J'ai aimé
Titre : Patagonie route 203
(La marca del viento)
Auteur : Eduardo Fernando VARELA
Traducteur : François GAUDRY
Parution : en espagnol (Argentine) en 2019,
en français en 2020
Editeur : Métailié
Pages : 368
Présentation de l'éditeur :
Au volant de son camion, un énigmatique saxophoniste parcourt la
géographie folle des routes secondaires de la Patagonie et subit les
caprices des vents omniprésents.
Perdu dans l’immensité du paysage, il se trouve confronté à des situations aussi étonnantes et hostiles que le paysage qui l’entoure. Saline du Désespoir, La Pourrie, Mule Morte, Indien Méchant et autres lieux favorisent les rencontres improbables avec des personnages peu aimables et extravagants : un journaliste qui conduit une voiture sans freins et cherche des sous-marins nazis, des trinitaires anthropophages qui renoncent à la viande, des jumeaux évangéliques boliviens gardiens d’un Train fantôme, un garagiste irascible et un mari jaloux…
Au milieu de ces routes où tout le monde semble agir avec une logique digne d’Alice au pays des merveilles, Parker tombe amoureux de la caissière d’une fête foraine. Mais comment peut-on suivre à la trace quelqu’un dans un monde où quand on demande son chemin on vous répond : « Vous continuez tout droit, le jeudi vous tournez à gauche et à la tombée de la nuit tournez encore à gauche, tôt ou tard vous allez arriver à la mer » ?
Ce fabuleux premier roman est un vrai voyage à travers un mouvement perpétuel de populations dans un paysage dévorant, auquel le lecteur ne peut résister.
Perdu dans l’immensité du paysage, il se trouve confronté à des situations aussi étonnantes et hostiles que le paysage qui l’entoure. Saline du Désespoir, La Pourrie, Mule Morte, Indien Méchant et autres lieux favorisent les rencontres improbables avec des personnages peu aimables et extravagants : un journaliste qui conduit une voiture sans freins et cherche des sous-marins nazis, des trinitaires anthropophages qui renoncent à la viande, des jumeaux évangéliques boliviens gardiens d’un Train fantôme, un garagiste irascible et un mari jaloux…
Au milieu de ces routes où tout le monde semble agir avec une logique digne d’Alice au pays des merveilles, Parker tombe amoureux de la caissière d’une fête foraine. Mais comment peut-on suivre à la trace quelqu’un dans un monde où quand on demande son chemin on vous répond : « Vous continuez tout droit, le jeudi vous tournez à gauche et à la tombée de la nuit tournez encore à gauche, tôt ou tard vous allez arriver à la mer » ?
Ce fabuleux premier roman est un vrai voyage à travers un mouvement perpétuel de populations dans un paysage dévorant, auquel le lecteur ne peut résister.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Eduardo Fernando VARELA a 60 ans. Il vit entre Buenos Aires, où il écrit des scénarios pour le cinéma et la télévision, et Venise. Patagonie route 203 est son premier roman.- Prix Transfuge du Meilleur roman hispanophone - 2020
- Prix Femina étranger : deuxième sélection - 2020
- Prix du Premier roman : sélection catégorie romans étrangers - 2020
- Prix Expression 2020 : sélection (prix de la librairie Expression à Châteauneuf de Grasse) - 2020
- Prix LDB 2020-2021 : sélection (prix de la librairie des bauges à Albertville) - 2020
- Sélection rentrée littéraire Fnac - 2020
- Prix Casa de las Americas - 2019
Avis :
Depuis qu’il a fui son ancienne vie à Buenos Aires, Parker sillonne la Patagonie à bord d’un camion dont il n’a pas les papiers, transportant des marchandises non déclarées pour le compte d’un obscur patron qui l’emploie illégalement. Sa vie errante s’écoule désormais au jour le jour, libre, solitaire et sans avenir, à éviter rencontres et axes fréquentés, si tant est que ce dernier terme puisse s’appliquer à ce territoire parmi les moins peuplés du monde. Contre toute attente, la route de Parker finit par croiser celle de la belle Maytén, malheureuse épouse d’un peu commode forain…
La grande originalité de ce roman vient d’abord de son atmosphère très particulière. Avec une ironie qui confine à l’absurde, l’auteur s’amuse à amplifier les caractéristiques de cette terre du bout du monde, nous la décrivant plus habitée par les vents que par les hommes, soumise à d’inimaginables caprices météorologiques et naturels, chichement parsemée de villages perdus aux noms grotesques. Les distances s’y expriment en jours de route. Les habitants, rudes et inhospitaliers, y gèrent imperturbablement le vide de leur existence, qu’ils remplissent d’occupations délirantes autant que de rumeurs et de légendes. Cadre, personnages secondaires, dialogues : tout concourt à créer un contexte surréaliste, où le lecteur, autant que Maytén et Parker, devra consentir à perdre ses repères pour pouvoir avancer.
Dans cette désolante immensité où rien n’a guère de sens et tout n’est qu’ineptie, les personnages principaux différent des autres en ce que, dépouillés de leur existence passée et perdus dans leur errance, ils continuent à chercher leur chemin et à s’accrocher à leurs rêves. Parker étreint son idéal de liberté, Maytén aspire à une vie de famille stable et paisible, et l’ami journaliste qu’ils croisent et recroisent ne cesse de se passionner pour une nouvelle chimère. Dans leurs trajectoires solitaires, ils se rencontrent parfois et par hasard, s’accompagnent un bout de chemin pour mieux se perdre ensuite, à la poursuite de destins aveugles que l’auteur rend par ailleurs cruellement ironiques.
La grande originalité de ce roman vient d’abord de son atmosphère très particulière. Avec une ironie qui confine à l’absurde, l’auteur s’amuse à amplifier les caractéristiques de cette terre du bout du monde, nous la décrivant plus habitée par les vents que par les hommes, soumise à d’inimaginables caprices météorologiques et naturels, chichement parsemée de villages perdus aux noms grotesques. Les distances s’y expriment en jours de route. Les habitants, rudes et inhospitaliers, y gèrent imperturbablement le vide de leur existence, qu’ils remplissent d’occupations délirantes autant que de rumeurs et de légendes. Cadre, personnages secondaires, dialogues : tout concourt à créer un contexte surréaliste, où le lecteur, autant que Maytén et Parker, devra consentir à perdre ses repères pour pouvoir avancer.
Dans cette désolante immensité où rien n’a guère de sens et tout n’est qu’ineptie, les personnages principaux différent des autres en ce que, dépouillés de leur existence passée et perdus dans leur errance, ils continuent à chercher leur chemin et à s’accrocher à leurs rêves. Parker étreint son idéal de liberté, Maytén aspire à une vie de famille stable et paisible, et l’ami journaliste qu’ils croisent et recroisent ne cesse de se passionner pour une nouvelle chimère. Dans leurs trajectoires solitaires, ils se rencontrent parfois et par hasard, s’accompagnent un bout de chemin pour mieux se perdre ensuite, à la poursuite de destins aveugles que l’auteur rend par ailleurs cruellement ironiques.
Dès lors l’on comprend que derrière cette histoire de quête errante et désespérément solitaire dans un univers écrasant aux multiples vents contraires, c’est tout l’arbitraire et l’ineptie de la vie humaine que nous laisse percevoir l’auteur : une absence de sens que seuls viennent contredire, parfois, ces brefs et miraculeux instants où des êtres réussissent à se rencontrer pour de bon, ou, par chance, parviennent à réaliser le rêve d’une passion.
Voici donc un livre original, admirablement écrit et doté d’une vraie profondeur, où seuls un humour désespéré et quelques rares éclats de bonheur sporadique viennent éclairer une représentation bien sombre de la destinée humaine. Autant de qualités qui rendent cette lecture remarquable, malgré ce qu’il m’a parfois paru de longueurs ennuyeuses : il n’est pas si facile d’accepter de se perdre au royaume d’absurdie. (3/5)
Citations :
Il n’est pas de désir plus tenace que celui qui reste à mi-chemin, ni nostalgie plus puissante que celle qui tient à ce qui n’est jamais arrivé.
En observant l’espace qui l’entourait, elle se dit que la cage qui l’emprisonnait était vaste, sans barreaux, ni portes, ni fenêtres, infinie. Une cellule où elle pouvait se mouvoir à volonté, mais d’où elle ne pourrait jamais s’échapper. C’était la plus terrible des prisons, dont les murs s’étendaient à perte de vue et au-delà. Elle se demanda ce qu’étaient devenus ses rêves et ses espoirs, son ambition de quitter pour toujours ces solitudes et de vivre dans une ville avec de vraies rues et des immeubles, des gens marchant sur les trottoirs sans devoir se protéger des bourrasques et toujours chercher un abri. Ses sœurs étaient parties l’une après l’autre à la recherche de nouveaux horizons et elle était restée dans l’attente d’une occasion pour les imiter. Quand elle avait fait la connaissance de Bruno, elle avait pensé que le moment était venu d’abandonner pour avait pensé cette existence médiocre, mais elle comprit vite son erreur. L’éclat attirant de la ville devint de plus en plus lointain et la solitude l’avait de nouveau engloutie.
Il avait traversé plusieurs fois cette ligne imaginaire, au-delà de laquelle s’ouvrait un monde propice aux visions fantastiques et aux aventures, le monde des régions australes, des falaises vertigineuses tombant à pic sur les vagues déferlantes, les fjords et les canaux traversés par le rugissement des vents et les courants furieux qui reliaient les deux océans. Il avait déjà parcouru ces côtes, infestées de légendes et de naufrages, où la voûte céleste s’inversait, le haut se plaçait en bas, et où le continent dessinait un animal préhistorique plongeant son échine dans l’océan pour réapparaître dans une autre géographie, avec d’autres noms et d’autres mythes. Il connaissait bien ces régions, pourtant il n’avait jamais éprouvé au plus profond de lui-même une telle sensation d’égarement. Les premiers jours, le paysage défila aimable et tranquille, mais au bout d’une semaine, à mesure qu’il roulait, le climat rude et venteux qui soulevait des nuages de poussière commença à l’affecter. Pendant un jour et demi, il se dirigea vers le sud-ouest jusqu’au 68e méridien et se laissa descendre comme on glisse d’une corde (…).
Pendant la journée il roulait lentement, à une allure régulière, sur des routes dont l’état empirait à chaque kilomètre et qui pouvaient s’interrompre abruptement, l’obligeant à faire demi-tour et à modifier l’itinéraire. Il traversait des plateaux et des dépressions, des chaînes de basses collines qui paraissaient caresser l’échine de cet étrange animal allongé sur la terre qu’était la Patagonie. Les nuits tombaient avec un poids insolite, dissolvant les longues ombres du crépuscule, mais Parker avait du mal à trouver le sommeil, affecté par un vertige qui filait dans ses veines, alors il se guidait avec les étoiles en ayant l’impression de suivre des lignes mystérieuses et d’être lui aussi un point de plus dans le firmament.
En observant l’espace qui l’entourait, elle se dit que la cage qui l’emprisonnait était vaste, sans barreaux, ni portes, ni fenêtres, infinie. Une cellule où elle pouvait se mouvoir à volonté, mais d’où elle ne pourrait jamais s’échapper. C’était la plus terrible des prisons, dont les murs s’étendaient à perte de vue et au-delà. Elle se demanda ce qu’étaient devenus ses rêves et ses espoirs, son ambition de quitter pour toujours ces solitudes et de vivre dans une ville avec de vraies rues et des immeubles, des gens marchant sur les trottoirs sans devoir se protéger des bourrasques et toujours chercher un abri. Ses sœurs étaient parties l’une après l’autre à la recherche de nouveaux horizons et elle était restée dans l’attente d’une occasion pour les imiter. Quand elle avait fait la connaissance de Bruno, elle avait pensé que le moment était venu d’abandonner pour avait pensé cette existence médiocre, mais elle comprit vite son erreur. L’éclat attirant de la ville devint de plus en plus lointain et la solitude l’avait de nouveau engloutie.
Il avait traversé plusieurs fois cette ligne imaginaire, au-delà de laquelle s’ouvrait un monde propice aux visions fantastiques et aux aventures, le monde des régions australes, des falaises vertigineuses tombant à pic sur les vagues déferlantes, les fjords et les canaux traversés par le rugissement des vents et les courants furieux qui reliaient les deux océans. Il avait déjà parcouru ces côtes, infestées de légendes et de naufrages, où la voûte céleste s’inversait, le haut se plaçait en bas, et où le continent dessinait un animal préhistorique plongeant son échine dans l’océan pour réapparaître dans une autre géographie, avec d’autres noms et d’autres mythes. Il connaissait bien ces régions, pourtant il n’avait jamais éprouvé au plus profond de lui-même une telle sensation d’égarement. Les premiers jours, le paysage défila aimable et tranquille, mais au bout d’une semaine, à mesure qu’il roulait, le climat rude et venteux qui soulevait des nuages de poussière commença à l’affecter. Pendant un jour et demi, il se dirigea vers le sud-ouest jusqu’au 68e méridien et se laissa descendre comme on glisse d’une corde (…).
Pendant la journée il roulait lentement, à une allure régulière, sur des routes dont l’état empirait à chaque kilomètre et qui pouvaient s’interrompre abruptement, l’obligeant à faire demi-tour et à modifier l’itinéraire. Il traversait des plateaux et des dépressions, des chaînes de basses collines qui paraissaient caresser l’échine de cet étrange animal allongé sur la terre qu’était la Patagonie. Les nuits tombaient avec un poids insolite, dissolvant les longues ombres du crépuscule, mais Parker avait du mal à trouver le sommeil, affecté par un vertige qui filait dans ses veines, alors il se guidait avec les étoiles en ayant l’impression de suivre des lignes mystérieuses et d’être lui aussi un point de plus dans le firmament.
Il profita d’un arrêt nocturne pour observer le firmament et s’assurer que là-haut tout allait pour le mieux, mais il n’avait jamais vu la Croix du Sud si bas, presque posée sur l’horizon, et s’en méfia. La ceinture d’Orion était aplatie et regardait Aldébaran avec suspicion. Le sextant que lui avait prêté le journaliste lors de leur dernière rencontre ne lui servait plus à grand-chose : dans les nuits limpides de l’hémisphère austral, la position des étoiles changeait capricieusement, poussées par le vent, les constellations se cachaient dans les replis du ciel et l’univers se froissait comme un papier de bonbon.
– Allez jusqu’à Cabo Albarracín, tôt ou tard c’est là que vont toutes les fêtes foraines, lui conseilla un soir un vieil homme qu’il avait fait monter dans sa cabine. Il l’avait rencontré sur un chemin isolé, perdu dans le néant, loin de toute habitation, et s’était arrêté en pensant qu’il avait besoin d’aide.
– Qu’est-ce qui vous fait penser que j’ai besoin d’aide ? avait dit le vieux en grimpant péniblement dans le camion.
– C’est ce qu’il m’a semblé.
– Ah bon ? Moi, il me semble plutôt que c’est vous qui avez besoin d’aide.
– Où allez-vous ? demanda Parker pour changer de sujet, habitué aux bizarreries de la région et de ses habitants.
– Vous ne voyez pas que je ne vais nulle part ?
Parker haussa les épaules et retourna à ses pensées, mais l’homme insista :
– J’ai une tête à aller quelque part ?
– Non, vous avez une tête à être là, pas plus.
– Et si je voulais, bordel, où vous croyez que je pourrais aller ? ajouta-t-il irrité, en indiquant la plaine.
Il y avait des espèces de corridors où l’air s’engouffrait violemment, mais quelques mètres plus loin il changeait de direction et d’intensité. Les rafales et les tourbillons furieux qui se disputaient le droit de passage se muaient en une brise molle et constante. Maytén avait grandi dans ces territoires et appris très jeune la manière d’esquiver les bourrasques. Il fallait pour cela se déplacer avec une intuition de sourcier, observer le type et la forme de végétation, l’accumulation de poussière, les traces subtiles que l’air laissait sur le sol.
Bon, alors prenez la 210 jusqu’à trouver un arbre abattu. Si vous dépassez les trois jours, revenez en arrière, parce que vous serez allé trop loin. Au croisement, prenez à gauche, c’est l’affaire d’un jour et demi, deux s’il pleut.
– Allez jusqu’à Cabo Albarracín, tôt ou tard c’est là que vont toutes les fêtes foraines, lui conseilla un soir un vieil homme qu’il avait fait monter dans sa cabine. Il l’avait rencontré sur un chemin isolé, perdu dans le néant, loin de toute habitation, et s’était arrêté en pensant qu’il avait besoin d’aide.
– Qu’est-ce qui vous fait penser que j’ai besoin d’aide ? avait dit le vieux en grimpant péniblement dans le camion.
– C’est ce qu’il m’a semblé.
– Ah bon ? Moi, il me semble plutôt que c’est vous qui avez besoin d’aide.
– Où allez-vous ? demanda Parker pour changer de sujet, habitué aux bizarreries de la région et de ses habitants.
– Vous ne voyez pas que je ne vais nulle part ?
Parker haussa les épaules et retourna à ses pensées, mais l’homme insista :
– J’ai une tête à aller quelque part ?
– Non, vous avez une tête à être là, pas plus.
– Et si je voulais, bordel, où vous croyez que je pourrais aller ? ajouta-t-il irrité, en indiquant la plaine.
Il y avait des espèces de corridors où l’air s’engouffrait violemment, mais quelques mètres plus loin il changeait de direction et d’intensité. Les rafales et les tourbillons furieux qui se disputaient le droit de passage se muaient en une brise molle et constante. Maytén avait grandi dans ces territoires et appris très jeune la manière d’esquiver les bourrasques. Il fallait pour cela se déplacer avec une intuition de sourcier, observer le type et la forme de végétation, l’accumulation de poussière, les traces subtiles que l’air laissait sur le sol.
Bon, alors prenez la 210 jusqu’à trouver un arbre abattu. Si vous dépassez les trois jours, revenez en arrière, parce que vous serez allé trop loin. Au croisement, prenez à gauche, c’est l’affaire d’un jour et demi, deux s’il pleut.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire