Coup de coeur 💓💓
Titre : La fièvre
Auteur : Sébastien SPITZER
Parution : 2020 chez Albin Michel
Pages : 320
Présentation de l'éditeur :
Memphis, juillet 1878. En pleine rue, pris d’un
mal fulgurant, un homme s’écroule et meurt. Il est la première victime
d’une étrange maladie, qui va faire des milliers de morts en quelques
jours.
Anne Cook tient la maison close la plus luxueuse de la ville et
l’homme qui vient de mourir sortait de son établissement. Keathing
dirige le journal local. Raciste, proche du Ku Klux Klan, il découvre la
fièvre qui sème la terreur et le chaos dans Memphis. Raphael T. Brown
est un ancien esclave, qui se bat depuis des années pour que ses
habitants reconnaissent son statut d’homme libre. Quand les premiers
pillards débarquent, c’est lui qui, le premier, va prendre les armes et
défendre cette ville qui ne voulait pas de lui. Trois personnages exceptionnels. Trois destins révélés par une même tragédie.
Dans ce roman inspiré d’une histoire vraie, Sébastien Spitzer, prix Stanislas pour Ces rêves qu’on piétine, sonde l’âme humaine aux prises avec des circonstances extraordinaires. Par delà le bien et le mal, il interroge les fondements de la morale et du racisme, dévoilant de surprenants héros autant que d’insoupçonnables lâches.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Sébastien Spitzer est traducteur et journaliste. Son premier roman Ces rêves qu’on piétine
a reçu un formidable accueil critique et public. Il a été le lauréat de
nombreux prix (prix Stanislas, Talents Cultura, Roblès). Avec Le Cœur battant du monde, il fut finaliste du Goncourt des Lycéens 2020.
Avis :
En 1878, dans un Sud américain qui n’a pas encore digéré la victoire des Yankees et l’abolition de l’esclavage, plusieurs cas de fièvre jaune sont confirmés à Memphis. Prise de panique, la population tente massivement de fuir, prenant littéralement d’assaut le dernier train en partance. Les habitants restés dans la ville désertée, désormais coupée du monde et livrée à la violence et au pillage, tâchent, avec les moyens du bord, de faire face à l’hécatombe. Tandis qu’une milice composée d’hommes noirs prend la défense des lieux, et que la maquerelle Annie Cook transforme sa maison close en hôpital, l’ardent suprémaciste blanc Keathing, patron du journal local, est amené à réviser ses convictions racistes et moralistes.
Ecrit par coïncidence juste avant la pandémie du Coronavirus qui lui donne une résonance toute particulière, ce roman s’inspire des épidémies de fièvre jaune qui, par trois fois, ont frappé la ville de Memphis dans les années 1870, alors qu’on ignorait la responsabilité du moustique dans la propagation de cette maladie mortelle. Rythmé par des phrases courtes et crépitantes, le récit est haletant. Il entraîne sans répit le lecteur dans l’impitoyable succession d'évènements à laquelle doivent faire face les personnages.
Pour ces derniers, cette terrible crise devient l’occasion de profondes transformations, Blancs et Noirs se retrouvant pour une fois à égalité face à l’adversité. Soudain, la valeur d’hommes noirs s’affiche en pleine lumière au travers de leur courage et de leur détermination, tout comme la vaillance et les qualités humaines de femmes dites de mauvaise vie – ces autres esclaves, cette fois du commerce des corps -, quand quantité de gens bien pensants, à commencer par la rigide mère supérieure du couvent de la ville, s’illustrent par leur lâche irresponsabilité.
Preuve que, souvent, seules les crises savent enfanter le changement, cette histoire qui renverse les rôles établis est une jolie démonstration de l’inanité des préjugés et de la gravité des intolérances, souvent cachées derrière des principes de morale autorisant la bonne conscience. Coup de coeur. (5/5)
Ecrit par coïncidence juste avant la pandémie du Coronavirus qui lui donne une résonance toute particulière, ce roman s’inspire des épidémies de fièvre jaune qui, par trois fois, ont frappé la ville de Memphis dans les années 1870, alors qu’on ignorait la responsabilité du moustique dans la propagation de cette maladie mortelle. Rythmé par des phrases courtes et crépitantes, le récit est haletant. Il entraîne sans répit le lecteur dans l’impitoyable succession d'évènements à laquelle doivent faire face les personnages.
Pour ces derniers, cette terrible crise devient l’occasion de profondes transformations, Blancs et Noirs se retrouvant pour une fois à égalité face à l’adversité. Soudain, la valeur d’hommes noirs s’affiche en pleine lumière au travers de leur courage et de leur détermination, tout comme la vaillance et les qualités humaines de femmes dites de mauvaise vie – ces autres esclaves, cette fois du commerce des corps -, quand quantité de gens bien pensants, à commencer par la rigide mère supérieure du couvent de la ville, s’illustrent par leur lâche irresponsabilité.
Preuve que, souvent, seules les crises savent enfanter le changement, cette histoire qui renverse les rôles établis est une jolie démonstration de l’inanité des préjugés et de la gravité des intolérances, souvent cachées derrière des principes de morale autorisant la bonne conscience. Coup de coeur. (5/5)
Citations :
On dit que si elle a des origines françaises, Anne Cook est surtout née dans le Sud, dans un bled du delta, là où, à chaque grande crue, l’eau du Mississippi imbibe toutes les terres, même celle des cimetières, au point de faire remonter les tombes et les morts dans les fosses. On dit que son passé est enfoui comme des ruines dans le sable, qu’il est mouvant en elle et qu’elle passe sa vie à le tasser de son mieux. Il n’y a rien de plus instable que les ruines d’une vie. Celles d’Anne affleurent.
Le géant noir T. Brown est parmi eux. Barbier de son état. Un dos de portefaix tiraillé par le fouet, cabossé par les champs. Ses épaules sont des boulets perchés sur deux bras d’artillerie épais comme des affûts, aussi intimidants qu’une paire de couleuvrines alignées et des doigts comme des schlass. Puissant. Impressionnant. Sa voix est à l’avenant. Elle a le timbre de cet alliage fait de chair et de bronze.
Anne Cook a toujours eu un faible pour les coquelicots.
– J’aime ces fleurs, Monsieur Keathing. Ce sont les plus belles fleurs du monde.
– Je suis bien content qu’elles vous plaisent.
– Elles poussent partout. On dit qu’elles sont fragiles, qu’une fois coupées elles fanent. C’est vrai. Vous avez beau brûler leurs tiges pour en figer le suc, les plonger dans de l’eau, la renouveler souvent, ajouter je ne sais quel onguent…, rien n’y fera. Elles ne trichent pas. Elles fanent. Pourtant, si on les laisse faire, si on leur donne un peu le temps de prendre racine, elles reviennent n’importe où, près des champs, près des ruines, du printemps à l’automne. Et elles rejaillissent toujours, plus vives, plus belles. Quelques touches de rouge vif autour d’un cœur noir… Un peu comme moi ! Mais vous le saviez, n’est-ce pas ?
Le géant noir T. Brown est parmi eux. Barbier de son état. Un dos de portefaix tiraillé par le fouet, cabossé par les champs. Ses épaules sont des boulets perchés sur deux bras d’artillerie épais comme des affûts, aussi intimidants qu’une paire de couleuvrines alignées et des doigts comme des schlass. Puissant. Impressionnant. Sa voix est à l’avenant. Elle a le timbre de cet alliage fait de chair et de bronze.
Anne Cook a toujours eu un faible pour les coquelicots.
– J’aime ces fleurs, Monsieur Keathing. Ce sont les plus belles fleurs du monde.
– Je suis bien content qu’elles vous plaisent.
– Elles poussent partout. On dit qu’elles sont fragiles, qu’une fois coupées elles fanent. C’est vrai. Vous avez beau brûler leurs tiges pour en figer le suc, les plonger dans de l’eau, la renouveler souvent, ajouter je ne sais quel onguent…, rien n’y fera. Elles ne trichent pas. Elles fanent. Pourtant, si on les laisse faire, si on leur donne un peu le temps de prendre racine, elles reviennent n’importe où, près des champs, près des ruines, du printemps à l’automne. Et elles rejaillissent toujours, plus vives, plus belles. Quelques touches de rouge vif autour d’un cœur noir… Un peu comme moi ! Mais vous le saviez, n’est-ce pas ?
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