jeudi 17 juillet 2025

[Laski, Marghanita] La méridienne

 


 

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : La méridienne 
           (The Victorian chaise-longue)

Auteur : Marghanita LASKI

Traduction : Agnès DESARTHE

Parution : 1953 en anglais,
                  2025 en français (L'Olivier)    

Pages : 168 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Le printemps déploie sa splendeur sur la maison au bord d’un canal où vivent Melanie Langdon, son mari et leur nouveau-né. Elle est une épouse typique des années 1950, discrète, dévouée. Quittant enfin son lit après une longue maladie, Melanie trouve refuge sur une méridienne achetée dans une brocante. L’objet est étrange, presque disgracieux, il est pourtant doux de s’y blottir. Encore un peu de repos, et elle sera sur pieds… Elle s’endort.
Quand elle se réveille, elle ne reconnaît rien. Ni les lieux ni les gens. Nous sommes en 1864 ; elle s’appelle désormais Milly Baines. En son for intérieur, Melanie Langdon est toujours là, tentant à tout prix de sortir de ce cauchemar éveillé.
Brillant et addictif, ce roman à la portée féministe est une révélation.

 

Un mot sur l'auteur :

Marghanita Laski (1915-1988) fut une femme de lettres britannique, également journaliste et femme de radio. Elle a abondamment contribué au Oxford English Dictionary. Dans les années 60, elle a été critique de science fiction pour l'Observer.

 

 

Avis :

Traduit par Agnès Desarthe, paraît pour la première fois en français un court ouvrage écrit en 1953 par Marghanita Laski (1915 – 1988), romancière et biographe anglaise, notamment de Jane Austen, qui apporta une contribution exceptionnelle à l’Oxford English Dictionary, un dictionnaire historique s’adressant principalement aux linguistes. Sa narration en forme de cauchemar dénonce la condition féminine des années 1950 par une habile transposition renvoyant à une situation semblable à l’époque victorienne.

C’est une méridienne, un meuble victorien plutôt hideux mais objet d’un inexplicable coup de coeur dans une brocante, qui sert de mécanisme au récit en assurant l’articulation entre deux lieux, deux époques et deux jeunes femmes. La plus contemporaine, Melanie Langdon, vit dans les années 1950 avec son mari, dans une maison cossue rénovée dans un ancien quartier ouvrier en bordure de canal. Privée de son nourrisson par la maladie pulmonaire qui l’oblige depuis des mois à garder le lit pour un repos des plus stricts, cette jeune maman est enfin autorisée à la chaise longue, en l’occurrence à inaugurer la méridienne chinée juste avant sa maladie. Mais sa joie est de courte durée. Lorsqu’elle s’éveille de sa sieste, elle se retrouve transplantée dans la peau et dans la tête d’une autre tuberculeuse, Milly Baines, probablement dans la même maison alors empuantie par le canal, en 1864.

Commence le récit cauchemardesque d’une expérience étrange, à se débattre dans la panique d’une situation de dédoublement qui fait vivre à l’héroïne aussi bien les émotions de Melanie que de Milly. Saisissant peu à peu la situation de Milly, bien plus malade et traitée comme une réprouvée pour ce qu’elle devine d’une liberté prise la jetant plus bas que terre aux yeux de son entourage, Melanie l’épouse discrète et dévouée au point de « se façonner » pour «  devenir ce que son homme veut qu’elle soit »« Comme tu es intelligent, mon chéri », dit Melanie avec adoration. « Je me sens si bête par rapport à toi. » « Mais c’est ainsi que je t’aime », répondit Guy –, elle qui acceptait avec tant de bonne grâce de laisser le contrôle de sa vie à son époux et à son médecin, prend soudain conscience, non seulement de l’injustice de la condition féminine, mais aussi de l’incongruité de sa soumission alors qu’un siècle plus tôt, des femmes comme Milly, en osant bien davantage, s’avéraient finalement plus modernes qu’elle.

Avec son mélange de cauchemardesque tension fantastique et de charme un rien désuet évoquant de manière surprenante à la fois Stephen King et Jane Austen, La méridienne est un roman aussi captivant qu’habilement construit. Dans cette histoire où tous les doutes sont permis – Cauchemar ? Dédoublement de personnalité ? –, surnage une certitude : celle d’une farouche dénonciation de la condition féminine et de la soumission, encore largement consentie dans les années 1950, à la toute puissance des hommes. (4/5)

 

Citation :

– Comme tu es intelligent, mon chéri, dit Melanie avec adoration. Je me sens si bête par rapport à toi. 
– Mais c’est ainsi que je t’aime », répondit Guy. Et c’est l’exacte vérité, songea le Dr Gregory en les observant. Pourtant, Melanie n’est pas l’idiote qu’il imagine qu’elle est, loin s’en faut, c’est simplement une créature purement féminine qui se façonne elle-même afin de devenir ce que son homme veut qu’elle soit. Non que je la qualifierais d’intelligente, rusée serait plus juste (…)

 

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