écrasée par l’immortalité de Mozart.
En moins de trois mois, ma condition était passée de l’indigence à l’aisance. Tu avais probablement flairé cette aubaine, car c’est à ce moment-là que tu commenças à réclamer des habits neufs et des jouets à la mode, comme ce stupide yo-yo qu’on nommait « émigrant ». À l’âge où ton père se produisait en public et embrasait les cours, tu te contentais d’une roue qui monte et qui descend de sa ficelle… Il y a des comparaisons qu’il vaut mieux taire, quand on ne veut pas se rouler dans le burlesque.
Giacomo se disait honoré que sa chienne ait été engrossée par le compagnon de Mozart ; il conserverait un chiot pour lui, ainsi qu’un autre pour moi. S’ensuivaient d’infinies descriptions de chaque jeune, accompagnées d’un dessin montrant bien l’emplacement des taches de brun et noir qu’ils portaient sur le dos. Il me suppliait de décider promptement mon choix, car la filiation de cette portée lui attirait de nombreuses demandes. « Chacun veut ici avoir un descendant du grand Mozart ! »
Je lui proposai de relever pour moi le plus goinfre et le plus joueur des petits et de l’offrir à la personne de son choix, avisant bien celle-ci qu’il s’agissait d’un chiot de Wolfgang Mozart, portant les mêmes traits de caractère que lui ! Tu vois, rien que l’idée d’un descendant ou d’un proche de ton père mettait le monde en transe. Cet engouement fut si rapide après sa mort que je ne parvenais pas à me raisonner : c’était injuste qu’il n’ait jamais profité – oh ! quelques mois seulement ! – de cette reconnaissance internationale.
Puisque Vienne laissait crever ses artistes dans le dénuement, j’étais déterminée à faire en sorte que Wolfgang ne tombât jamais dans l’oubli. Je souhaitais que Vienne se morde les doigts d’avoir laissé Papa sans un florin devant lui ! Et s’il le fallait, j’étais prête à bâtir de mes propres mains une statue à son effigie, à dessiner les plans d’un musée à sa gloire. Ah, ce Requiem achevé m’insufflait une énergie qui me surprenait moi-même ! Quant à Salzbourg et toute sa race, je gardais en mémoire que Wolfgang haïssait cette ville jusqu’à la frénésie.
Dieu sait si le comité de la ville a tout tenté pour ralentir mes projets… Ce grand carré que tu vois là, dont on a ôté les pavés, sera l’endroit exact de la statue de bronze de ton père. On m’a montré le projet : il sera majestueux, quatre mètres de hauteur. Vêtu de ses habits favoris, il tiendra une plume dans sa main droite et une feuille de partition déroulée dans la gauche. Une longue cape, retenue à l’épaule par une houppette, lui sera drapée autour de la taille à la manière romaine. J’avais prédit qu’il reviendrait dans sa ville natale en vainqueur, alors j’ai exigé que son pied soit posé sur un rocher… Chacun interprétera ce caillou comme il le voudra ; les amateurs d’art y verront une astuce pour l’esthétique de sa posture, mais ceux qui me connaissent sauront que j’ai voulu représenter Salzbourg, écrasée par l’immortalité de Mozart.
En moins de trois mois, ma condition était passée de l’indigence à l’aisance. Tu avais probablement flairé cette aubaine, car c’est à ce moment-là que tu commenças à réclamer des habits neufs et des jouets à la mode, comme ce stupide yo-yo qu’on nommait « émigrant ». À l’âge où ton père se produisait en public et embrasait les cours, tu te contentais d’une roue qui monte et qui descend de sa ficelle… Il y a des comparaisons qu’il vaut mieux taire, quand on ne veut pas se rouler dans le burlesque.
Giacomo se disait honoré que sa chienne ait été engrossée par le compagnon de Mozart ; il conserverait un chiot pour lui, ainsi qu’un autre pour moi. S’ensuivaient d’infinies descriptions de chaque jeune, accompagnées d’un dessin montrant bien l’emplacement des taches de brun et noir qu’ils portaient sur le dos. Il me suppliait de décider promptement mon choix, car la filiation de cette portée lui attirait de nombreuses demandes. « Chacun veut ici avoir un descendant du grand Mozart ! »
Je lui proposai de relever pour moi le plus goinfre et le plus joueur des petits et de l’offrir à la personne de son choix, avisant bien celle-ci qu’il s’agissait d’un chiot de Wolfgang Mozart, portant les mêmes traits de caractère que lui ! Tu vois, rien que l’idée d’un descendant ou d’un proche de ton père mettait le monde en transe. Cet engouement fut si rapide après sa mort que je ne parvenais pas à me raisonner : c’était injuste qu’il n’ait jamais profité – oh ! quelques mois seulement ! – de cette reconnaissance internationale.
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