Je n'ai pas aimé
Titre : Le lac de la création (Creation Lake)
Auteur : Rachel KUSHNER
Traduction : Emmanuelle et Philippe ARONSON
Parution : en anglais (Etats-Unis) en 2024,
en français (Stock) en 2025
Pages : 480
Présentation de l'éditeur :
Sadie Smith, ex-agente du FBI, est envoyée par ses mystérieux employeurs
pour infiltrer une communauté d’éco-activistes radicaux dans un village
français entouré de grottes millénaires. Sa mission : inciter les
militants du Moulin à franchir la ligne rouge et permettre ainsi une
riposte judiciaire de l’État. Rien d’insurmontable pour Sadie qui en a
vu d’autres. Mais c’est sans compter les exigences sans limites de ses
commanditaires...
Rattrapée par son passé, envoûtée par les écrits de Bruno Lacombe, mentor charismatique de la communauté qui a rejeté le monde moderne, Sadie risque de voir son pouvoir de séduction se retourner contre elle.
Rattrapée par son passé, envoûtée par les écrits de Bruno Lacombe, mentor charismatique de la communauté qui a rejeté le monde moderne, Sadie risque de voir son pouvoir de séduction se retourner contre elle.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Née en 1923, Elizabeth Jane Howard est l’auteur de quinze romans. Les Cazalet Chronicles – The Light Years, Marking Time, Confusion et Casting Off
– sont devenus des classiques modernes au Royaume-Uni et ont été
adaptés en série pour la BBC et pour BBC Radio 4. Elle a également écrit
son autobiographie, Slipstream. Elle est morte en janvier 2014, après la parution du 5e volume des Cazalet Chronicles, All Change.
Avis :
L’affaire Tarnac et les contacts de la romancière américaine, familière du sud-ouest français, avec Julien Coupat, arrêté en 2008 par la police antiterroriste comme membre de l’ultra-gauche anarchiste impliqué dans le sabotage de lignes de TGV, puis finalement libéré au terme d’une affaire semble-t-il montée de toutes pièces par la Sécurité intérieure française, lui ont très librement inspiré une histoire, tant plébiscitée aux Etats-Unis, qu’elle s’est retrouvée finaliste du Booker Prize 2024.
Ex-agente du FBI louant désormais ses services de mercenaire à des employeurs privés, l’Américaine Sadie Smith doit infiltrer une communauté d’éco-activistes établis au plus profond du sud-ouest de la France pour les inciter à des actions violentes justifiant une intervention policière. Toute à ses manœuvres d’approche, elle suit de très près les échanges qu’entretiennent par mails le leader du groupuscule et un certain Bruno Lacombe, septuagénaire reclus dans une grotte de la région depuis un drame familial, ancien proche de Guy Debord – il fut de ces jeunes qui fréquentèrent le théoricien révolutionnaire au café Moineau longuement évoqué par Philippe Jaenada dans La désinvolture est une bien belle chose – ayant développé ses propres théories, pour le coup non-violentes, sur la base de ses réflexions sur les mérites comparés des Néandertaliens et des Homo Sapiens.
Nous voici donc au confluent de deux influences contraires, l’une étrangement fantomatique dans ses messages d’outre-grotte pour ne pas dire d’outre-tombe, assez fumeuse il faut le dire, mais que l’on retiendra au final d’intention humaniste, l’autre cyniquement manipulatrice dans ses jugements rapides motivés par le seul appât du gain. Menée par Sadie, la narration froide laisse pourtant apparaître quelques discrètes lézardes dans la carapace. Et si cette femme en venait à son tour à laisser parler le passé pour en tirer elle aussi quelque leçon de vie ?
Mais que d’improbables et assommantes intrications avant d’en arriver là ! Faute de mieux, l’on ne parvient à s’expliquer un tel ramassis de considérations vides, de rapprochements tirés par les cheveux et d’enfoncement de portes ouvertes qu’en se représentant ce fil rouge vu des Etats-Unis : l’affaire à l’origine du livre se déroule dans le sud-ouest français, ce qui évoque le Périgord, donc des grottes et enfin la préhistoire. C’est ainsi que des « méga bassines » à Tal l’homme de Néandertal en passant par les dissidents persécutés en Occitanie, Cagots, Cathares et hérétiques réfugiés sous terre jusqu’aux « refaiseurs de monde » comme Guy Debord, l’on se retrouve, tous ces sujets enfilés comme s’ils suffisaient à donner queue et tête à l’ensemble, dans un salmigondis d’autant plus ennuyeux que toujours superficiel.
Le tout aurait à la limite pu passer pour drôle s’il ne laissait l’impression d’une véritable ambition politique, moraliste et philosophique chez l’auteur, comme si, à l’opposé justement du récit décalé et de l’auto-dérision, elle avait suffisamment cru à sa connaissance de la France profonde pour se lancer à son tour dans son Sérotonine à elle, un roman à la manière de Houellebecq qu’elle invite d’ailleurs dans ses pages au travers d’un fort reconnaissable avatar. Malheureusement c’est peu de dire que la sauce ne prend pas et laisse le lecteur à son ennui déconcerté, frustré de ne pouvoir même se raccrocher, à défaut de fond cohérent et intéressant, ne serait-ce qu’à un brin de suspense ou d’originalité stylistique.
Entre platitude et prétention, un ouvrage dont on cherche vainement le message et l’intérêt : en littérature comme en cuisine, il ne suffit pas de monter tous les ingrédients en chantilly pour faire un bon plat. (1/5)
Ex-agente du FBI louant désormais ses services de mercenaire à des employeurs privés, l’Américaine Sadie Smith doit infiltrer une communauté d’éco-activistes établis au plus profond du sud-ouest de la France pour les inciter à des actions violentes justifiant une intervention policière. Toute à ses manœuvres d’approche, elle suit de très près les échanges qu’entretiennent par mails le leader du groupuscule et un certain Bruno Lacombe, septuagénaire reclus dans une grotte de la région depuis un drame familial, ancien proche de Guy Debord – il fut de ces jeunes qui fréquentèrent le théoricien révolutionnaire au café Moineau longuement évoqué par Philippe Jaenada dans La désinvolture est une bien belle chose – ayant développé ses propres théories, pour le coup non-violentes, sur la base de ses réflexions sur les mérites comparés des Néandertaliens et des Homo Sapiens.
Nous voici donc au confluent de deux influences contraires, l’une étrangement fantomatique dans ses messages d’outre-grotte pour ne pas dire d’outre-tombe, assez fumeuse il faut le dire, mais que l’on retiendra au final d’intention humaniste, l’autre cyniquement manipulatrice dans ses jugements rapides motivés par le seul appât du gain. Menée par Sadie, la narration froide laisse pourtant apparaître quelques discrètes lézardes dans la carapace. Et si cette femme en venait à son tour à laisser parler le passé pour en tirer elle aussi quelque leçon de vie ?
Mais que d’improbables et assommantes intrications avant d’en arriver là ! Faute de mieux, l’on ne parvient à s’expliquer un tel ramassis de considérations vides, de rapprochements tirés par les cheveux et d’enfoncement de portes ouvertes qu’en se représentant ce fil rouge vu des Etats-Unis : l’affaire à l’origine du livre se déroule dans le sud-ouest français, ce qui évoque le Périgord, donc des grottes et enfin la préhistoire. C’est ainsi que des « méga bassines » à Tal l’homme de Néandertal en passant par les dissidents persécutés en Occitanie, Cagots, Cathares et hérétiques réfugiés sous terre jusqu’aux « refaiseurs de monde » comme Guy Debord, l’on se retrouve, tous ces sujets enfilés comme s’ils suffisaient à donner queue et tête à l’ensemble, dans un salmigondis d’autant plus ennuyeux que toujours superficiel.
Le tout aurait à la limite pu passer pour drôle s’il ne laissait l’impression d’une véritable ambition politique, moraliste et philosophique chez l’auteur, comme si, à l’opposé justement du récit décalé et de l’auto-dérision, elle avait suffisamment cru à sa connaissance de la France profonde pour se lancer à son tour dans son Sérotonine à elle, un roman à la manière de Houellebecq qu’elle invite d’ailleurs dans ses pages au travers d’un fort reconnaissable avatar. Malheureusement c’est peu de dire que la sauce ne prend pas et laisse le lecteur à son ennui déconcerté, frustré de ne pouvoir même se raccrocher, à défaut de fond cohérent et intéressant, ne serait-ce qu’à un brin de suspense ou d’originalité stylistique.
Entre platitude et prétention, un ouvrage dont on cherche vainement le message et l’intérêt : en littérature comme en cuisine, il ne suffit pas de monter tous les ingrédients en chantilly pour faire un bon plat. (1/5)
Citations :
Personne dans la famille n’aimait cet homme, même si Lucien ne l’avait pas formulé ainsi. L’oncle était en décalage, voilà ce que j’avais compris à travers le langage codé de Lucien. (Cependant, on pourrait objecter qu’une bonne famille bourgeoise n’est véritablement bonne que si elle est quelque peu entachée par une alliance avec un balourd de basse extraction : celui-ci lui rappelle ce qu’elle vaut, et ce qu’elle se doit de protéger de gens comme lui.)
Les gens se disent, avec force, qu’ils croient à tel ou tel courant politique, qu’il s’agisse de distribution des richesses, de politique climatique ou de droits des animaux. Ils se consacrent à tel ou tel projet, arrêter l’exploitation forestière, protester contre une centrale nucléaire ou encore bloquer un chargement portuaire, pour mettre à genoux le capitalisme, ou du moins sa logistique. Mais au fond, ce qui motive véritablement leurs convictions – les valeurs qu’ils soutiennent, les styles de vie qu’ils choisissent, le look qu’ils arborent –, c’est de consolider leur identité. (…)
Leurs protestations sont fragiles, tandis qu’ils ont un fort besoin de protéger leur ego, et ce qui le constitue. (…)
Les gens peuvent prétendre croire à ci ou ça, mais à 4 heures du matin, dans leur version d’eux-mêmes, la plupart n’ont aucune opinion sur l’organisation idéale de la société. Lorsque les gens se retrouvent seuls face à eux-mêmes, les passions qu’ils ont mises en avant toute la journée et sur lesquelles ils comptent pour se persuader qu’ils sont véritablement ce qu’ils prétendent être – et pour persuader les gens qui les entourent – se délitent.
Qu’affrontent les gens dans leur version d’eux-mêmes solitaire et dépouillée de 4 heures du matin ? Qu’ont-ils en eux ?
Pas d’opinions politiques. Il n’y a pas d’opinions politiques dans les êtres.
La vérité d’une personne, sous toutes les couches, les apparences et les significations des groupes et des types, la vérité silencieuse sous le bruit des opinions et des « croyances », est une substance pure, obstinée et cohérente. C’est du sel blanc et dur. Ce sel, c’est le noyau. La réalité de l’être à 4 heures du matin.
Avec un GPS on peut savoir où l’on se trouve sans même regarder par la fenêtre, avait-il dit.
On peut savoir où l’on se trouve sans savoir où l’on se trouve.
On peut savoir des choses sans rien savoir du tout.
On fait souvent comme si nous connaissions des choses sans avoir la moindre idée de ce que signifie avoir des connaissances, avait affirmé Bruno.
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