samedi 5 mars 2022

[Vesper, Inga] Un long, si long après-midi

 

 

 

J'ai aimé

Titre : Un long, si long après-midi
            (The Long, Long Afternoon)

Auteur : Inga VESPER

Traduction : Thomas LECLERE

Parution : 2021 en anglais,
                  2022 en français (La Martinière)

Pages : 416

 

  

 

 
 

 

Présentation de l'éditeur :  

Le grand roman de l’été 2022 ! Dans un quartier riche et ensoleillé de Los Angeles, tout semble parfait. Mais la perfection n’existe pas, et là où il y a soleil, il y a ombre. Secrets et tragédies se cachent à chaque coin de rue. Dans une veine qui rappelle La Couleur des sentiments ou Desperate Housewives, Un long, si long après-midi est un premier roman époustouflant au cœur d’une Amérique asphyxiée par son sexisme et son racisme ordinaires.

«Hier, j’ai embrassé mon mari pour la dernière fois. Il ne le sait pas, bien sûr. Pas encore.»
Dans sa cuisine baignée de soleil californien, Joyce rêve à sa fenêtre. Elle est blanche, elle est riche. Son horizon de femme au foyer, pourtant, s’arrête aux haies bien taillées de son jardin. Ruby, elle, travaille comme femme de ménage chez Joyce et rêve de changer de vie. Mais en 1959, la société américaine n’a rien à offrir à une jeune fille noire et pauvre. Quand Joyce disparaît, le vernis des faux-semblants du rêve américain se craquelle. La lutte pour l’égalité des femmes et des afro-américains n’en est qu’à ses débuts, mais ces deux héroïnes bouleversantes font déjà entendre leur cri. Celui d’un espoir brûlant de liberté.

 

   

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Inga Vesper vit en Ecosse. Elle a longtemps travaillé comme aide-soignante, avant de se tourner vers le journalisme-reportage (en Syrie et en Tanzanie notamment). Un long, si long après-midi est son premier roman.

 

 

Avis :

En cet été 1959, rien ne semble pouvoir troubler la sérénité du riche quartier de Sunnylakes, en banlieue de Los Angeles, où Joyce mène une existence monotone auprès de son mari et de ses deux petites filles. Pourtant, un de ces mornes après-midis où Ruby, leur femme de ménage, vient chez eux pour y effectuer ses tâches habituelles, elle trouve les enfants seules, abandonnées à elles-mêmes. Sa patronne s'est volatilisée, tandis qu'une large tâche de sang macule le sol de la cuisine. Aussitôt désignée à toutes les suspicions par sa peau noire, Ruby fait une coupable idéale avant même que l'enquête ne commence.

Des maisons cossues semées en banlieue sur leurs jolis carrés de pelouse, de grosses voitures pour les relier à de vastes surfaces commerciales, des appareils électroménagers et la mode vestimentaire comme clés du bonheur des maîtresses de maison : l’American way of life présente à Sunnylakes toutes les facettes qui font l’envie du monde en cette fin des années cinquante. Du rêve américain à la réalité, il y a pourtant beaucoup à dire. Racisme et sexisme battent alors leur plein, ouvrant un long chemin pour la lutte des minorités pour leurs droits. Pendant que les Noirs, comme Ruby, se heurtent à une ségrégation et à des préjugés implacables, les femmes vivent sous la tutelle de leurs maris, dans une dépendance, entretenue par les stéréotypes sexués, qui commence par la négation de leurs droits génésiques.

Alors quand Joyce, qui étouffe dans un mariage sclérosant et une maternité non choisie, laisse échapper des réactions non conformes à l’image de réussite si chère à son mari et à sa belle-mère, quand tout le voisinage scrute à la loupe la moindre fausse note qui deviendrait aussitôt scandale, quand finalement les apparences ne suffisent plus à masquer les lézardes de l’intimité, toutes les conditions sont réunies pour qu’un drame éclate et prenne des proportions d’autant plus calamiteuses que seule prévaut la volonté de l’étouffer. Et comme il est impensable pour cette bonne société de se voir confronter à ses propres failles, quel meilleur bouc émissaire que la petite bonne, dont la peau noire attire d’avance, et bien commodément, toutes les vindictes.

Rédigé d’une plume, sans grande aspérité peut-être, mais fluide et efficace, ce premier roman réussit à vous immerger dans son atmosphère poisseuse, au fil d’une lecture captivante aux multiples rebondissements et surprises. Au-delà de l’enquête policière certes parfois un rien caricaturale, c’est l’envers du rêve américain, au travers de la condition féminine et du racisme de 1959, qui vient ajouter l’intérêt à l’agrément du récit. (3,5/5).

 

Citations :

Les géraniums ont besoin d’eau ; ils vont devoir patienter. Ruby n’arrivera pas avant l’après-midi et c’est le dernier jour de mes règles. Franck n’aime pas quand j’arrose mes fleurs pendant mes règles. Il dit que les émanations féminines les feraient faner. Mieux vaut laisser la bonne s’en charger.
Je me range à son avis, bien sûr. Je ne lui fait pas remarquer qu’il dit aussi que les Noirs n’ont aucun talent pour faire pousser les choses, ce qui explique qu’ils n’aient pas de jardinières et que leurs bébés meurent souvent.

Je ne devrais pas peindre. Franck n’aime pas ça, bien que Genevieve Crane dise que j’ai un talent incroyable. C’est un mauvais exemple pour les enfants, une mère qui se fait plaisir, quand il y a des repas à prévoir, des tapis à aspirer et des bouquets de fleurs à arranger.

Et il se demande comment il se sentirait s’il vivait à Sunnylakes et qu’il devait faire face à une journée parfaite de plus, enfermé dans sa cuisine parfaite, attendant que ses enfants parfaits soient couchés afin que son mari parfait puisse lui en faire un autre. La nuit dernière, il a arraché une publicité Miltown dans un magazine de Fran et l’a punaisée sur un mur. Une maîtresse de maison innocente à la fin d’une journée productive, recevant gracieusement un baiser sur la joue de l’homme de la maison alors qu’elle fait briller un dernier couvert. « Depuis que j’utilise Miltown, nos disputes sont devenues des baisers. »

Vous ne comprenez pas. Elle était folle. Je vous ai dit qu’elle ne voulait plus de moi, qu’elle ne m’aimait plus. Elle me traitait d’idiot et de crétin, elle disait que j’avais gâché sa vie...des trucs qu’une femme normale ne dirait jamais à son mari. J’ai dû en parler aux médecins. Ils l’ont mise sous traitement. Un traitement fort.


 

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