lundi 21 juillet 2025

[Orsenna, Erik] Ces fleuves qui coulent en nous

 





J'ai aimé

 

Titre : Ces fleuves qui coulent en nous

Auteur : Erik ORSENNA

Parution : 2025 (Julliard)

Pages : 224

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :     

" De nouveau, je vous emmène en voyages. Mais cette fois, pas besoin de prendre l'avion ou le bateau.
Je vous invite tout près, au plus près.
Au cœur de votre cœur, au fil de votre sang et de vos larmes. Dans les mystérieuses citernes de votre cerveau.
Bienvenue dans les secrets les mieux gardés, nos parcs naturels intimes où œuvrent, sans relâche, d'innombrables micro-organismes. Sans oublier ces tout petits et palpitants espaces, ceux que nous qualifions, les yeux baissés et du fard aux joues, de "zones humides'.
Embarquons ensemble pour vingt mille lieues sur, sous et dans la peau.
Pour retrouver aussi musiques et légendes : elles aussi coulent en nous, elles aussi nous irriguent.
Vous vous demanderez peut-être quelle folie m'a pris de tant raconter.
En m'aventurant dans des domaines qui n'étaient pas les miens.
L'âge venu, je voulais remercier la vie.
Et comment remercier vraiment sans connaître ? "

E.O.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Professeur de matières premières, cofondateur de l'association internationale Initiatives pour l'avenir des grands fleuves, Érik Orsenna est membre de l'Académie française et ambassadeur de l'Institut Pasteur.

 

 

Avis :

Après La terre a soif et son tour du monde des grands fleuves, Erik Orsenna poursuit sa promenade curieuse, entre science et littérature, pour un autre type de géographie, celle des flux qui irriguent notre corps, nos pensées et nos émotions.

Curieux insatiable, l’auteur académicien a pris l’habitude de croiser les regards d’experts en un méticuleux travail d’enquête, avant d’en restituer un précipité de connaissances à mi-chemin de la vulgarisation scientifique et de la réflexion littéraire. Il use cette fois du formidable réseau de scientifiques auquel lui donne accès son rôle d’ambassadeur de l’institut Pasteur, pour une exploration pleines d’analogies de la dynamique des fluides – sang, larmes, salive…, mais aussi pensées et imagination – qui, comme l’eau sur la planète, abreuvent la vie dans l’incroyable galaxie que constitue notre corps.

Si l’ensemble, érudit, didactique et pimenté d’autant d’humour que d’intelligence, ne manque pas d’intérêt, nous transportant des errements de la connaissance aux découvertes les plus récentes, nous émerveillant de si formidables complexités anatomiques qu’elles se prêtent à toutes sortes d’images et réflexions tant poétiques que philosophiques, il n’empêche que, sautant très vite d’un sujet à l’autre, le texte ne parvient pas totalement, malgré les anecdotes et apartés tentant d’y mettre un peu de liant, à effacer chez le lecteur, d’une part une tenace et déroutante impression de décousu, d’autre part une certaine frustration de rester souvent sur sa faim.

Peut-être pas l’étape la plus aboutie du voyage vers la connaissance que nous propose l’auteur au gré de ses explorations les plus diverses, un ouvrage néanmoins de qualité, soigneusement documenté, enrichi de maintes réflexions pertinentes comme d’une poignée de bonnes adresses gastronomiques, où le savoir se fait accessible au plus grand bénéfice du lecteur. (3,5/5)

 

 

Citations :

Lors de la « petite circulation », le sang « bleu » est donc transmis de l’oreillette droite au ventricule droit, qui l’envoie aux poumons par une artère logiquement baptisée « pulmonaire ». Ainsi, le sang échangera son CO2 contre l’oxygène inspiré avant d’être renvoyé, redevenu rouge, vers l’oreillette gauche.   
Pour identifier ce double « mouvement », et pour rendre au cœur le rôle qu’il mérite, déterminant, il a fallu plus d’un millénaire. Onze siècles d’inlassable curiosité. Onze siècles d’avancées soudaines, précédant de longues stagnations, d’interminables obstinations dans des erreurs évidentes, interrompues subitement par un nouveau progrès. Suivre ce rythme, c’est prendre le pouls d’un autre « mouvement » vital, celui de la connaissance. Et mieux comprendre les causes de ses maladies comme le secret de sa bonne santé possible. 
Près d’un siècle et demi plus tôt, Christophe Colomb puis Vasco de Gama et Magellan avaient ouvert de nouvelles routes sur les mers. Maintenant, c’était au tour du sang de livrer les mystères de son parcours.


L’eau nous a été donnée, arrivée, un beau jour, on ne sait pas vraiment quand et encore moins venant d’où. Et depuis la nuit des temps, c’est la même eau qui circule. Je sais, cette vérité dérange, ou dégoûte, mais il faut t’y faire : nous buvons la pisse des dinosaures. 


De tout cours d’eau on cherche la source. Pour les larmes, certains ont évoqué le cerveau. Mais sans y croire. L’opinion générale, durant des millénaires, et y compris chez Léonard de Vinci, fut qu’elles venaient du cœur. Mais la vérité vint d’une allégorie. Elle rejoignait l’intuition des mystiques. Submergés par leurs visions de Dieu, nous savons qu’ils pleurent d’abondance. C’est le même Marin Cureau de La Chambre qui trouva les mots pour dire le mieux l’entièreté du mystère : « Les larmes sont le sang de l’âme. »


Dans la bibliothèque familiale, au moins cent volumes de la vieille collection des Contes et légendes occupaient la place centrale. C’est dans ce trésor que venait puiser notre mère chaque fois que se déclenchait chez nous une otite ou une grippe. Pour vaincre les microbes et les virus, elle faisait plus confiance à ces récits de vaillance qu’aux antibiotiques qui débutaient. Blotti dans ses bras, le petit malade s’endormait, bercé par ces hauts faits étrangers. Au matin, la plupart du temps il se réveillait guéri. Merci, les chevaliers de la Table ronde ! Merci à la renarde russe (sage-femme de métier) ! Merci aux korrigans de Bretagne ! 
C’est de ce temps-là que je tiens les légendes pour les plus fortes des eaux de vie.


Si parmi les fleuves qui coulent en nous, le plus porteur de vie est celui de la curiosité, le premier mal qui nous menace est celui d’une ignorance célébrée ou pire, peut-être, celui de ces « vérités alternatives », fabriquées sans rapport aucun avec le vrai, juste pour ne pas déranger le cours de nos habitudes et la répartition des richesses.

 

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