jeudi 17 mars 2022

[Jeannin, Aurélie] Les Bordes

 


 
 

 

J'ai beaucoup aimé

Titre : Les Bordes

Auteur : Aurélie JEANNIN

Parution : 2021 (HarperCollins)

Pages : 224

 

  

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :  

Les Bordes, c’est un lieu et c’est une famille. En l’occurrence, sa  belle-famille qui ne l’aime pas. Elle, Brune, le bouclier. Mère responsable,  tenant solidement sur ses deux jambes, un oeil toujours fixé sur  le rétroviseur ou l’entrebâillement de la porte, qui guette, anticipe,  tente de maîtriser les risques.
Ce week-end, comme chaque année en juin, elle prend la route  avec ses deux enfants pour rejoindre Les Bordes et honorer un rituel  familial. Pour celle qui craint chaque seconde l’accident domestique, Les  Bordes ressemblent à l’enfer. Trop de jeux extérieurs, trop de recoins,  de folles libertés. Trop de silence et de méchancetés à peine contenues. Trop de souvenirs. Aux Bordes, Brune saura-t-elle esquiver le pire ? Est-il possible pour  une mère de protéger ses enfants ?

Derrière la mécanique du drame hasardeux et l’absence de bourreaux,  Les Bordes  dresse un portrait de la famille, de la parentalité et de la maternité sans fard, grâce à une héroïne aussi troublante qu’humaine.
 

   

Le mot de l'éditeur sur l'auteur :

Aurélie Jeannin est conceptrice-rédactrice, consultante spécialisée  en identité de marque. Elle est l’autrice d’un premier roman remarqué,  Préférer l’hiver  (HarperCollins, 2020 ; HarperCollins Poche, 2021).  Elle vit avec son mari et ses enfants en forêt, quelque part en France.

 

 

Avis :

Comme tous les ans en juin, les Bordes se réunissent à la ferme familiale du même nom, pour un pique-nique en bord de lac. Avec son mari et ses deux jeunes enfants, Brune, la narratrice, y retrouve son beau-frère et les siens, mais surtout ses beaux-parents qui la détestent. Le week-end est donc pour elle une épreuve, qu’elle redoute d’autant plus que, mère anxieuse et sur-protectrice, elle envisage la ferme et ce coin de campagne comme des lieux de tous les dangers, souvenirs obligent...

Si le monologue de Brune est l’occasion d’abattre, avec une bonne dose de vérité dérangeante, tous les clichés de la maternité heureuse, l’on ne tarde guère à trouver cette mère au bord de la rupture un rien exaspérante dans l’excès de ses alarmes, son obsession de la perfection et ses crises émotionnelles qui sapent d’ailleurs définitivement son autorité. C’est que, chez Brune, la maternité est le révélateur de failles profondes, l’explosif qui fait sauter les couches de protection dont elle était parvenue à s’envelopper dans un semblant d’équilibre. La charge d’âmes renvoie brutalement à la figure de la jeune femme son manque de confiance en elle et ses angoisses, laissant à nu une vulnérabilité dont le lecteur s’irrite avant d’en comprendre la raison, enracinée aux Bordes depuis le temps de l’enfance.

Décortiqués en profondeur dans leur psychologie, les personnages nous sont livrés dans leur vérité brute, révélant sans fard la violence sous-jacente qui peut empoisonner les relations familiales, au gré de drames et de blessures jamais cicatrisées, surinfectées par les non-dits où couvent chagrin, amertume et colère. Imparable parce qu’enfermée dans le huis clos de l’intimité, la méchanceté y atteint d’autant plus facilement des paroxysmes, que chacun se pense victime, cherche un coupable à sa souffrance, et qu’un enfant facilement culpabilisable fait un parfait bouc-émissaire. D’abord agacé par ce qui paraît à première vue de pusillanimité chez Brune, le lecteur sombre peu à peu avec elle dans l’ambiance délétère des Bordes, bientôt convaincu que le pire reste à venir. Et c’est désormais la même prescience du danger qu’il partage avec la jeune mère.

Aucun de ses personnages n’échappe à l’impitoyable scrutation d’Aurélie Jeannin. Tous éclairés sans concession dans leurs peurs, leurs frustrations et leurs manipulations affectives, ils dessinent un tableau accablant de noirceur, indéniablement convaincant, de la nature humaine dans ce qu’elle a de plus intime : la sphère familiale, lieu de tous les amours et de toutes les haines. (4/5)

 

Citations :

Sa belle-mère aurait pu être une de ces femmes dociles et effacées, qui compensent l’aigreur de leur mari par une discrète mais infinie douceur. Une de ces femmes chez qui tout est excuse. Dont le moindre geste est une requête. Un élan pour demander pardon, au nom de cet autre à côté d’elle, malveillant, noir en dedans. Elle aurait pu être une mère et une grand-mère ronde et molle. Une sucrerie pour équilibrer l’acidité. Mais sa belle-mère était une branche morte. Pas une épave résignée qui se contenterait d’être absente. Non, une branche morte qui reste là, tenace, grise, piquante et déformée. Elle n’était d’aucun soutien, jamais. Elle fixait son mari de ses yeux dévorants, elle appuyait ses questions, nourrissait ses griefs. Elle en rajoutait (…).

Elle a changé de prénom. Elle n’a plus de prénom. Même son mari dit « maman » quand il parle d’elle. Elle est une maman. Elle est maman. Elle est la leur. Elle est toutes les mamans. Elle est maman le jour la nuit tout le temps pour tout pour l’un pour l’autre pour les deux pour toujours. Ce « ma » qui précède ce « man ». Ce « ma » qui dit « à moi ». Ma-man, ma mère, ma maman.


 

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