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Titre : Le bal des ombres (Shadowplay)
Auteur : Joseph O'CONNOR
Traductrice : Carine CHICHEREAU
Parution : en anglais (Irlande) en 2019
en français en 2020
Editeur : Rivages
Pages : 550
Présentation de l'éditeur :
Un mot sur l'auteur :
Avis :
Loin de la biographie linéaire, ce récit foisonnant ressuscite ses personnages historiques avec le plus grand naturel, recréant la chair et l’émotion autour du squelette des faits réels, dans une évocation d’autant plus crédible qu’elle nous baigne en même temps dans une magistrale restitution du Londres victorien. L’ambiance du roman est ainsi particulièrement prégnante, tant celle, brumeuse et polluée, de la capitale anglaise, pas tout à fait aussi scandalisée du procès d’Oscar Wilde que terrifiée par l’ombre de Jack l’Eventreur, que celle, effervescente et passionnée, d’un théâtre de la fin du XIXe siècle aux mains de personnalités explosives aux égos démesurés.
Au fur et à mesure du parcours des trois protagonistes principaux, entre doute et ambition, ombre et lumière, le texte prend une teinte de plus en plus mélancolique pour le lecteur témoin de leur ascension puis de leur vieillissement, et, globalement, du curieux cheminement qu’emprunte parfois la gloire, tantôt capricieuse, tantôt généreuse, souvent inaccessible et même ironiquement tardive, lorsque, posthume, elle vient couronner un homme finalement convaincu de son insignifiance et mort dans un hospice pour indigents.
Fresque historique, histoire d’amour et d’amitié, récit gothique et odyssée autour du mystère de la création, ce roman aux multiples facettes tient l’intérêt éveillé de bout en bout. Il réussit à émouvoir quant au dépassement de la finitude humaine par l’immortalité de l’oeuvre passée à la postérité. (4/5)
Citations :
Jamais assez de temps pour aller jusqu’au bout d’une histoire. Jamais assez d’argent pour prendre le temps d’y réfléchir. L’argent est tout. Il ne le savait pas auparavant. Ce dont un écrivain a besoin, c’est de temps, d’avoir la permission d’échouer s’il le faut, de s’abstraire des tourments que vous inflige la nécessité de payer un loyer. L’argent est une fiction, mais elle est tout de même nécessaire. C’est la seule fiction qui existe.
Vous savez, être comédien, ce n’est pas faire semblant d’être quelqu’un d’autre, mais trouver l’autre en nous, et le mettre en avant. Ça n’a rien de compliqué, les enfants le font ; vous n’avez qu’à les regarder lorsqu’ils jouent. Ce n’est pas paraître, c’est être. Je l’ai appris dans mon enfance, mon père était un comédien itinérant qui jouait la pantomime. Jamais il ne me disait : « Joue à être une fée. » Non, il me disait : « Aujourd’hui, tu es une fée, Len. Envole-toi. »
Le neuvième cercle de l’enfer de Dante, la fosse la plus profonde, est réservée aux pécheurs les plus infâmes, traîtres à ceux qui les ont bien traités, qui dans le donjon d’Hadès le plus sale, le plus brûlant, souffre l’éternelle dégradation des ingrats. S’il existait un dixième cercle, il serait réservé aux seules créatures encore plus méprisables et impardonnables : les auteurs qui font la promotion de leurs propres ouvrages.
Quand on est jeune, on n’imagine pas que le temps soit une monnaie. Plus tard, on s’aperçoit qu’on n’a plus grand-chose sur son compte.
– Ah, c’est pour ça qu’existent les histoires, Nolly. Pour savoir ce que ça fait d’être une autre personne.
– Pourquoi voudrait-on cela ?
– Parce que parfois c’est éreintant d’être soi.
– Vous savez ce que mon vieux père disait à propos du mariage, Mr Stoker ? Tu as le droit de regarder dans la vitrine du bijoutier, à condition de ne pas la casser pour tout rafler.
Ce qu’ils appellent la vie est un vaisseau fantôme. Ce vaisseau compte bien des cabines. Des petites. Des grandes. Certaines sont destinées aux princes. D’autres aux pauvres. Elles sont innombrables. Il y en a toujours une autre. Voilà comment ils échappent à la prison du moi. Pour voir le monde à travers le hublot de la cabine d’un autre.
Il n’aime pas se souvenir, trop de douleur, de déceptions. Il est important de se maintenir à flot, les yeux braqués sur l’horizon, toujours. Le passé est un fou qui se noie ; lancez-lui une corde, il vous entraînera avec lui.
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