dimanche 13 juillet 2025

[Lemaitre, Pierre] Les années glorieuses 3 - Un avenir radieux

 





J'ai beaucoup aimé

 

Titre : Un avenir radieux

Auteur : Pierre LEMAITRE

Parution : 2025 (Calmann Lévy)

Pages : 592

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :     

«  Je viens sauver quelqu’un, se répétait-il, et maintenant qu’il se trouvait à deux heures de Prague, il sentait monter en lui une vive anxiété. » 
Une échappée belle de Paris à Prague, d’un studio de radio à des ruelles hostiles, d’un cachot glacé à une académie de billard, d’une école de bonnes sœurs aux bureaux obscurs de la République.
Chacun des Pelletier, à son heure, devra choisir entre son intérêt et son devoir, et pour certains entre la raison du cœur et  la raison d’État. Un dilemme parfois déchirant, sauf pour le chat Joseph, qui lui a choisi depuis longtemps.

 

 

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Né à Paris, Pierre Lemaitre a enseigné aux adultes, notamment les littératures française et américaine, l’analyse littéraire et la culture générale. Il est aujourd’hui écrivain et scénariste. Ses romans ont été récompensés par de nombreux prix littéraires nationaux et internationaux. En 2013, le prix Goncourt lui est décerné pour Au revoir là-haut, premier volet de sa trilogie Les Enfants du désastre (Au revoir là-haut, Couleurs de l’incendie, Miroir de nos peines). En 2018, il a reçu le César de la meilleure adaptation avec Albert Dupontel pour ce même roman.

 

 

Avis :

Après le Grand Monde et Le silence et la colère, Pierre Lemaitre poursuit sa tétralogie consacrée aux Trente Glorieuses avec un volet encore une fois malicieusement au carrefour des genres littéraires, puisqu’à la saga familiale et à la fresque sociale, il vient ajouter les ingrédients du roman d’espionnage pour évoquer le tournant des années 1960. L’on retrouve donc la famille Pelletier sur fond de guerre froide, de menace nucléaire, mais aussi d’une prospérité si bien convaincue de ses rêves de progrès qu’elle ignorera encore longtemps les vilaines graines, qu’à grands coups d’insecticides ou de violences sexuelles sur mineurs, elle est en train de semer pour notre monde contemporain.

Peu importe que l’on ait lu ou pas les tomes précédents, l’on se (re)familiarise très vite et avec plaisir avec les personnages de ce feuilleton à la mécanique bien huilée. Rentré en France après avoir vendu sa savonnerie beyrouthine, Louis, le patriarche des Pelletier, voit sa santé décliner et ses descendants prendre des chemins qui le laissent parfois perplexe. Ses fils ont pour leur part atteint la maturité, même si, mal marié avec l’épouvantable Geneviève, Jean l’entrepreneur reste secrètement la proie de ses frustrations et de ses démons criminels.

Ses tribulations d’éternel loser n’ont toutefois rien à envier à celles de son frère nettement plus affirmé. Toujours journaliste pour un quotidien, François doit affronter pour sa part le muselage des médias depuis qu’il a contribué à créer le premier magazine d’information à la télévision française. Amené à se rendre à Prague pour un reportage, une nouvelle salve de dilemmes moraux l’assaille lorsqu’il se retrouve activement impliqué dans une opération de contre-espionnage.

Mais, tout à ses préoccupations, cette génération passe totalement à côté de celles de ses enfants, en tête desquels la petite Colette qu’entre son désespoir pour ses ruches ravagées par les insecticides de l’agriculteur voisin et le secret dévastateur qu’elle n’a d’autre possibilité que de cadenasser au plus profond d’elle-même, l’on pressent déjà future championne de l’écologie et des droits des femmes dans le prochain tome.

Avec son titre ironique et sa radiographie de la société des Trente Glorieuse à la lumière de notre époque, cet épisode plein d’action de la saga Pelletier réussit une nouvelle fois à combiner le divertissement accessible à tous avec le roman social et politique, ici finement annonciateur des catastrophes qui nous concernent aujourd’hui. Tout à son plaisir, le lecteur acceptera bien volontiers la démarche, complice des « deux ou trois circonstances invraisemblables [maintenues] par respect pour la vérité » et annoncées en exergue par cette citation de Victor Hugo. (4/5)

 

 

Citations :

L’époque se faisait fébrile. L’angoisse nucléaire se dirigeait vers son apogée. La doctrine de la dissuasion s’accompagnait d’un surarmement nucléaire auquel les populations assistaient avec anxiété. On attendait des espions des deux camps des informations sur les capacités de l’adversaire, les défenses antimissiles, les sites de production d’armes, le Journal du soir, pour ne parler que de lui, publiait des articles du type : « Comment se protéger en cas d’attaque atomique », voire : « La peur de l’apocalypse nucléaire hante les familles françaises », il y avait beaucoup de travail dans les services de renseignement internationaux.


— Non, Arthur, cette fois, je ne vais pas t’écouter. Pendant des mois nous avons joué le jeu sans en discuter les règles. On ne s’autorise pas, à la télévision, le dixième de ce qu’on pratique tous les jours au Journal. Or, notre position est forte, notre émission est attendue et regardée, le ministère ne pourra pas la supprimer sans s’expliquer…
— Il ne supprimera rien, dit Baron, nous serons simplement remplacés.
— Tu penses ? Arthur Denissov, le directeur du plus grand quotidien national, sera purement et simplement remplacé ? Tu plaisantes ?
— Ça n’est pas comme ça que les choses se passent, dit Denissov.
Ce fut une révélation pour François.
— Tu as raison ! Le gouvernement n’a même pas besoin de nous demander de retirer ce qui le dérange, nous le faisons de nous-mêmes ! Parce que nous sommes d’accord ! Nous pensons que notre mission n’est pas seulement d’informer mais d’informer sans désagrément pour ceux qui nous autorisent à le faire.


 

Du même auteur sur ce blog :

 
 

 


 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire