J'ai aimé
Titre : Développement personnel
Auteur : Olivier BOURDEAUT
Parution : 2024 (Finitude)
Pages : 176
Présentation de l'éditeur :
« J’ai la chance de gagner ma vie en racontant des histoires. Du
moins jusqu’à présent. Car j’ai un problème, un problème de taille : je
n’ai plus d’imagination. Je ne comprends pas pourquoi, je ne sais pas
comment cela est arrivé mais j’ai beau froncer les sourcils, serrer mes
petits poings, rien ne vient. Alors j’ai décidé de parler de moi. Selon des chercheurs de Harvard, nous passerions soixante pour cent
de notre temps à parler de nous. Parler de soi stimulerait les mêmes
zones du cerveau que la cocaïne, le sexe ou un bon plat. Et si Harvard
dit que ça fait du bien, je n’ai aucune raison d’en douter. Après tout,
Mark Zuckerberg en est diplômé et il a toujours su, mieux que tout le
monde, ce qui est bon pour l’humanité… »
Avec une franchise pleine d’autodérision, Olivier Bourdeaut revient
sur son enfance compliquée, sa courte et chaotique scolarité et le
périlleux apprentissage du métier d’écrivain. L’auteur d’En attendant Bojangles se dévoile, et sa vulnérabilité nous touche.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Olivier Bourdeaut est né au bord de
l’Océan Atlantique en 1980. L’Education Nationale, refusant de
comprendre ce qu’il voulait apprendre, lui rendit très vite sa liberté.
Dès lors, grâce à l’absence lumineuse de télévision chez lui, il put
lire beaucoup et rêvasser énormément.
Durant dix ans il travailla dans l’immobilier allant de fiascos en
échecs avec un enthousiasme constant. Puis, pendant deux ans, il devint
responsable d’une agence d’experts en plomb, responsable d’une
assistante plus diplômée que lui et responsable de chasseurs de
termites, mais les insectes achevèrent de ronger sa responsabilité. Il
fut aussi ouvreur de robinets dans un hôpital, factotum dans une maison
d’édition de livres scolaires – un comble – et cueilleur de fleur de sel
de Guérande au Croisic, entre autres.
Il a toujours voulu écrire, En attendant Bojangles en est la première preuve disponible.
Avis :
A le lire, Olivier Bourdeaut n’était, avant sa première et aussitôt phénoménale publication, qu’un indécrottable raté des mains duquel tout tombait. Sa scolarité écourtée de dyslexique sourd d’une oreille devait céder la place à un long chapelet de fiascos en tout genre jusqu’à ce que, désormais presque trentenaire, sans le sou et réduit à dormir dans sa voiture, il se voie offrir l’hospitalité par son frère à la condition, lui l’amoureux des mots qui rêvait de devenir écrivain, qu’il écrive au moins trois pages par jour. Si ce livre-là ne fut jamais publié, il initia néanmoins quelque chose, un quelque chose qui devait grandir vers le succès que l’on connaît.
Pastichant malicieusement les titres de chapitre d’un ouvrage de développement personnel, Olivier Bourdeaut décrit avec drôlerie une expérience aux antipodes de ces recettes pour le succès. Les épisodes s’y enchaînent au gré d’une légèreté souvent braque et calamiteuse, et, sous le charme d’une auto-dérision sans la moindre complaisance, c’est le sourire aux lèvres que l’on s’achemine vers une réussite – ô méandres imprévisibles du talent et de la chance ! – obtenue en vérité sans clé ni mode d’emploi, et, serait-on tenté de rajouter, sans garantie de savoir la renouveler.
Drôle et sympathique, un petit livre auquel l’on pardonnera volontiers sa consistance un peu légère, tant il déborde d’humour et de sincérité. Chance, talent et succès, voilà bien un ménage à trois au fragile équilibre domestique. (3,5/5)
Citations :
Ils ont commencé par enlever les mots qu’on comprenait mal et désormais ils effacent les mots qui font mal. Bientôt, ils feront disparaître les mots tout court et les remplaceront par des onomatopées qui, c’est bien connu, n’ont jamais vexé personne. Bientôt les Bibliothèque Verte deviendra la Bibliothèque Vide. Les sensitivity readers, les lecteurs de sensibilité, veulent tout simplement que nous parlions comme des orangs-outans.
Je tiens à préciser au passage que mon attaque n’est pas, du tout, dirigée contre cette communauté de mammifères arboricoles dont je respecte l’engagement de toujours pour la sauvegarde de la planète, le combat pour l’égalité salariale, le polyamour, le compost, enfin bref cette communauté qui lutte chaque jour pour un monde plus inclusif. Non, non, je vise les singes savants qui se prennent pour des humains.
L’escroquerie commence d’ailleurs dès l’intitulé du poste : lecteur de sensibilité. Ce ne sont pas des lecteurs car, comme nous le rappelle le Larousse, un lecteur est une personne qui lit, qui collectionne les mots, pas une personne qui les chasse pour les éliminer. Toujours selon le Larousse, le lecteur est une personne qui aime lire. Quelqu’un qui dépouille les textes et les livres n’aime pas lire, il aime détruire, c’est un barbare bienveillant.
Gao Xingjian, écrivain chinois, prix Nobel de littérature, sait de quoi il parle en affirmant que « La vie est source de la littérature et la littérature doit être fidèle à la vie ». Lui qui a dû, sous la première Révolution culturelle, passer six ans en camp de rééducation et brûler une valise de manuscrits, doit être étonné qu’aujourd’hui on brûle des mots, au sens propre. Au Canada, le pays de la nouvelle révolution culturelle, des écoles ont brûlé 5 000 livres en 2021, des millions de mots partis en fumée. Les flammes ont-elles fait disparaître les maux que ces livres incarnaient ? Il n’est même pas digne de répondre à cette question. Au moins ces criminels ont-ils fait à grande échelle le travail de fourmis que font les fouineurs de sensiblerie. Cramer la littérature et finalement cramer la vie.
On le sait, de plus en plus d’études le prouvent, moins un individu dispose de mots pour exprimer ses sentiments, plus il sera violent, et plus il fera parler ses mains plutôt que son intelligence, on appelle cela l’insécurité linguistique. En rendant les textes moins riches, ils rendent leurs lecteurs plus pauvres. En voulant rendre les textes moins dérangeants, ils rendent leurs lecteurs plus violents.
Protéger les enfants consisterait donc à leur transmettre autant de vocabulaire qu’à des orangs-outans. Si ces idioties avaient existé dans mon enfance, je n’aurais rien eu à mettre dans mon carnet à spirale et ma vie aurait disparu dans un vide intersidéral.
Si mon livre se vendait à 500 exemplaires comme la majorité des premiers romans, et que je touchais sur chaque exemplaire un pourcentage de 8 % comme il est d’usage pour la plupart des premiers romans, j’encaisserai au final 640 euros pour deux ans de travail, soit 320 euros par an, soit 26,66 euros par mois, soit 0,89 euro par jour.
Soit cinq fois moins qu’un travailleur du Bangladesh.
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