dimanche 27 mars 2022

[Yueran, Zhang] L'Hôtel du Cygne

 


  

J'ai beaucoup aimé

 

Titre : L'Hôtel du Cygne
            (天鹅旅馆 - Tiān'é lǚguǎn)

Auteur : Zhang YUERAN

Traductrice : Lucie MODDE

Parution : en chinois en 2017
                   en français (Zulma) en 2021

Pages : 160

 

 

 
 

 

 

Présentation de l'éditeur : 

Venue du lointain Sichuan, Yu Ling travaille à Pékin depuis dix ans et rêve de changer de vie. Au détour d’un pique-nique, avec son acolyte M. Courge, ils fomentent le kidnapping de Dada, charmant petit garçon de l’élite chinoise dont elle est la nounou. Mais une fois avalées les pattes de crabe du Kamtchatka et les brochettes d’ailes de poulet, le plan tombe à l’eau, adieu la rançon : le grand-père de Dada vient d’être inculpé pour corruption, le père est arrêté, la mère a disparu. Yu Ling se retrouve seule avec l’enfant. Dans la grande villa aseptisée, Dada dresse une tente pour y accueillir tous ceux qui comme lui n’ont pas d’amis : l’Hôtel du Cygne. Dans le huis clos de cette drôle de famille recomposée, Zhang Yueran dresse le portrait tout en nuances de la Chine d’aujourd’hui.

  

Le mot de l'éditeur sur l'auteur : 

Née dans la province du Shandong en 1982, Zhang Yueran vit à Pékin. Elle est l’une des voix les plus prometteuses et singulières de la littérature chinoise aujourd’hui.
Le Clou, son premier roman traduit en français, a créé l’événement. Un ouvrage majeur de la Chine contemporaine.

 

 

Avis :

A Pékin, Yu-Ling est la nounou de Dada, six ans, enfant unique et gâté d’un couple de l’élite chinoise. Alors qu’elle s’apprête, avec un complice, à kidnapper le garçon dans l’espoir d’une rançon qui lui permettrait enfin de changer de vie, le grand-père et le père de Dada sont arrêtés pour corruption. Se sachant recherchée, la mère en voyage à Hong Kong ne donne plus signe de vie. Désormais seule avec l’enfant abandonné dans la vaste et riche demeure familiale, la nounou, stoppée net dans sa rébellion et ses velléités d’indépendance, doit composer avec la nouvelle situation.

Yu Ling est de ces humbles, oeuvrant leur vie durant au service de très riches, pour qui ils demeurent insignifiants et invisibles. Comble de l’ironie, c’est au moment où ses aspirations à une existence plus satisfaisante sont sur le point de lui faire franchir la ligne rouge en faisant d’elle une criminelle, que ses employeurs tombent eux-mêmes dans leur course à toujours plus de richesses, comme si l’argent n’appelait qu’à toujours faire tourner plus les têtes. Déjà oublié, en temps ordinaire, aux seuls soins des employés de maison, le fils se retrouve totalement abandonné dans la Bérézina familiale : une aberration pour lui de l’ordre de la nuance, et encore plutôt positive, puisqu’à court terme, rien ne change dans son quotidien, sinon l’allègement de l’étiquette habituellement imposée par sa mère.

Certes gâté et capricieux, l’enfant fait preuve d’une innocence désarmante, et c’est lui qui fait chanceler Yu-Ling dans ses tiraillements personnels. Sous les abords hermétiques et bourrus de cette femme, se cache un coeur tendre, blessé par un passé que quelques allusions permettront peu à peu au lecteur de comprendre. Une exquise délicatesse dans le récit, tout en nuances et en non-dits, accompagne la découverte, l’une par l’autre, de ces deux âmes pures, privées d’affection. Et si ces deux-là ont, à première vue, tout perdu dans la tourmente, ils se sont bien trouvés à l’Hôtel du Cygne, cet asile imaginé chez lui par l’enfant, pour tous ceux comme lui sans amis, à commencer par l’oie sauvée de l’abattoir qu’il prend pour un cygne…

Beaucoup de tendresse vient éclairer cette histoire centrée sur deux personnages que les sordides réalités de la société n’auront au final pas réussi à démolir comme les autres. Un instantané tout en subtilité d’une certaine Chine contemporaine. (4/5)

 

Citation :

La soupe de courge dégageait des volutes de chaleur. Yu Ling s'essuya les yeux, baissa le feu et s'accroupit. Dada entra à sa suite et vint se placer derrière elle. "Ling, je te promets que je ne jouerai plus jamais au bord de l'eau" souffla-t-il en collant sa tête tout contre son dos. Elle resta sans bouger, sensible à la moindre bouffée d'air chaud qui s'échappait de sa bouche. Il reposait contre elle de tout son poids. Elle ne savait pas de quoi demain serait fait mais il y avait au moins une chose dont elle était sûre : il avait besoin d'elle. Pas comme un enfant peut avoir besoin d'une nounou ou une femme d'un homme. A vrai dire, elle ne savait pas trop ce que c'était. Mais elle était heureuse qu'on ait besoin d'elle de cette manière-là. Amy avait dit "On est tous aussi démunis quand vient la souffrance", ce à quoi elle aurait aimé ajouter "On est tous aussi forts quand vient le bonheur". Un courant de chaleur lui traversa le coeur et, à cet instant précis, elle se sentit capable de porter le monde sur ses épaules.


 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire