vendredi 12 juillet 2024

[Nore, Aslak] Le cimetière de la mer

 



J'ai aimé

 

Titre : Le cimetière de la mer
            (Havets kirkegård)

Auteur : Aslak NORE

Traduction : Loup-Maëlle BESANÇON

Parution : en norvégien en 2021
                  en français en
2023
                  (Le bruit du monde)

Pages : 512

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :     

La matriarche d’une riche dynastie norvégienne se suicide sur le domaine familial. Elle laisse derrière elle le mystère d’un testament disparu et un manuscrit, seule trace d’un drame familial : une catastrophe maritime durant la deuxième guerre mondiale dans laquelle son mari et des centaines de personnes ont perdu la vie. Sa petite-fille se lance à la recherche de ce testament. Aidée par un journaliste, ancien agent des services du renseignement qui a ses propres motivations, elle se retrouve plongée dans le passé labyrinthique de la famille. Une histoire sombre et hantée de secrets, de trahisons et d’amours vouées à l’échec.
Le cimetière de la mer est une fresque sociale, une saga familiale et un drame sur le pouvoir et l’héritage inspiré à la fois des grands récits du XIXème siècle et des séries télévisées d’aujourd’hui.

 

 

Un mot sur l'auteur : 

Né en 1978, Aslak Nore a rejoint le bataillon d’élite norvégien Telemark en Bosnie, avant de travailler comme journaliste au Moyen Orient et en Afghanistan. Il est l'auteur de plusieurs best-sellers et a reçu le prix Riverton du meilleur roman policier en Norvège en 2018.

 

 

Avis :

Le suicide inattendu et la disparition du testament de sa doyenne Vera Lind placent soudain le clan dynastique des Falck, riches armateurs de pères en fils depuis presque deux siècles, face à un conflit de succession. Des deux branches ennemies de cette famille norvégienne, laquelle héritera de la fortune et du pouvoir ? Celle d’Olav, le fils de Vera et le dirigeant actuel de la puissante fondation SAGA ? Ou celle de Hans, le célèbre et charismatique médecin humanitaire, né d’un mariage antérieur à celui de Vera avec le patriarche de l’époque ? Ebranlée par la disparition de sa grand-mère et par certains comportements troubles de son père en ces circonstances, Sasha, la fille d’Olav, décide de profiter de ses fonctions de responsable des archives de la société pour mener l’enquête. Quels secrets, si embarrassants qu’ils ont autrefois empêché la publication d’un récit autobiographique de Vera, lui aussi disparu, se cachent-ils donc derrière l’honorable réputation des Falck ? Et que s’est-il réellement passé lors du naufrage de l’express côtier DS Prinsesse Ragnhild, qui, en 1940, devait coûter la vie de son grand-père et miraculeusement épargner Vera et son nourrisson Olav ?

L’on ne remue pas les boues du passé sans risque. C’est ce que le récit nous laisse constater en ménageant ses effets de suspense, à mesure qu’aux secrets de cette famille fictive, se mêlent politique et faits historiques authentiques, parfois méconnus, des années quarante à nos jours. De la résistance intérieure au nazisme révélée à l’occasion du naufrage, célèbre en Norvège, de l’express côtier qui, en 1940, coûta la vie de quelque 300 passagers, dont bon nombre de soldats allemands à son bord, aux cellules « stay-behind », ces réseaux clandestins coordonnés par l’OTAN pendant la Guerre froide pour protéger l’Europe de l’Ouest d’une invasion soviétique, en passant par les dérives privées de la lutte contre l’État islamique, l’auteur qui fut membre de l’armée de l’OTAN en Bosnie, puis journaliste dans les forces norvégiennes et américaines en Afghanistan et en Irak, inscrit son histoire dans une perspective bien sombre et bien éloignée de la version officielle de l’histoire nationale norvégienne.

Le résultat est un roman foisonnant, entre saga familiale, thriller psychologique et polar géopolitique, dont, nonobstant quelques longueurs, l’on vit avec curiosité les aventures pleines de coups de théâtre. Plus que ses intrications familiales savamment construites pour nous tenir en haleine, ce sont son épaisseur historique et ses coups de projecteur sur quelques aspects méconnus de la politique extérieure de la Norvège ce dernier siècle qui font le principal intérêt de ce livre. A noter qu’Aslak Nore a déjà suscité la polémique dans son pays à l’occasion de publications précédentes, comme son essai Extremistan en 2009, non traduit, où il exprimait, à propos de l’immigration, ses interrogations quant à l’extrémisation « pour le meilleur et pour le pire » de la Norvège. (3,5/5)

 

 

Citations :

La mort ne m’effraie pas. Au fond, le plus dur est la douleur qu’elle cause aux proches, et avec l’âge ce chagrin s’amoindrit fortement. Paradoxalement, la mort cesse dès lors qu’elle survient. Elle n’existe qu’aux yeux des vivants.

Il était libre, sorti de la pire prison sur terre. Il aurait dû être heureux. Pourquoi n’était-ce pas le cas ? Il se surprenait à regretter cette période derrière les barreaux. Pas les passages à tabac, la torture et les maladies, bien sûr. Non, il regrettait le temps où il rêvait à la liberté. Toutes les prisons du monde sont pleines de rêves. C’est le seul luxe qu’aucune geôle ne peut retirer aux détenus. Or aujourd’hui les rêves avaient disparu, il ne restait plus que la réalité.

J’ai l’impression d’entendre les mêmes paroles que celles que prononcent de nombreux autres vétérans, constata le médecin-chef. Ce qui est difficile, ce ne sont pas les missions elles-mêmes, aussi dramatiques soient-elles, serais-je tenté de dire. C’est le retour.

Peut-être suis-je le seul à le ressentir ainsi, mais est-il possible d’être aussi malheureux et heureux en même temps que l’on peut l’être à quatorze ans ? À cet âge, notre passé se résume à presque rien. Tout ce que l’on a, ce sont des rêves. Puis on construit sa vie, et les rêves peu à peu s’estompent. Et quand on meurt, les rêves ont disparu, seul le passé demeure.

 

2 commentaires:

  1. Déjà repéré dans le challenge "Books trip en mer", où Manou a inscrit sa propre chronique dessus:
    https://lecture-sans-frontieres.blogspot.com/p/book-trip-en-mer-2024-livres-lus.html
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

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