dimanche 27 juillet 2025

[Carrère, Emmanuel] La classe de neige

 


 

 

Coup de coeur 💓

 

Titre : La classe de neige

Auteur : Emmanuel CARRERE

Parution : 1995 (P.O.L)

Pages : 176

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :     

Dès le début de cette histoire, une menace plane sur son petit héros : nous le sentons, nous le savons, tout comme lui le sait, l’a toujours su. Pourtant, quoi de plus ordinaire qu’une classe de neige ? Mais celle-ci, à partir d’un incident apparemment mineur (son père qui l’a amené en voiture repart en emportant les affaires de l’enfant) va tourner au cauchemar. Et si nous ignorons d’où va surgir le danger, quelle forme il va prendre, qui va en être l’instrument, nous savons que quelque chose est en marche, qui ne s’arrêtera pas.

Ce roman impitoyablement écrit raconte l’un des pires malheur qui puisse arriver à un enfant, un malheur, né autant de son imagination que du monde qui l’entoure, et contre lequel il sera totalement démuni car il touche le cœur de ce qui fait sa faiblesse, sa vulnérabilité et le prive de toute issue, de tout recours.

 

 

Un mot sur l'auteur :  

Né en 1957, Emmanuel Carrère est écrivain, journaliste, scénariste et réalisateur. Il est l'auteur de nombreux romans qui lui ont valu plusieurs prix littéraires.

 

 

Avis :

Surprotégé par ses parents, Nicolas est un enfant solitaire et angoissé, qui envisage la classe de neige comme une épreuve. Déjà paniqué à l’idée de mouiller son lit et de se retrouver en butte aux moqueries, voilà en plus qu’il se fait d’emblée remarquer, parce que son père, par peur d’un accident, a décidé de le conduire lui-même au lieu de le laisser prendre le car la veille avec les autres, et, comble de malheur, est reparti en oubliant de lui laisser son sac.

Associées à l’évident décalage du comportement de ses parents, les peurs de Nicolas ont tôt fait de nous convaincre de la vulnérabilité de l’enfant et de nous faire redouter, à nous aussi, la mauvaise tournure que ce séjour à la montagne risque de prendre pour ce souffre-douleur tout désigné. C’est donc désormais à travers le prisme des angoisses du garçon, additionnées de nos inquiétudes d’observateurs adultes, que l’on aborde la suite en la pressentant tragique. Mais, si les éléments menaçants s’accumulent, ils ne se mettront en place qu’en toute fin du roman, nous laissant en attendant aux prises avec les terreurs enfantines qui, alimentées par quelques lectures sinistres, les sombres mises en garde parentales et des bribes de conversation saisies entre deux portes, peuplent les cauchemars de Nicolas d’accidents sanglants et de trafiquants d’organes ravisseurs d’enfants, tout en le convaincant du sadisme d’Hodkann, le grand qui lui a prêté un pyjama.

Toujours, contrastant avec la présence rassurante et bienveillante de Patrick, le moniteur de ski, plane l’ombre, nimbée d’un mystère à la fois fascinant et inquiétant pour l’enfant, d’un père représentant en prothèses médicales, et qui, entre deux absences, se montre autant intrusif que terrifiant avec ses figurations d’un monde dangereux dont il faut se protéger sous peine d’atroces conséquences. Alors, quand le fantasme devient réalité, et que, dans la station de ski, un petit garçon disparaît puis est retrouvé assassiné, la peur amplifiée par les non-dits de son entourage enflamme l’imagination de Nicolas en un dérisoire mécanisme de protection, qui ne l’empêchera pas de devoir bientôt affronter la vérité. Une vérité d’autant plus inconcevable qu’elle ne se dessinera jamais qu’en creux, à peine énoncée à demi-mot.

Un roman psychologique addictif et tout en finesse sur les effets du secret et du non-dit sur l’inconscient et l’équilibre affectif d’un enfant, et qui nous laisse, avec effroi, extrapoler l’ampleur du traumatisme à jamais tatoué au plus profond de sa personnalité. Coup de coeur. (5/5)

 

 

Citation :

La plupart des élèves déjeunaient habituellement à la cantine, mais pas Nicolas. Sa mère venait le chercher ainsi que son petit frère, encore à l’école maternelle, et ils prenaient tous trois le repas à la maison. Leur père disait qu’ils avaient beaucoup de chance et que leurs camarades étaient à plaindre de fréquenter la cantine, où l’on mangeait mal et où survenaient souvent des bagarres. Nicolas pensait comme son père, et si on le lui demandait se déclarait heureux d’échapper à la mauvaise nourriture et aux bagarres. Cependant, il se rendait compte que les liens les plus forts entre ses camarades s’établissaient surtout entre midi et deux heures, à la cantine et dans le préau où on vaquait après le repas. Pendant son absence, on s’était envoyé des petits suisses à la figure, on avait été puni par les surveillants, on avait conclu des alliances et chaque fois, quand sa mère le ramenait, c’était comme s’il avait été nouveau et devait reprendre à zéro les relations nouées le matin. Personne à part lui n’en gardait le souvenir : trop de choses s’étaient passées durant les deux heures de cantine.


 

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